La jeunesse des présidents de la République François Mitterrand, un enfant taquin et moqueur

 Robert Schneider retrace l'enfance de François Mitterrand, enfant espiègle au sein d'une grande fratrie de huit enfants. A cette époque, certains disent déjà qu'il "fera parler de lui !".

françois mitterrand, quatrième président de la ve république.
François Mitterrand, quatrième Président de la Ve République. © Commission européenne

"Quand sa grand-mère Eugénie lui interdit de toucher un objet, il s'en approche le plus près possible. Elle le gronde, il répond, plus taquin que révolté : "Mais je ne touche pas !" Lorsqu'elle lui inflige la punition familiale – être attaché à un meuble par un fil qu'il ne faut pas rompre – acceptée de bonne grâce par tous ses frères et soeurs, il se détache aussitôt. "Il admettait mal l'autorité et moins encore les entraves à sa liberté", se souvenait sa cousine Lolotte, témoin de ses désobéissances (12). Elles furent d'autant plus rares que, écrira-t-il, "mes parents ne pesaient pas sur moi. Ils ne faisaient pas preuve à mon égard d'une autorité aveugle. Mais ils m'inculquèrent une discipline de vie(13)". François n'est pas un rebelle – "Se révolter ? Contre qui !" dira-t-il. Il ne crie pas, il ne trépigne pas, mais il est moqueur et têtu. A Jarnac, les siens l'appellent "le doux entêté". 

"François, sept ans, le cheveu brun, le regard assuré, dont la présence semble déjà dominer."

Une photo de famille prise en 1923 rue Abel-Guy en dit long sur la fratrie. Au centre, Yvonne, entourée de ses huit enfants. Tous fixent l'objectif. Derrière la mère, Antoinette, l'aînée, alors âgée de quatorze ans, qui sera un peu une seconde mère pour les plus petits. A sa droite, Marie-Josèphe, sa cadette de deux ans, déjà fantaisiste, déjà artiste, elle invente des histoires peuplées de personnages mystérieux qui fascinent François. Puis Colette, déjà la plus jolie, si proche de Robert qu'on les appelait "la cane et le canard". Au premier rang, Geneviève, quatre ans, la dernière des filles ; Robert, huit ans, l'aîné des garçons ; Jacques, le troisième, le seul qui soit blond aux yeux bleus ; Philippe, le petit dernier, sur les genoux de sa mère. Et à leur gauche, légèrement en avant des autres, une main protectrice sur la cuisse de sa mère, François, sept ans, le cheveu brun, le regard assuré, dont la présence semble déjà dominer. Il n'est pourtant pas le plus brillant : c'est Robert, futur polytechnicien. Pas le plus beau et le plus intrépide : c'est Jacques, le futur général, patron de la force de frappe française. Pas le plus charmant, le plus convivial : c'est Philippe, le gentleman farmer qui restera au pays. Il est différent. Il possède ce je ne sais quoi d'indéfinissable que les autres n'ont pas, et qui faisait dire à son grand-père Jules et au curé Marcelin, son professeur à Touvent : "Ce petit fera parler de lui !""

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12. Entretien avec l'auteur, le 13 décembre 2006.
13. François Mitterrand et Elie Wiesel, Mémoire à deux voix, op. cit., p. 11.