Les mots préférés des politiques décryptés Le "ninisme" de François Mitterrand

Le "ninisme", attribué dans les années 1980 à François Mitterrand" est ici décrypté par Tristan Savin, de même que le terme "palinodie", cher au champ politique.

françois mitterrand, un adepte du 'ninisme' ?
François Mitterrand, un adepte du "ninisme" ? © Commission européenne

 Ninisme néologisme. On pourrait le traduire ainsi : utilisation contradictoire, dans une allocution, du "ni... ni...". Le terme, moqueur, fut inventé par les éditorialistes en mars 1988 – à l'aube d'une nouvelle campagne présidentielle –, mais l'idée initiale (dialectique, voire politique) est de François Mitterrand. "Il annonce, dans la foulée, qu'il n'entend pas se lancer 'dans une bataille sur de nouvelles nationalisations', mais qu'il souhaite en finir avec 'la contagion des privatisations' : 'Ni l'une ni l'autre de ces réformes ne peut être d'actualité.'"Le récit est de Franz-Olivier Giesbert, qui commente, narquois : "Le programme de Mitterrand tient désormais en quelques mots : ni privatisations ni nationalisations. Ou bien, si l'on préfère : ni socialisme ni libéralisme." (La Tragédie du Président). Le "ninisme", nouvelle doctrine politicienne, serait-il une forme de nihilisme ?

"Depuis le XIXe siècle, le terme - employé au pluriel et surtout appliqué au discours des hommes politiques - signifie "changement d'opinion"."

 Palinodie n. f. Du latin palinodia ("rétractation"). Dans l'Antiquité, une palinodie désignait un poème en contradiction avec celui précédemment déclamé. Depuis le XIXe siècle, le terme – employé au pluriel et surtout appliqué au discours des hommes politiques – signifie "changement d'opinion". En 1898, Octave Mirbeau signait une chronique dans L'Aurore intitulée "Palinodies" : "À aucune époque de mon existence, et même au plus de mes 'palinodies', je ne variai jamais sur la conviction où je suis de la prodigieuse stupidité de M. Henri Rochefort, et de sa canaillerie plus prodigieuse encore."

Le terme signifie désormais, par extension : "inconstance", "volte-face", "retournement de veste". À ne pas confondre avec "panade" (soupe de pain) ou "calomnie". Les palinodies de nos politiques, hommes ou femmes, font bien entendu la joie des commentateurs. On ne saurait mieux dire, à ce sujet, que ce cher Marcel Proust : "Leurs palinodies tiennent moins à un excès d'ambition qu'à un manque de mémoire." On peut aussi conclure, avec Benjamin Constant : "Les hommes sont toujours sincères. Ils changent de sincérité, voilà tout."