Jean-Marie Le Pen : Marine n'était pas sa préférée, l'éternel père déçu

Jean-Marie Le Pen : Marine n'était pas sa préférée, l'éternel père déçu La crise qui secoue le Front national s'explique par une longue histoire qui prend ses racines dans une relation père-fille tumultueuse entre Jean-Marie et Marine Le Pen.

[Mis à jour le 5 mai 2015 à 15h38] "J'ai honte qu'elle porte mon nom." La dernière réaction de Jean-Marie Le Pen au tumulte qui secoue son parti, mais aussi sa famille, a tout du drame shakespearien ou de la tragédie grecque. Le président d'honneur du Front national, désavoué par sa fille Marine Le Pen et par une très large majorité des cadres frontistes après ses propos renouvelés sur les chambres à gaz, a été suspendu du parti et pourrait perdre son titre de "président d'honneur du Front national". Ses réactions contre Marine Le Pen ont été d'une violence inouïe (lire notre dossier). Aux origines de la crise : cette nouvelle salve de provocations qui, en avril, ont mis à mal la progression du FN, lancé dans un long processus de "dédiabolisation" depuis des années. Mais aussi peut être un peu plus. Car les racines du conflit larvé entre Marine Le Pen et son père sont sans doute bien plus profondément enfouies. Et l'une d'elle vient directement d'une relation père-fille pourrie par la politique, les ambitions et peut être même un amour inégal du leader frontiste pour ses filles.

Il faut sans doute le rappeler pour mieux comprendre ce qui se déroule sous nos yeux : ce n'est pas dans sa fille cadette Marine que Jean-Marie Le Pen avait placé ses espoirs dans les années 1980. Alors que le Front national décolle et gagne même des élus à l'Assemblée nationale (déjà), c'est l'aînée des soeurs Le Pen, Marie-Caroline, qui apparaît devant les caméras et prend sa place dans la machinerie frontiste. C'est aussi à elle que le "patriarche" envisage de confier les clés une fois que sera venue l'heure de se retirer. Trois fois candidate aux cantonales et trois autres fois aux législatives à Neuilly (où elle sera notamment battue par un certain Nicolas Sarkozy), élue conseillère régionale en 1992 et 1997, Marie-Caroline Le Pen sera l'auteure de la première grande "trahison" du clan, en rejoignant Bruno Mégret au MNR lors de la scission de 1999. Après avoir tenté une médiation, elle quittera le domaine de Saint-Cloud, siège de la famille Le Pen, et sera tout bonnement répudiée. Jean-Marie Le Pen, qui avait affirmé amèrement à l'époque que des "femmes ont l'habitude de suivre leur mari ou leur amant plutôt que leur père", indique depuis à qui veut l'entendre qu'il n'a "plus de fille aînée" et n'a plus jamais, dit-on, adressé la parole à la félonne depuis cet épisode. Yann, la seconde fille de Jean-Marie Le Pen (et mère de Marion Maréchal-Le Pen), qui œuvre quant à elle en coulisses dans le parti, entretiendra un temps la flamme du patriarche. Tout comme les "époux" (Philippe Olivier, Samuel Maréchal). Mais aucune des ces options ne se concrétisera réellement.

EN VIDEO - "Jean-Marie Le Pen considère que sa fille est moins brillante et moins intelligente que lui".

"Edito d'Arlette Chabot : "Jean-Marie Le Pen considère que sa fille est moins brillante et moins..."

Reste la troisième et dernière fille : Marine. Un choix par défaut pour Jean-Marie Le Pen. Choix de seconde voire de troisième main qui déterminera la suite de l'histoire qu'on connaît aujourd'hui. Dans de nombreux médias comme VSD, les "secrets de famille" des Le Pen ont déjà été décortiqués et la relation de Marine Le Pen et de son père, qui n'a jamais placé que peu d'espoir en elle, particulièrement observée. Le révélateur reste une interview du leader d'extrême droite dans le Times en 2012, après la présidentielle. Alors que lui, pupille de la nation, a été élevé à la dure chez des "paysans et des pêcheurs" avant de passer par l'armée et l'Algérie comme il aime à le rappeler, il déclare au journal britannique que  sa fille Marine est une "petite bourgeoise". Un qualificatif resté dans les esprits. "Moi je suis né dans un milieu populaire et Marine est née dans un milieu bourgeois", tentait alors de justifier le fondateur du FN un an à peine après avoir confié les rênes du parti à sa fille. Alors que cette dernière gardait le silence, son entourage évoquait alors "une muflerie de plus" d'un homme qui "plus il devient vieux, plus il devient méchant"... De quoi laisser imaginer d'autres blessures plus anciennes, plus profondes.

EN VIDEO - En 2011 Marine Le Pen prend les rênes du FN mais avoue elle même avoir "tenté d'échapper à la politique en devenant avocate".

"Le Pen père et fille, une relation faite de conflits"

Jean-Marie Le Pen a toujours considéré que Marine Le Pen était "moins brillante" et "moins intelligente" que lui selon la journaliste politique Arlette Chabot sur LCI. Et peut-être aussi que ses deux filles aînées. Une plaie douloureuse pour la "petite dernière" qui tient manifestement à montrer qu'elle peut "tuer le père" et réussir mieux que lui. Quant à Jean-Marie Le Pen, il supporterait mal le décollage de sa fille et de son parti sans lui, mis à l'écart des décisions les plus stratégiques depuis 2011. La stratégie de "dédiabolisation", qui semble porter ses fruits et la montée en force de Marine Le Pen agacerait au plus haut point le "président d'honneur" du FN qui, même à 86 ans, semble vouloir encore garder une emprise sur son "vrai bébé" : le Front national. Un bébé qu'il a toujours vu comme un parti de contestation du pouvoir en place plutôt que comme un parti prêt à gouverner (lire à ce sujet cet article du Lab). Comme lors des municipales, où un commentaire sur la une "fournée" d'artistes avait fait scandale, ses interviews sur BFMTV et RMC, mais aussi dans le journal d'extrême droite Rivarol après le triomphe des départementales, tout comme ses réactions outrées depuis lundi soir, semblent faire partie d'un plan média préparé pour casser la dynamique de sa fille et montrer qu'il "bouge encore".