Denis Baupin a tenté de faire taire Mediapart
[Mis à jour le 12 mai 2016 à 19h16] Accusé de harcèlement et d'agressions sexuelles par huit femmes politiques, le député écologiste Denis Baupin est au cœur de la polémique. Il a démenti les faits qui lui sont reprochés et a fait savoir par son avocat qu'il entendait porter plainte pour diffamation contre Mediapart et France Inter, les deux médias ayant publié les témoignages. Mais la solution judiciaire ne semble pas convenir à Denis Baupin. Mediapart révèle que le député a tenté à plusieurs reprises de faire pression sur la rédaction pour qu'elle se censure via deux courriers adressés par son avocat – et que Mediapart publie en intégralité.
EN VIDEO - Denis Baupin porte plainte pour diffamation
L'avocat de Denis Baupin commence par envoyer une lettre le 8 avril à Edwy Plenel, directeur de la publication de Mediapart, alors que l'enquête n'est pas encore parue. "Une intrusion dans la sphère de l'intimité (de Denis Baupin, ndlr) constituerait une atteinte particulièrement grave à ses droits", écrit Me Emmanuel Pierrat dans ce courrier. L'avocat reproche également aux journalistes de n'avoir pas interrogé le député, ce que dément catégoriquement Edwy Plenel qui affirme dans un article y avoir veillé "plutôt dix fois qu'une". La lettre du 8 avril se conclut sur cette demande : "Je vous mets en demeure (…) de vous abstenir de publier tout élément susceptible de porter atteinte à l'honneur et à la considération de Monsieur Denis Baupin". Une demande à laquelle Mediapart oppose une fin de non-recevoir.
Nous déclinons évidemment cette sommation, totalement attentatoire au droit de la presse. https://t.co/cYaCIhRkfX
— Mediapart (@mediapart) 12 mai 2016
Une seconde lettre après la mise en ligne des témoignages
Malgré les réactions aux témoignages des femmes politiques et les suites qui y ont été données (une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris), Denis Baupin, par le biais de son avocat, a de nouveau tenté de faire pression sur Mediapart. Edwy Plenel explique ainsi avoir reçu une deuxième lettre datée du 9 mai, jour de la mise en ligne de la fameuse enquête. "Cet article comporte des imputations diffamatoires", écrit cette fois Me Emmanuel Pierrat. "En conséquence, je vous demande de procéder à la suppression – immédiate – de la mise en ligne de ce reportage litigieux sur votre site internet".
L'avocat va même plus loin en demandant au directeur de la publication de lui faire part "des mesures" qu'il entend prendre "pour réparer le préjudice de Monsieur Denis Baupin". Réponse d'Edwy Plenel : "Cette façon de faire est totalement contraire au droit de la presse en vigueur". "C'est donc peu dire que cette enquête douloureuse, tant il fallut de courage aux femmes concernées pour sortir enfin de leur silence, fut menée sous tension, dans un contexte de pression explicite de Denis Baupin, via son avocat", conclue le journaliste.
Edwy Plenel avait prévenu qu'il rendrait les courriers publics
Avant de publier un texte sur Mediapart, Edwy Plenel avait envoyé une lettre à l'avocat de Denis Baupin afin de répondre à sa "sidérante sommation". Ce courrier daté du 12 avril faisait donc suite à la première demande de Maître Emmanuel Pierrat, avant même la publication des témoignages. Le directeur de la rédaction prévient alors qu'il n'hésitera pas à publier les courriers si l'élu persistait "à menacer ainsi la rédaction de Mediapart aux fins d'entraver son travail". Edwy Plenel dénonce aussi dans ce courrier des "pratiques d'Ancien Régime, totalement contraires à l'esprit des lois républicains". "En quarante ans de journalisme, je n'ai jamais reçu de courrier de ce type", ajoute-t-il.