Affaire Bygmalion : le résumé pour tout comprendre
[Mis à jour le 7 février 2017 à 10h57] Nicolas Sarkozy et 13 autres personnes sont renvoyés en procès par le juge d'instruction Serge Tournaire : l'enquête sur ses dépenses de campagne lors de la présidentielle de 2012 et les fausses factures de la société Bygmalion prend une autre tournure pour l'ancien président de la République.
Nicolas Sarkozy avait été mis en examen en septembre dernier pour "financement illégal de campagne électorale" de 2012. Il est soupçonné d'avoir approuvé la mise en place d'un système de double facturation destiné à ne pas dépasser le plafond légal pour ses comptes de campagne, fixé légalement à 22,5 millions d'euros. Ses équipes auraient demandé à la société d'événementiel Bymalion de facturer certaines dépenses à l'UMP plutôt qu'à l'association pour le financement de la campagne du président sortant.
En vidéo - Nicolas Sarkozy n'est "pas concerné par l'affaire dite Bygmalion", affirme son avocat au moment de sa mise en examen :
A l'origine du feuilleton politico-judicaire, on trouve les révélations du Point en février 2014 sur cette société spécialiste de l'événementiel, qui a touché huit millions d'euros pour l'organisation des meetings de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. Sont révélés des facturations légèrement supérieures à celles pratiquées sur le marché. A la direction de cette entreprise, deux proches de Jean-François Copé, alors président de l'UMP. Voilà donc lancée la première polémique : les soupçons de connivence et d'enrichissements personnels des dirigeants de Bygmalion grâce à leurs relations. Ses suppositions vaudront à Jean-François sa place de patron du parti.
La société Bygmalion suspectée de copinage et de surfacturation
Rapidement, Libération révèle le pot aux roses. Le scandale est bien plus important que présenté auparavant : durant la dernière campagne de Nicolas Sarkozy, l'UMP a déboursé des fortunes, au moins 18 millions d'euros à Bygmalion pour l'organisation d'événements, dont certains n'ont pas eu lieu comme présentés sur les facturations. La justice va donc être amenée à comprendre dans quel but des fausses factures ont été produites. Jean-François Copé, soupçonné d'enrichissement personnel, a été blanchi.
Jérôme Lavrilleux, le directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy, proche de Jean-François Copé, expliquera sur BFMTV en mai 2014 que le coût des réunions publiques étaient devenues hors de contrôle, en évoquant un "engrenage irrésistible d'un train qui file à grande vitesse et où les personnes qui devaient tirer sur le signale d'alarme ne l'ont pas fait". "Il s'agit de dépenses qui ont explosées", ajoutait-il, révélant des prestations facturées de manière illégale au candidat à la présidentielle.
Un système frauduleux de double facturation mis au jour
Après quelques mois, l'enquête révélé que les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy ont explosé. Son équipe de campagne aurait alors proposer à Bygmalion de maquiller certaines facturations afin qu'une partie des meetings soit payée par l'UMP, et non par l'association pour le financement de la campagne du président sortant. Une manoeuvre illégale visant à ce que le dépassement du plafond des comptes de campagne - fixé à 22,5 millions d'euros - soit invisible. Me Maisonneuve, l'avocat de Bygmalion, a assuré que le montant des "fausses factures" approchait les 10 millions d'euros : "Ce qui a été facturé sous le libellé 'conventions', ce sont les meetings de campagne de Nicolas Sarkozy", a-t-il déclaré en mai 2014. L'office anti-corruption de la police judiciaire estime aujourd'hui que l'UMP a réglé 18,5 millions d'euros en fausses factures pour des événements qui n'ont pas eu lieu.
Nicolas Sarkozy était-il informé ?
L'affaire se cristallise désormais sur une question : qui était au courant du système de double facturation mis en place durant la campagne ? Nicolas Sarkozy a toujours assuré qu'il n'était au courant de rien et qu'il n'a jamais été informé, ni du risque de dépassement, ni de la mise en place d'un système frauduleux de fausses factures. Plusieurs collaborateurs de l'ancien président assurent pourtant qu'il était bien informé. Guillaume Lambert, son directeur de campagne, a maintenu sa version des faits devant la police : il aurait personnellement informé Nicolas Sarkozy qu'il serait difficile de maintenir un rythme soutenu de meetings, car le risque de dépassement des frais de campagne était important. Une note de l'expert-comptable de l'UMP exposant les risques a même été adressée à l'ancien chef de l'Etat en pleine campagne présidentielle. La justice s'interroge également sur un SMS, envoyé par par Jérôme Lavrilleux, le 28 avril 2012, à Guillaume Lambert. L'objet du message : de vives inquiétudes concernant le coût d'un énième meeting dans le Puy-de-Dôme. : "Jean-François ne vient pas à Clermont, il y est allé la semaine dernière. Louer et équiper la deuxième halle est une question de coût. Nous n'avons plus d'argent. JFC [Jean-François Copé, ndlr] en a parlé au PR [président de la République, ndlr]".
Franck Attal, l'homme à la tête de la branche "événementiel" de Bygmalion durant la campagne, concède de jamais avoir parlé directement avec Nicolas Sarkozy des fausses facturations. Pour autant, il assure que ce dernier ment, lorsqu'il déclare qu'ils ne se connaissent pas. "On s'est croisés quarante-cinq fois sur les meetings, il m'a suivi quarante-cinq fois pas à pas pour retrouver son pupitre, (…) mais en 2016, il ne me connaît pas", ironise-t-il, dans un reportage diffusé par Envoyé Spécial le 29 septembre.
Franck Attal : "Je suis prêt à m'expliquer avec N.Sarkozy" #JT20H
— Envoyé spécial (@EnvoyeSpecial) 8 septembre 2016
Notre enquête #Bygmalion sera diffusée le 29/09. pic.twitter.com/y6dhJXnErN
13 personnes avaient été mises en examen dans le cadre de cette enquête en septembre. Le procureur de Paris a fait savoir que Nicolas Sarkozy a été mis en examen début septembre pour "financement illégal de campagne électorale" pour avoir "en qualité de candidat, dépassé le plafond légal de dépenses électorales". Trois cadres de l'UMP ont également été mis en examen, pour "faux, usage de faux et abus de confiance" : Eric Cesari, ancien directeur général adjoint de l'UMP, Pierre Chassat, ancien directeur de la communication, Fabienne Liadze, ex-directrice financière.
Crédit image - Jacques Brinon/AP/SIPA