Benoît Hamon et l'islam : le favori de la primaire est-il "le candidat des Frères musulmans" ?

Benoît Hamon et l'islam : le favori de la primaire est-il "le candidat des Frères musulmans" ? C'est désormais une petite musique qui commence à prendre de l'ampleur dans cette campagne : Benoît Hamon serait conciliant avec "l'islam radical". Une boule puante ?

On se souvient de la campagne d'entre deux tours de la primaire de la droite, durant laquelle Alain Juppé s'était ému d'être attaqué sur les réseaux sociaux - à tort - de connivence avec certains "milieux islamistes". A quelques jour du second tour de la primaire à gauche, c'est Benoît Hamon qui est la cible d'accusations similaires. Libération rapporte ce mardi matin les propos d'un ministre proche de Manuel Valls, "sous couvert d'anonymat", qui ne s'embarrasse plus de nuances : "Hamon est le candidat des Frères musulmans". Quelles que soient leurs intentions vis-à-vis du rival de leur champion, les Vallsistes ont bien compris qu'il fallait mettre en avant la ligne intransigeante de l'ancien Premier ministre : "Maintenant, il faut faire le choix entre les valeurs républicaines et le communautarisme", a publié sur Facebook Sébastien Gros, l'ancien chef de cabinet de Matignon. Lundi soir, c'est le député Malek Boutih qui estimait que "Benoît Hamon a peur de dire un certain nombre de vérités par rapport aux communautaristes".

Ce mardi matin, Manuel Valls lui-même a jugé sur France Info que "oui, il y a des ambiguïtés, il y a des risques d'accommodement de sa part" avec l'islamisme radical. "Moi je sais quelle vision de la société je défends. Il ne peut pas y avoir dans notre République l'interdit vis-à-vis des femmes dans l'espace public".

L'interview controversée de Benoît Hamon

Il faut dire que l''ancien Premier ministre réagissait à une interview dans laquelle Benoît Hamon avait en quelque sorte relativisé l'interdiction latente faite aux femmes de fréquenter certains bars à Sevran, en Seine-Saint-Denis et à Rilleux-la-Pape, en banlieue lyonnaise. Benoît Hamon, interrogé sur France 3 le 18 décembre sur le sujet, avait eu ces mots : "Historiquement, dans les cafés ouvriers, il n'y avait pas de femmes… Là en l'occurrence on parle de cafés à Sevran, parce qu'on estime que l'espace public est confisqué aux femmes parce qu'il serait à majorité musulmane". Comprendre : les inégalités hommes-femmes ne sont pas l'apanage des musulmans. Et d'ajouter : "Remettons des questions sociales avant de mettre des questions religieuses sur ces sujets-là". Reste que la sortie de l'ancien ministre de l'Economie sociale et solidaire a semé le doute. Il a dû expliciter ses propos début janvier sur BFMTV : "Le sexisme est-il né juste de l'existence de ces cafés en banlieue ? Non, il existe depuis des décennies. [...] Il ne faut surtout pas dire que le sexisme serait réservé à un seul type de café et le machisme à un type de population. En l'occurrence, les musulmans". Comprendre cette fois : les inégalités hommes-femmes ne sont pas l'apanage des musulmans et à ce titre, il est injuste de stigmatiser l'islam.

S'il y a du flou, c'est qu'il y a un loup ?

Benoît Hamon est-il flou sur le sujet ? Sur France Inter, ce lundi, il disait deux choses. Premièrement : "Arrêtons de faire de l'islam un problème de la République. [...] Il y a une volonté de dire que l'islam est incompatible avec la République. Ça n'est pas vrai ! C'est insupportable aujourd'hui qu'on continue à faire de la foi de millions de nos compatriotes, un problème de la société française" et "L'islam révolutionnaire et politique doit être considéré comme un adversaire de la République". Une ligne suffisamment claire pour évacuer le débat ? Au fond, ce n'est pas vraiment la question que se posent certains membres de l'équipe de campagne de Manuel Valls, qui ont décidé d'attaquer leur rival sur le terrain de la naïveté : "On va mettre le doigt sur le laxisme de Hamon par rapport à l'islamisme", confie un fidèle de l'ancien Premier ministre au Monde. Ils s'appuieront sur la position délicate d'un Benoît Hamon qui souhaite, selon ses mots, des " accommodements qui dans le respect de la laïcité et des principes de la République permettront à l'islam en France de trouver une place semblable à celle des autres religions". Quitte à glisser sur des amalgames entre laïcité, islam et islamisme ?

La stratégie a du sens : Manuel Valls est perçu dans l'opinion comme garant d'une ferme autorité face à la menace terroriste, alors que Benoît Hamon ne la mentionne pas dans son programme. A peine juge-t-il nécessaire de "renforcer le renseignement, notamment grâce à un coordonnateur national directement rattaché au Premier ministre. Le coordonnateur devra rendre des comptes devant la représentation nationale".

Le favori de la primaire n'a manifestement pas vu le coup venir. Aux propos de Manuel Valls, il a livré une réaction ce mardi sur Europe 1, témoignant de sa surprise : "Ces accusation non seulement me heurtent, mais me révoltent".