Privatisation d'ADP : un million de signatures, et maintenant ?

Privatisation d'ADP : un million de signatures, et maintenant ? PÉTITION ADP - La barre symbolique des un million de signataires a été franchie, mais reste loin des 4,7 millions requis pour obtenir la tenue d'un référendum national. Emmanuel Macron avait toutefois parlé d'abaisser le nombre de signatures nécessaire.

La privatisation des aéroports de Paris pourrait-elle être remise en question ? C'est ce qu'espèrent les plus de un million de citoyens qui ont signé le RIP (référendum d'initiative partagée). Un cap symbolique, annoncé officiellement par le Conseil constitutionnel ce 4 décembre. Un nombre encore loin d'atteindre les 4,7 millions de signataires nécessaires selon la loi pour que l'Etat organise un référendum national sur cette question. La procédure avait été lancée le 13 juin 2019, et les Français ont jusqu'au 12 mars 2020 pour exprimer leur soutien au projet et faire grimper le nombre de signataires.

Emmanuel Macron avait toutefois lui-même estimé, en juin 2019, que ce nombre, correspondant à 10% de l'électorat, était excessif. Le chef de l'Etat, rappelle Le Monde, avait exprimé la volonté d'abaisser ce seuil à un million de signataires. C'est la raison pour laquelle les partisans du RIP estiment que le président Macron doit intervenir dès à présent, en faveur du référendum. "Il convient de respecter les Français signataires du projet de référendum d'initiative partagée. Et de ne pas donner l'impression, en attaquant cette procédure, que nous les méprisons. Le processus doit aller sereinement jusqu'au bout, comme le prévoit la Constitution", aurait déclaré Emmanuel Macron devant quelques ministres en juin 2019, selon le Canard Enchaîné.

248 députés et sénateurs de l'opposition avait déclenché en juin 2019 le processus de RIP. Si l'objectif de 4,7 millions de signataires est atteint, le gouvernement devra organiser un référendum national courant 2020 afin que les Français donnent leur avis sur ce sujet devenu polémique. C'est la première fois que le RIP, introduit en 2008 dans la loi française mais applicable seulement depuis 2015, est utilisé. Il nécessite la réunion de plusieurs conditions, et notamment le soutien d'un cinquième des parlementaires puis de 10% du corps électoral.

Référendum Aéroports de Paris

Ce référendum d'initiative partagée vient s'opposer au projet controversé de privatisation des aéroports de Paris. En 2017, le gouvernement français a fait savoir son intention de privatiser le groupe sous la supervision de la Bank of America-Merill Lynhc. Cette décision a été vivement critiquée par les détracteurs du projet, en raison, avancent-ils, des coûts potentiels pour l’État, de la perte de revenu que constituerait cette privatisation, du symbole politique qui serait envoyé ou encore, de l'expérience de la privatisation de l'aéroport Toulouse Blagnac, vivement critiquée par la Cour des Comptes.

Dans le projet accompagnant la pétition, les députés et sénateurs expliquent qu'"un aéroport n'est pas une entreprise comme les  autres : c'est un outil stratégique de politique économique". Ils rappellent également la situation dans d'autres pays d'Europe. "Cette vision est partagée par la plupart des pays européens pour lesquels les aéroports restent propriété de la puissance publique (ville, région, État, etc.). C'est ainsi qu'en Allemagne, en Espagne ou en Italie, aucun aéroport n'est détenu uniquement par  des acteurs privés", écrivent les 248 parlementaires. "Afin de ne pas reproduire les erreurs liées à la privatisation d'infrastructures stratégiques en situation de monopole, nous souhaitons avec la présente proposition de loi référendaire donner la possibilité au peuple français de se prononcer quant à l'affirmation du caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, ce qui aura pour conséquence de rendre impossible leur privatisation", ajoutent-ils.

Référendum ADP : combien de signatures ?

Le site officiel du gouvernement ne liste pas en temps réel le nombre de signatures pour la pétition sur le référendum au sujet de la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP). Il indique uniquement l'identité des signataires, sans réaliser de décompte. Jusqu'au 25 juin, il était possible d'accéder à une page listant l'ensemble des signataires, permettant un décompte avec précision. Le site du ministère de l'Intérieur a cependant corriger cela, et il est désormais impossible d'accéder à cette liste complète. Une décision assumée par le ministère. "Le législateur a confié au Conseil constitutionnel et à lui seul le décompte des soutiens. Il n'a pas prévu que les électeurs et de manière générale nos concitoyens y aient accès, raison pour laquelle le ministère de l'Intérieur est intervenu pour que cette page n'apparaisse plus" a-t-il expliqué à Libération.

Malgré ces difficultés, CheckNews de Libération utilise sa propre méthode pour estimer le nombre de signataires. Le site estime ainsi à environ 390 000 le nombre de soutiens validés le 26 juin, contre 378 477 la veille et environ 236 000 le 20 juin. Il précise également que le site semble disposer d'un délai de 5 jours entre le dépôt d'une signature et sa validation. Ce chiffre de plus de 390 000 signataires représente environ 8% du nombre total de signatures à récolter. Afin d'atteindre son objectif avant le 12 mars 2020, le projet doit progresser à un rythme d'environ 17 000 nouveaux soutiens par jour. Le site ADPRip, qui réalise son propre décompte, estime que l'objectif pourrait à ce rythme être atteint le 14 décembre 2019. Si le nombre de soutiens est pour le moment en avance par rapport à ce chiffre moyen, la progression semble pourtant ralentir depuis quelques jours. CheckNews compte en effet une progression d'environ 16 000 signatures confirmées entre le 24 et le 25 juin, contre 25 000 par jour précédemment. Il semble improbable que la mobilisation puisse suffisamment se maintenir dans la durée pour atteindre son objectif, sauf en cas de campagne médiatique intense dans les mois à venir.

Compteur référendum ADP

Sur la base des données disponibles sur le ministère de l'Intérieur et présentées par CheckNews, nous vous proposons de visualiser l'évolution du nombre de signatures en soutien au projet de loi contre la privatisation d'ADP. Sur le graphique figurent aussi des hypothèses concernant l'évolution de ce nombre de signatures, afin de déterminer si le projet a des chances d'aboutir.

Trois hypothèses ont été retenues. Dans la première, le nombre de signatures évolue de façon constante sur le modèle de la semaine précédente (à savoir 120 477 signatures entre le 20 et le 25 juin). La deuxième se base sur la progression dans le temps du nombre de signataires soutenant un projet ayant remporté un important succès sur Internet : la pétition "l'Affaire du siècle". Elle avait pour but d'assigner l’État en justice pour inaction climatique et les créateurs revendiquaient le statut de pétition française la plus partagée. Entre son lancement le 18 décembre 2018 et son dépôt devant les juges le 20 mai 2019, la pétition avait enregistré un peu plus de 2,1 millions de signatures, soit une moyenne de 100 685 signatures par semaine. La dernière prévision prévoit un ralentissement du nombre de signatures similaire à celui observé entre les deux dernières semaines.

Seule l'hypothèse la plus optimiste d'un nombre de nouveaux signataires toujours constant permettrait au projet de le seuil de 4,7 millions de signatures débouchant sur un référendum. Néanmoins, ce graphique reste une simple projection évaluant des hypothèses et en aucun cas une prévision. Une campagne médiatique, ou la mobilisation d'un parti politique pourraient tout à fait relancer l'engouement pour ce sujet durant les neuf mois qui nous séparent encore de la date limite. Les propos d'Emmanuel Macron rapportés par le Canard Enchaîné, où il aurait déclaré le projet impossible, laisse aussi entrevoir une possibilité d'annulation du projet sans référendum.

Référendum ADP : comment signer ?

Pour soutenir la démarche pour le référendum sur la privatisation ADP, il faut se rendre sur cette page Internet, cocher la case "Je soutiens" et cliquer sur "Suivant". Il faut ensuite donner son prénom, son nom, sa date et son lieu de naissance, et se munir de d'une pièce d'identité, en vertu de l'article 11 de la Constitution. Attention, il faut bien veiller à respecter quelques précautions pour que son soutien à la démarche parlementaire soit vraiment effective, comme le souligne le compte Twitter "Aide Référendum" : mettre une majuscule aux prénoms et ne pas mettre de virgule entre deux prénoms le cas échéant, mais simplement un espace ; mettre une majuscule et des tirets à la commune de résidence.

Il faut également savoir qu'il existe un formulaire papier, que l'on peut imprimer, remplir et déposer dans sa mairie. Il est disponible sur cette page. Il faut bien remplir tous les champs, dont le numéro de sa pièce d'identité. Un récépissé vous sera remis après bonne réception de votre formulaire de soutien.