Libre Belgique, RTBF, Le Soir... Déjà des fuites des résultats des législatives !

Libre Belgique, RTBF, Le Soir... Déjà des fuites des résultats des législatives ! FUITES RESULTATS BELGIQUE. De nouvelles fuites et estimations des résultats sont attendues avant 20 heures ce dimanche 19 juin pour le 2e tour des élections législatives 2022, notamment de la part de La Libre Belgique qui s'y était déjà risquée lors du premier tour...

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[Mis à jour le 19 juin 2022 à 19h34] De premières fuites des résultats des législatives sont apparues sur des médias belges ce dimanche 19 juin 2022, quelques minutes avant l'heure officielle de publication des premiers résultats à 20 heures. Mais surprise, ce n'est pas La Libre Belgique qui a dégainé en premier mais un autre média belge, Le Soir, qui se targue de premières estimations. La Libre Belgique avait pourtant annoncé dès la mi-journée sur son site internet, au cœur d'un article consacré ces élections françaises, la publications de résultats avant l'heure. La question n'était donc plus de savoir si quelqu'un fera fuiter des estimations, mais qui dégainerait le premier. La Libre Belgique a embrayé dans la foulée mais s'est fait griller la politesse !

Si la pratique est moins en vue lors des élections pour l'Assemblée que lors de la dernière présidentielle, des données ont été livrées dimanche dernier - certes tardivement - pour "spoiler" le résultat du premier tour et la quasi-égalité de LREM et de la Nupes autour de 25%. "Comme lors de l'élection présidentielle, les médias français ont interdiction de diffuser la moindre information relative aux résultats de ces législatives avant 20 heures. Ce n'est pas le cas en Belgique, où LaLibre.be vous livrera les estimations et les premiers résultats en primeur, dès cet après-midi", expliquait le média belge sur son site internet.

Au premier tour des législatives, c'est déjà la Libre Belgique qui avait dévoilé les premières estimations peu après 19 heures, des tendances proches de ce que le résultat définitif du scrutin révélera quelques minutes plus tard. Au premier tour des législatives, c'est déjà la Libre Belgique qui avait dévoilé les premières estimations peu après 19 heures, des tendances proches de ce que le résultat définitif du scrutin révélera quelques minutes plus tard.

Impossible chez les médias français... Mais pas en Belgique !

Pendant toute la journée, La Libre Belgique avait donc préservé le suspense et dans son sillage la RTBF, Radio-télévision belge francophone, le journal Le Soir ou encore les suisses du Temps et de la Tribune de Genève qui ont déjà participé par le passé au grand déballage des élections avant 20 heures. Cette relative discrétion contrastait d'ailleurs avec l'avalanche de "sondages" et autres "estimations" que "La Libre" avait fourni lors de la présidentielle 2022, parfois dès le milieu d'après-midi, une pratique, rappelons-le, impossible chez les médias français.

Pour rappel, contrairement aux médias belges et suisses comme Libre Belgique, la RTBF, Le Soir ou La Tribune de Genève, les médias audiovisuels de l'Hexagone sont soumis par la loi française à une période de réserve, qui commence le vendredi à minuit précédant le vote et prend fin le dimanche à 20 heures. Pendant ce laps de temps, ils ont interdiction de diffuser tout nouveau sondage ou de faire le moindre commentaire à caractère politique, sous peine de sanctions et d'une amende de 75 000 euros. Une règle censée garantir la sérénité du scrutin en évitant de donner toute information qui pourrait influencer le vote des électeurs qui ne se sont pas encore  prononcés. Mais une règle qui place bien souvent la presse en porte-à-faux.

Des estimations indispensables avant 20 heures

La publication des résultats par les médias belges comme la Libre Belgique illustre en tout cas l'enjeu majeur qui se joue en secret dans les médias, tous les 5 ans, les jours de scrutin. Pour être en mesure de dévoiler des résultats fiables dès 20 heures et la fin de l'encadrement légal, tous les groupes de presse ou presque se voient communiquer, en sous main, des chiffres pour être prêts à l'heure-H. Si les instituts de sondages français assurent la plupart du temps ne pas en être à l'origine, beaucoup de chiffres et d'estimations circulent néanmoins dans les rédactions et parfois même à la vue de tous, sur les réseaux sociaux, ou sur les sites étrangers.

La commission des sondages appelle à la prudence

Début avril, avant l'élection présidentielle, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale avait averti les Français sur la prudence à adopter sur les résultats de la présidentielle dévoilés par les médias étrangers : "La Commission des sondages a obtenu des 8 principaux instituts de sondages (BVA, Elabe, Harris Interactive, Ifop, Ipsos, Kantar, Odoxa, OpinionWay) l'assurance qu'aucun d'entre eux ne réalisera de sondages sortie des urnes. Il en résulte que toute référence, le jour du scrutin, à de tels sondages ne pourra être que le fruit de rumeurs ou de manipulations et partant, qu'aucun crédit ne devra leur être accordé", écrivait-elle dans un communiqué.

Les fuites ne sont pas des sondages sortie des urnes

Si rien ne garantit que ce genre d'enquête ait totalement disparu, les instituts de sondage ont progressivement abandonné la méthode dite des "sondages sortie" des urnes depuis le début des années 2000. Et ce pour deux raisons. D'abord, les autorités, à commencer par la Commission des sondages, ont demandé un engagement ferme de leur part pour ne pas réaliser ce genre d'enquête. "La Commission des sondages a obtenu des 8 principaux instituts de sondages (BVA, Elabe, Harris Interactive, Ifop, Ipsos, Kantar, Odoxa, OpinionWay,) l'assurance qu'aucun d'entre eux ne réalisera de sondages "sortie des urnes", écrivait elle dans un communiqué avant le premier tour de la présidentielle. Ensuite, la méthode des sondages sorties des urnes serait désormais jugée par les professionnels trop peu fiable pour permettre une estimation correcte des résultats au soir du scrutin.

Parmi les trois méthodes utilisées par les instituts de sondage, à savoir le sondage à la sortie des urnes, le sondage par téléphone et les estimations, seule la troisième est encore employée. Les sondages "sortie des urnes" ne sont plus à la mode à cause des biais qu'ils génèrent. De fait, leur fiabilité est aisément contestable : si un sondeur vous interroge, vous pouvez répondre autre chose que votre vote réel, par peur du jugement d'autrui notamment. Un sondé qui est entouré de connaissances, que ce soit ses proches ou ses voisins, peut masquer ses opinions réelles parce qu'il n'a pas envie de les dévoiler au grand jour. Pour se protéger, il interchangera son vote réel avec celui qui lui semble être le plus acceptable et accepté par les personnes à ses côtés à ce moment-là.  Ce problème est ainsi lié au caractère déclaratif de ce type de sondage, et il peut finir par biaiser complètement la réponse lorsque les panels sont réduits. Pour cette raison, de plus en plus d'instituts de sondages sont réticents à l'idée d'utiliser cette méthode et lui préfèrent un décompte des bulletins "réels" lors des premiers dépouillements, dans plusieurs centaines de bureaux de vote "tests" fermant dès 18h ou 19h.

Sondage, estimation… Une confusion manifeste

Les médias belges font-ils bien la différence entre sondages et estimations ? Dans un article du Monde publié le dimanche 24 avril, soit après une série de fuites pour la présidentielle, Dorian De Meeûs, rédacteur en chef de La Libre Belgique, a assuré que son journal travaillait "en collaboration avec différentes sources, au moins quatre, à différents niveaux, que ce soit auprès d'instituts, d'équipes de campagne ou d'autres médias français qui lui partagent les enquêtes d'opinion et sondages". La Libre Belgique assurait ainsi connaître "toujours la source des sondages, auprès de combien de personnes ils ont été réalisés et de quelle manière". Et la bascule se fait "à partir de 19 heures", heure à laquelle le rédacteur de chef assure disposer d'"estimations sur la base de dépouillement". "On n'invente rien", martèle-t-il.

Pourquoi il faut se méfier en cas de fuites ?

La Libre Belgique ne s'était pas vraiment trompée la semaine dernière en annonçant vers 19h30 que "la Nupes, emmenée par Jean-Luc Mélenchon, [était] créditée de 25,7 à 25,8% des voix, Ensemble (le cartel de la macronie) de 25% et le Rassemblement national (de Marine Le Pen) de 18,5 à 19,3%", avec "derrière : Les Républicains et alliés (de 11,6 à 14%), ainsi que Reconquête ! (3,8 à 4%)". Elle citait alors des "projections nationales réalisées [dimanche] par plusieurs instituts de sondage réputés en France". Outre le flou d'une telle source, le terme de "projections", d'ordinaire utilisé pour évoquer le nombre de siège pour chaque formation politique, pouvait être sujet à caution. Autre terme qui doit immédiatement susciter votre méfiance s'il est utilisé ce soir pour le 2e tour des législatives : les sondeurs assurent qu'ils ne mènent pas (ou plus) de "sondages sortie des urnes" les jours d'élections. Un terme pourtant utilisé par la Libre Belgique et la RTBF, mais lors de la présidentielle cette fois.

Les sondages sortie des urnes, basés sur du déclaratif et donc sujets aux biais, sont en effet dépassés depuis plusieurs années. Mais les sondeurs sont tout de même les producteurs d'estimations dévoilées par les chaînes de télévision à 20 heures, quand la chappe de plomb qui pèse sur les médias toute la journée est enfin levée. Des estimations basées non pas sur une enquête déclarative, mais sur les premiers bulletins dépouillés. L'institut Ifop a ainsi expliqué à LCI pendant la dernière campagne qu'il disposait de 260 bureaux de vote représentatifs parmi les 70 000 bureaux de vote en France. Ces derniers ont été savamment choisis selon la taille de leur commune d'appartenance et d'une répartition géographique cohérente entre grandes métropoles, villes moyennes et zones rurales, le tout dans chaque département.

Dès 19h et jusqu'à 19h45, des données existent donc bel et bien et celles-ci sont intégrées au fil de l'eau à un logiciel qui va les traiter de manière algorithmique pour extrapoler une estimation nationale du résultat. La méthode n'est donc pas basée sur un sondage ou un "sondage sorties des urnes" comme on le lit encore souvent... y compris dans les pages de La Libre Belgique.

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