Elisabeth Borne : en sursis, une démission possible ?

Elisabeth Borne : en sursis, une démission possible ? ELISABETH BORNE. Après l'utilisation d'un onzième 49.3, afin de faire adopter sans vote la réforme des retraites, une motion de censure visant à renverser la première ministre et son gouvernement est-elle possible ?

Elisabeth Borne a donc décidé d'engager sa responsabilité et celle de son gouvernement pour la onzième fois. Avant d'enclencher le 49.3 le jeudi 16 mars, la Première ministre a dit assumer le rôle de "fusible" selon des sources de BFMTV. Mais la femme politique peut-elle être démise de ses fonctions ? Une motion de censure peut-elle être votée ? Plusieurs partis de l'opposition ont décidé de déposer des motions de censure, si une d'entre elle est votée par 287 députés, alors la Première ministre se verrait dans l'obligation de démissionner et la réforme ne serait pas adoptée.

Vent debout, c'est le Rassemblement National qui a annoncé le premier déposer une motion de censure en plus de promettre de voter toutes les autres. La France insoumise, de son côté, refuse de soutenir le texte de l'extrême droite et a renoncé à déposer un texte préférant soutenir le motion de censure transpartisane du groupe centriste. C'est cette dernière qui pourrait remporter le plus de voix et déstabiliser le gouvernement.

Elisabeth Borne renversée par une mention de censure ?

C'est un autre groupe politique qui pourrait créer la surprise, le Liot (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires) et ainsi engendrer le départ précipité de la Première ministre. Plusieurs députés de renom dirigent ce petit groupe de 20 députés dont Charles de Courson ou Bertrand Pancher. Le groupe, allié à d'autres députés, a déposé une motion de censure qui pourrait aboutir et réunir possiblement les 287 signatures nécessaires car LFI, le RN et même certains Républicains dont Aurélien Pradié pourraient voter le texte avec certains collègues. Pour qu'il y ait de plus grandes chances d'adoption, Jean-Luc Mélenchon a prévenu sur France inter ce vendredi 17 mars que La France insoumise a "décidé de retirer notre motion de censure au profit de celle du groupe Liot". 

Pourtant, est-ce cette motion de censure peut-elle réunir les 287 voix nécessaires et causer le départ d'Elisabeth Borne et de son gouvernement ? C'est la grande question politique qui agite les couloirs de l'Assemblée. Si le groupe Liot obtiennait les voix du RN et de LFI, il manquerait encore une trentaine de voix pour renverser le gouvernement. Les voix clés se joueront donc du coté LR, cependant Eric Ciotti a prévenu en tant que président des Républicains que son groupe ne voulait "pas rajouter du chaos au chaos, [...] c'est pour cela que nous n'accompagnons aucune motion" a-t-il précisé à France 3. Pourtant plusieurs députés LR, au moins 6 rapporte France info, souhaitent voter cette motion de censure et précipiter le départ de l'hôte de Matignon, ce qui pour le moment n'est pas suffisant pour que le gouvernement soit renversé. 

De leurs propres mots, certains ministres restés anonymes n'ont pas beaucoup d'espoir sur la future légitimité politique de la Première ministre, et ce, même si la motion de censure est rejetée. "Elle est abimée" a témoigné un ministre à LCI, un autre a avoué en parlant du gouvernement que "nous sommes tous fragilisés, elle singulièrement".

Un 49.3 assumé par Elisabeth Borne

Aussi critiqué le recours au 49.3 est-il, la Première ministre assume pleinement sa décision. Et ce jeudi soir, invitée du 20 Heures de TF1, elle a de nouveau défendu sa position et essayé de convaincre de son bien fondé. Après son passage bref mais remarqué à l'Assemblée nationale et une réunion avec les députés Renaissance, la cheffe du gouvernement a déclaré que "jamais [sa] situation personnelle ne [lui] fera prendre une décision contraire à l'intérêt de [son] pays" selon des propos rapportés par LCI. Sous entendant que le risque d'être poussée vers la sortie n'est pas une menace suffisante pour la faire renoncer à la défense de la réforme des retraites malgré l'opposition populaire.

Le discours d'Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale a aussi été le moyen pour la politique de revendiquer sa décision, la présentant comme une choix imposé par l'opposition malgré les efforts de la majorité qui a "toujours cherché des compromis". Un point qui est loin de faire consensus auprès de l'opposition et des syndicats. Enfin, attaquée sur le fait de priver l'Assemblée de vote, Elisabeth Borne s'est permis une pointe d'ironie assurant qu'un "vote aura donc bien lieu, comme il se doit. Et c'est donc la démocratie parlementaire qui aura le dernier mot."

Elisabeth Borne muselée à l'Assemblée nationale

Avant de dérouler son discours, Elisabeth Borne a été accueillie sous les huées et dans un vacarme rarement vu dans l'hémicycle. Tentant d'annoncer le recours au 49.3, la Première ministre a été réduite au silence pendant plusieurs minutes face aux députés de La France insoumise qui, brandissant des pancartes "64 ans, c'est non !", ont chanté La Marseillaise.

Elisabeth Borne a repris, ou plutôt débuté, après une suspension de séance et dans le bruit le plus total, sous les huées de beaucoup et les quelques applaudissements de la majorité.