Seules ces personnes pourront devenir Françaises à Mayotte : le droit du sol plus durci que prévu ?
Après une interruption liée au vote du budget, la séquence sur la suppression du droit du sol à Mayotte a repris. Les élus du parti Les Républicains en ont même fait leur priorité à l'occasion de leur niche parlementaire qui se tenait ce jeudi 6 février, de 9 heures jusqu'à minuit, à l'Assemblée nationale. Le premier texte que la droite a soumis au vote des députés était une proposition de loi visant à durcir les conditions d'accès à la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte. "L'objectif, c'est de supprimer l'accès au droit du sol pour les illégaux", soulignait un peu plus tôt dans la semaine le patron des députés de droite, Laurent Wauquiez, en conférence de presse. Le texte a été adopté jeudi soir à l'issue d'une séance particulièrement tendue : 162 voix pour et 93 contre.
Instauré qu'en 1993 à Mayotte, le droit du sol avait déjà été restreint une première fois en 2018. Depuis cette année-là, un enfant né à Mayotte de parents étrangers ne peut prétendre à la nationalité française que si l'un de ses parents peut prouver qu'il résidait de manière légale sur l'archipel depuis au moins trois mois avant sa naissance. Alors qu'au moins un tiers des 320 000 habitants de Mayotte se trouve en situation irrégulière, selon les estimations rapportées par Public Sénat, la proposition de loi du député LR de la Manche, Philippe Gosselin, votée ce jeudi souhaitait imposer que ce soit désormais aux deux parents de justifier de leur présence légale à Mayotte avant la naissance de l'enfant. Une présence, qui plus est, non plus de trois mois, mais d'un an.
Un amendement UDR approuvé à la surprise générale
Or ce jeudi, un amendement UDR - groupe d'Éric Ciotti, allié au Rassemblement national - visant à tripler cette durée de résidence, soit trois ans, a été approuvé à la surprise générale et dans une confusion des plus totales. Des députés de gauche ont en effet voté pour alors qu'ils souhaitaient se prononcer contre, et inversement pour plusieurs députés du Rassemblement national.
Alors que le ministre de la Justice a un temps proposé qu'une nouvelle délibération soit organisée, permettant ainsi à chacun de revoter selon son souhait initial, Gérald Darmanin a finalement estimé : "On corrigera au Sénat !" De quoi dépiter le socialiste Boris Vallaud. "Nous ne faisons aucune confiance dans [la] capacité [de Gérald Darmanin] de mener à bien les choses", a-t-il déclaré. À noter que le député LR Philippe Gosselin, à l'origine de la proposition de loi, s'est lui-même dit opposé à cet amendement. Un tel délai pourrait, selon lui, être refusé par le Conseil constitutionnel.
Vers un durcissement du droit du sol dans l'ensemble du territoire français ?
Les élus LR vont plus loin en imaginant que cette mesure initialement pensée pour Mayotte puisse, à terme, être étendue à l'ensemble du territoire français. Mais si la proposition de loi pour l'archipel mahorais est soutenue par le camp présidentiel et certains élus locaux, l'ambition de généraliser le durcissement du droit du sol ne l'est pas. "Mayotte a toujours demandé la suppression du droit du sol" sur son territoire, mais "Mayotte n'a jamais demandé la suppression du droit du sol pour le reste du pays", a fait savoir la députée mahoraise du groupe Liot Estelle Youssouffa sur Franceinfo. Au passage, l'élue favorable à ce durcissement a jugé la proposition de loi LR insuffisante pour lutter contre l'immigration à Mayotte, faisant remarquer qu'agir sur le droit du sol est "une réponse administrative, mais ce n'est toujours pas protéger notre frontière".
22:47 - Pour Gérald Darmanin, "le débat public doit s’ouvrir sur le droit du sol dans notre pays"
Ex-ministre de l'Intérieur, désormais garde des Sceaux, Gérald Darmanin s'est dit jeudi soir favorable à une réforme constitutionnelle sur le droit du sol, après l'adoption de la proposition de loi LR visant à restreindre le droit du sol à Mayotte. "Aujourd'hui, je serais favorable à ce que les Français puissent trancher ce genre de question lors d'une élection présidentielle en 2027 ou lors d'un référendum qui serait décidé par le président de la République", a déclaré le ministre de la Justice.
21:50 - "On corrigera au Sénat !" : le socialiste Boris Vallaud émet des réserves
L'amendement UDR approuvé à la surprise générale et dans la confusion n'a finalement pas fait l'objet d'un nouveau vote. "On corrigera au Sénat !" a balayé le garde des Sceaux, Gérald Darmanin. "Nous ne faisons aucune confiance dans [la] capacité [de Gérald Darmanin] de mener à bien les choses" au Sénat, a estimé jeudi soir Boris Vallaud, le patron des socialistes à l'Assemblée, dépité.
20:19 - La proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte adoptée par les députés
À l'issue d'une séance pour le moins tendue, 162 des députés se sont prononcés pour l'adoption de la proposition de loi des Républicains, 93 contre. C'est "une grande avancée pour lutter contre l’immigration irrégulière qui désorganise profondément ce magnifique archipel français", s'est réjoui le garde des Sceaux, Gérald Darmanin.
19:44 - Un amendement de droite qui durcit le texte adopté dans une confusion des plus totales
Jeudi soir, à la surprise générale, un amendement déposé par l'Union des droites pour la République, mené par Éric Ciotti, grand allié du Rassemblement national, a été adopté. À la surprise générale, car ce texte, qui vise à durcir encore plus la proposition de loi du député LR Philippe Gosselin, a été approuvé par une douzaine de députés socialistes, trois écologistes et un communiste, tandis que cinq députés RN, qui souhaitaient, eux, voter pour ont voté contre. Une confusion générale. Proposant dans un premier temps d'organiser une nouvelle délibération sur l'amendement afin que chacun puisse revoter comme il le souhaitait à l'origine, le garde des Sceaux, Gérard Darmanin, a finalement lancé par la suite un étonnant : "On corrigera au Sénat !"
Depuis 2018, à Mayotte, un enfant né dans l'archipel de parents étrangers ne peut obtenir la nationalité française que si l'un des deux parents résidait légalement sur place au moins trois mois avant sa naissance. La proposition de loi des Républicains veut que ce soit désormais les deux parents qui aient à justifier une présence légale sur l'archipel et depuis au moins un an avant la naissance de l'enfant. L'amendement UDR qui a été approuvé plaide lui pour tripler cette durée de résidence, soit trois ans.
18:44 - "Mais vous êtes sérieux ?" : vif échange entre une députée mahoraise et LFI
Les élus LFI s'opposent à la proposition de loi LR sur le durcissement du droit du sol, comme toutes les autres forces de gauche, mais certains ont pris à partie des élus mahorais, comme la députée Liot Estelle Youssouffa, leur reprochant de ne pas avoir voté la censure du gouvernement hier, mais aussi de ne pas en avoir assez fait pour Mayotte. "Je vous ai vu pendant pas mal de temps passer à la télé pour défendre ce qui est défendable, c'est sûr. Mais où étiez-vous pendant les fêtes pendant que nous, à LFI, parcourions l'ensemble du territoire pour récolter des dons, envoyer de l'eau et des denrées alimentaires?", a lancé le député Sébastien Delogu à l'élue mahoraise.
Estelle Youssouffa ne s'est pas faite prier pour répondre : "Pendant les fêtes, pendant que vous faisiez votre petite tournée des popotes, j'étais sur mon île, en train de compter, d'être avec la population [...] qui n'a plus de toit, plus à manger, plus de services publics, plus d'hôpital." Et l'élue de pointer les commentaires qu'elle juge indécents de LFI : "La population et moi, on a tout perdu et vous, vous venez vous vanter de faire votre charité. Mais vous êtes sérieux ? Vous n'avez plus aucune décence".
Poursuivant sur sa lancée, la députée a mis les élus LFI face à leurs contradictions rappelant que les élus insoumis s'étaient abstenus ou avaient voté contre la loi d'urgence devant accélérer la reconstruction de l'archipel dévasté. Sur 71 élus, 2 avaient contre et 67 s'étaient abstenus.