Gaza : quelles sanctions et "mesures concrètes" la France prépare-t-elle contre Israël ?

Gaza : quelles sanctions et "mesures concrètes" la France prépare-t-elle contre Israël ? La France hausse le ton contre Israël et condamne l'extension des opérations militaires ainsi que le blocage de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza. Elle promet des sanctions contre l'Etat hébreu si ces actions se poursuivent.

Assiste-t-on à un tournant dans les relations entre la France et Israël ? Le président de la République a, pour la première fois depuis l'attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023, agité la menace de sanctions contre l'Etat Hébreu. Dans une déclaration commune avec le Royaume-Uni et le Canada, Emmanuel Macron a condamné les actions du gouvernement israélien dans la bande de Gaza et dénoncé des actes constituant des "violation du droit international humanitaire".

S'opposant à l'extension des opérations militaires israéliennes à Gaza, notamment l'offensive menée depuis le samedi 18 mai avec le but assumé de prendre le "contrôle" de toute l'enclave palestinienne, la France écrit que "le refus du gouvernement israélien d'apporter une aide humanitaire essentielle à la population civile est inacceptable et risque d'enfreindre le droit international humanitaire". Elle condamne aussi les menaces du gouvernement israélien concernant le "déplacement forcé permanent" des civils gazaouis qui serait "une violation du droit international humanitaire".

Dans la liste de reproches faits à l'Etat hébreu, les trois pays enjoignent également Israël à mettre fin à l'"expansion des colonies en Cisjordanie [...] qui sont illégales et compromettent la viabilité d'un État palestinien ainsi que la sécurité des Israéliens et des Palestiniens".

Des condamnations et des injonctions qui s'accompagnent de promesses concernant des sanctions pouvant être prises contre Israël : "Si Israël ne met pas fin à la nouvelle offensive militaire et ne lève pas ses restrictions sur l'aide humanitaire, nous prendrons d'autres mesures concrètes en réponse [...] y compris des sanctions ciblées". Mais quelles sont ces sanctions que pourrait prendre la France à l'égard de l'Etat hébreu ?

Un accord commercial et politique avec Israël suspendu ?

Emmanuel Macron, ainsi que les dirigeants du Royaume-Uni et du Canada, se sont gardés de préciser le type de sanctions envisagées dans leur communiqué. Interrogée à ce sujet sur Europe 1, la porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas, n'a pas été plus loquace déclarant qu'il appartient au chef de l'Etat et au ministre des Affaires étrangères de trancher. Le ministre en question, Jean-Noël Barrot, a esquissé l'une des possibles sanctions dans Le Figaro : la suspension de l'accord d'association entre l'Union européenne (UE) et Israël. Une proposition néerlandaise soutenue par la France. L'accord prévoit à son article 2 que les deux parties doivent respecter les Droits de l'Homme et s'il "est établi qu'une violation est manifeste, il existe une possibilité de suspension éventuelle", a détaillé le ministre.

Cet accord revêt une "dimension politique mais aussi commerciale" arrangeante pour les deux parties, une suspension pourrait donc être lourde de conséquences pour Israël, particulièrement sur le plan économique. En vigueur depuis 2000, l'accord permet des échanges commerciaux dans un cadre de libre-échange dans plusieurs secteurs, notamment industriel et agricole. L'UE étant le principal partenaire commercial d'Israël (24% d'exportations vers l'UE et 31% d'importations depuis l'UE), la levée des avantages pourrait affecter significativement l'économie israélienne. La mise en suspend de l'accord entre l'UE et Israël pourrait aussi fragiliser la place de l'Etat hébreu sur la scène internationale. D'autant que depuis plusieurs semaines, Israël semble laissé sur la touche par son allié historique : les Etats-Unis. Donald Trump n'a pas daigné se rendre sur place lors de sa tournée au Moyen-Orient à la mi-mai.

La suspension de l'accord d'association est une option soutenue par plusieurs ONG et certaines forces politiques depuis le début du conflit, mais elle ne peut entrer en vigueur que si elle est soutenue par l'unanimité des membres du Conseil européen. Or, cette mesure divise les Vingt-Sept. Le réexamen de cet accord figure à l'ordre du jour du Conseil européen des Affaires étrangères le 20 mai.

Des mesures françaises contre le gouvernement israélien

Si la France ne peut pas, à elle seule, décider de mettre fin à des accords politiques et commerciaux européens avec Israël, elle dispose d'autres moyens de pression. Elle peut décider de durcir ses relations nationales commerciales avec l'Etat hébreu. Elle peut aussi décider de faire respecter le mandat d'arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) contre le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et deux de ses ministres en novembre 2024. Si la France a ratifié le Statut de Rome et reconnait donc l'autorité de la CPI, elle n'a jamais affirmé respecter les mandats d'arrêt concernant le chef d'Etat israélien. Sa position pourrait donc changer et se durcir. Il s'agirait en l'occurrence plus d'un signal fort envoyé que d'une mesure concrète puisqu'en l'absence de déplacement de Benyamin Nétanyahou en France, le pays ne peut pas participer à l'interpellation de l'homme politique.

Les "mesures concrètes" évoquées par Emmanuel Macron et ses homologues britannique et canadien dans le communiqué sont sans doute en cours d'élaboration. Pour l'heure, leur mention a surtout un rôle dissuasif pour pousser Israël à se plier aux injonctions.