Darmanin favorable à la reconnaissance faciale en France, un premier test mitigé et des risques élevés
Le sujet suscite de vives réactions. D'après les informations de BFMTV, un comité de réflexion va prochainement être constitué au sein du ministère de la Justice, situé place Vendôme, afin d'examiner les conditions d'un éventuel déploiement de la reconnaissance faciale sur le territoire français.
Interrogé ce vendredi 23 mai au matin sur RTL, le ministre de la Justice a exprimé son soutien à cette technologie controversée, dont l'usage reste pour l'instant interdit en France.
"L'opinion publique est contre"
"Je suis favorable à la reconnaissance faciale dans l'espace public, dans les aéroports" a-t-il défendu. "L'opinion publique est (...) contre la reconnaissance faciale. Mais en même temps, elle veut que le ministère de l'Intérieur, les policiers et les gendarmes arrêtent (les trafics de) drogue. Il faut des caméras intelligentes qui reconnaissaient les personnes lorsque quelqu'un est recherché par les services de police. Dans beaucoup de pays autour de nous, on retrouve très rapidement cette personne", estime Gérald Darmanin.
Le Garde des Sceaux a rappelé que, vingt ans plus tôt, les caméras de vidéosurveillance faisaient l'objet de nombreuses critiques, mais qu'aujourd'hui, rares sont ceux qui les remettent en question. Selon lui, la reconnaissance faciale suivra le même chemin et sera utilisée d'ici cinq à dix ans, même si, pour l'instant, l'opinion publique ne semble pas encore prête à l'accepter.
Un groupe de réflexion va être chargé d'examiner les conditions de mise en œuvre d'un dispositif jugé crucial dans la lutte contre les nouvelles formes de criminalité, notamment celle organisée, selon les proches du ministre de l'Intérieur. Gérald Darmanin s'appuie notamment sur l'exemple de la vidéosurveillance algorithmique testée durant les Jeux olympiques de Paris 2024.
Cette technologie repose sur les images collectées par le vaste réseau de caméras installées dans les lieux publics — rues, gares, et autres espaces urbains — ou encore par les drones, dont l'usage est autorisé depuis 2023. Ce qui change, c'est le traitement des images : elles sont transmises à un logiciel d'analyse doté d'une intelligence artificielle, capable, en théorie, de détecter automatiquement certains comportements ou situations jugés suspects. Toutefois, la reconnaissance faciale en direct n'était pas incluse dans cette expérimentation.
Un taux d'erreur important lors des JO
Malgré l'enthousiasme politique, les premiers retours sur ce dispositif restent mitigés. D'après un rapport consulté par Le Monde en janvier, l'expérimentation menée pendant les Jeux a produit un taux d'erreur élevé. Sur 270 alertes transmises à la SNCF par le système, 62 étaient des faux positifs, et seules 21 ont réellement été considérées comme utiles.
Par ailleurs, en avril, le Conseil constitutionnel a annulé un amendement visant à prolonger cette phase de test jusqu'en 2027. Le texte a été jugé hors sujet par rapport à la loi à laquelle il était rattaché — un dispositif censé renforcer la sécurité dans les transports — et a donc été invalidé.
L'intégration de la reconnaissance faciale en temps réel dans les systèmes de vidéosurveillance représenterait une évolution majeure, mais elle soulève d'importants obstacles sur le plan légal. En Europe, cette technologie se heurte à la réglementation sur la protection des données personnelles, notamment au Règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce cadre impose en principe le consentement explicite des individus pour toute utilisation de leurs données, sauf en cas de situation d'urgence vitale.
En France, la Loi Informatique et Libertés encadre aussi strictement l'usage de la biométrie à des fins d'identification en temps réel. Elle n'autorise la reconnaissance faciale que dans des contextes bien précis, comme les sas automatiques dans les aéroports — et encore, leur usage reste volontaire et vise principalement à accélérer les contrôles. Pourtant, des dérives ont été constatées.
Amnesty International s'inquiète
Amnesty International a également exprimé ses inquiétudes. Son président, Jean-Claude Samouiller, a averti que l'autorisation de la reconnaissance faciale en France marquerait, selon lui, la fin de l'anonymat dans l'espace public. Il a mis en garde contre l'expansion progressive des technologies de surveillance de masse dans les rues et les transports.
À la fin de l'année 2023, une enquête du média Disclose révélait que certaines expérimentations avaient été menées en dehors de tout cadre légal. Un rapport interne, commandé par le ministre de l'Intérieur de l'époque, Gérald Darmanin, confirmait qu'au moins un de ces essais avait enfreint la loi.