Redoine Faïd : de nouveaux détails sur son évasion spectaculaire

Redoine Faïd : de nouveaux détails sur son évasion spectaculaire

Le procès de Rédoine Faïd, suite à son évasion de prison en hélicoptère en 2018, s'est ouvert ce mardi 5 septembre 2023 devant la cour d'assises de Paris.

La vie de Rédoine Faïd est aussi haletante que les films de gangsters qui hypnotisent ce braqueur multirécidiviste. Cet homme de 51 ans est jugé devant la cour d'assises de Paris en compagnie de 11 complices. S'il devait initialement être libérable en 2046, ce nouveau procès pour sa spectaculaire évasion de la prison de Réau (Seine-et-Marne) lui fait encourir la perpétuité. 

Rédoine Faïd est l'un des criminels les plus célèbres de France grâce à la réussite de deux évasions de prison. Il a déjà été condamné dans des affaires de vols à mains armés, braquages de fourgons blindés, prise d'otages et le meurtre d'une fonctionnaire de police.

Rédoine Faïd s'est inspiré de films de gangsters pour ses braquages

"Enlevez le cinéma et vous aurez 50 pour cent de criminalité en moins", voici ce qu'aurait déclaré Rédoine Faïd auprès de Vanity Fair. Et pour cause, cet homme a multiplié les hommages cinématographiques lors de ses méfaits. Il a visionné Heat de Michael Mann plus d'une centaine de fois pour analyser au détail près la scène du braquage d'un fourgon. En 2009, il parvient même à poser une question au cinéaste lors d'une conférence. En 1997, Faïd et ses complices portent des masques de hockey comme la bande de McCauley, interprété par Robert De Niro. 

Ils copient la méthode d'un braquage de banque dans Point Break pour cambrioler une banque française en étant déguisés en présidents français et en citant une réplique du film lors de leur opération. Il aurait également agi comme dans une scène de Reservoirs Dogs de Quentin Tarantino lors du vol d'une bijouterie.

Pour ce nouveau procès, le quatrième, Rédoine Faïd semble avoir dépassé la fiction. Ou alors, il préparait un nouveau passage pour son projet de voir réaliser un film sur sa vie. Nicole Belloubet, garde des Sceaux en 2018, avait qualifié l'évasion de Faïd de "spectaculaire". Le détenu s'était envolé depuis la cour de la prison de Réau grâce à un hélicoptère. Une opération digne d'un film hollywoodien.

Le récit de l'évasion du "roi de la belle"

La justice va tâcher de comprendre la préparation et la réalisation de cette entreprise rondement menée. Des survols du centre pénitencier par des drones avaient bien été repérés par la cheffe adjointe de la prison dès février 2018, mais sa direction n'avait pas jugé bon de répondre à sa requête d'installer des filins anti-intrusion au-dessus de la cour d'honneur du bâtiment. C'est pourtant cet endroit qui sera ensuite l'angle d'attaque de l'entreprise d'évasion de Rédoine Faïd.

Lors de son emprisonnement, FaÏd entretient une relation épistolaire avec une certaine Céline M. et son beau-père est pilote d'hélicoptère. Le forcené parvient à à le savoir et cible le profil de cet homme, Stéphane Buy. Rachid Faïd, son frère, et Steeve Escrihuela, deux accusés au procès, se rendent à deux reprises à l'aérodrome où ce pilote donne des cours de pilotage. Le 1er juillet 2018, Stéphane Buy pense réaliser un cours pour ces deux hommes, mais au bout de quelques minutes la situation prend un tournant. Sous la menace d'une arme, il est contraint de dérouter son Alouette II vers la prison de Réau. 

Sur le chemin, l'appareil s'arrête pour récupérer un troisième complice, Ishaac Herizi, neveu de Rédoine Faïd. À 11h18, l'hélicoptère se place en vol stationnaire à un mètre du sol de la prison de Réau. Les complices allument un fumigène pour bloquer la vue des gardiens et des caméras de surveillance. En moins de quarante secondes, l'un d'entre-eux découpe une porte d'entrée grâce à une disqueuse. Il répète son opération pour venir à bout de deux grilles en fer et parvient au parloir où Rédoine Faïd attend en compagnie de son frère Brahim. Les hommes font alors le chemin averse sans même courir.

"Je ne suis ni un terroriste ni un criminel", adresse Rédoine Faïd au pilote médusé par la tournure des évènements. Il est 11h28 lorsque l'Alouttet II quitte le périmètre de la prison de Réau sous les acclamations des détenus qui assistent à la scène. Les gardiens, face au manque de visibilité et au danger de voir un hélicoptère se crasher dans la prison, n'ont pas ouvert le feu.

Les antécédents judiciaires de Rédoine Faïd

Déjà en 2009, Redoine Faïd avait des rêves d'évasion. Arrêté en 1998, il avait été condamné à 18 ans de prison, avant d'être finalement libéré en 2009 pour bonne conduite. À sa sortie, au mois d'août, le braqueur a accepté de se confier à une journaliste pendant trois heures. Neuf ans plus tard, un entretien-confession, diffusé jeudi 11 octobre dans la seconde partie d'Envoyé Spécial, sur France 2, a des airs prémonitoires. Sans tabou, il évoque ses envies de s'évader et explique même avoir tenté le coup. "Tu penses bien que pendant des années, j'ai pensé à m'évader, explique-t-il à la journaliste. Je ne me suis pas préparé à sortir, à être normal, à être cool, à avoir un compte en banque et tout."

Rédoine Faïd affirme ensuite, face caméra, avoir déjà essayé de s'évader. "Moi, tu m'enfermes pas comme ça. Jamais j'ai cru que j'allais faire 10 ans et demi, ça va pas la tête". Ce qui a coincé à l'époque ? "Y a eu des fuites", déclare simplement le braqueur. Dans cette même interview, le récidiviste confie vouloir qu'un film soit réalisé sur sa vie. 

La nouvelle vie de Redoine Faïd en prison

Neuf ans après cette confession, Redoine Faïd a réussi à s'évader, pour la deuxième fois, et a passé 93 jours en cavale. Les autorités pénitentiaires et les pouvoirs publics ont désormais une préoccupation partagée : tout mettre en œuvre pour que Rédoine Faïd soit le prisonnier le plus surveillé de France, après avoir été le fugitif le plus recherché du pays.

Rédoine Faïd vit désormais vivre très seul. Seul dans sa cellule, seul et isolé de tous les autres détenus pour ses activités de sport et de promenade qu'il souhaiterait s'accorder, à des horaires strictes. Il est extrêmement surveillé pour chacun de ses rares déplacements. Il est "encadré par au moins trois agents et menotté pour tout mouvement en dehors de sa cellule", indique Wilfrid Szala, secrétaire local du SNP Force ouvrière, au Figaro. Ce dernier précise au journal que les responsables du centre pénitentiaire ont prévu des fouilles très régulières. Les visites au parloir sont autorisées, mais très surveillées ; elles se déroulent dans une cabine avec vitre de séparation, indique Le Figaro.

Il est ainsi placé à l'isolement depuis 2013. Ce régime très strict est dénoncé par son avocat Yves le Berquier qui souhaite évoquer les conditions de détention de son client lors de ce nouveau procès.

Rédoine Faïd retrouvé et arrêté lors d'un opération maîtrisée

Mercredi 3 octobre 2018, après 93 jours de cavale, l'homme le plus recherché de France a été retrouvé par les forces de police, à Creil, dans l'Oise. Outre Redoine Faïd, 6 autres personnes, dont son frère, deux neveux et une femme, ont également été interpellées. Une opération de très grande ampleur a été minutieusement pensée et organisée, pour qu'elle permette à la fois d'arrêter le "noyau dur" de la bande Faïd, et pour limiter au maximum les violences.

L'interpellation, effectuée par une cinquantaine de policiers des brigades de recherche et d'intervention (BRI) de Lille et Versailles, est une réussite : les 5 personnes arrêtées n'ont opposé aucune résistance, pas un coup de feu n'a été tiré. La police a découvert sur les lieux de l'arrestation deux armes de poing. BFMTV a diffusé une photo du fugitif, manifestement pas encore tout à fait réveillé et une autre montrant une arme impressionnante retrouvée dans l'appartement, de type uzi. Redoine Faïd s'est laissé poussé la barbe.

L'appartement où a été retrouvé Rédoine Faïd

"Les images de l'appartement où Redouane Faïd était caché"

Comment la police a retrouvé Rédoine Faïd

La police judiciaire a traqué Rédoine Faïd pendant de longues semaines, parvenant à trouver sa trace avant qu'il puisse quitter le territoire français. Les forces de l'ordre ont récupéré de nombreux éléments tangibles et ont pu établir que Rédoine Faïd ne disposait ni de l'argent ni des moyens logistiques nécessaires pour organiser une fuite du sol français.

Si la spectaculaire évasion avait été soigneusement préparée, la cavale fut loin d'être parfaite. Une semaine après leur envol, l'équipement est retrouvé par un chasseur dans la forêt d'Halatte (Oise) : fusils d'assaut, cartouches, gilets pare-balles, talkies-walkies, meuleuse et le tee-shirt de Faïd sont retrouvés grossièrement dissimulé sous une bâche. Plusieurs traces d'ADN sont retrouvées sur ces objets et prouvent l'implication de Rachid Faïd et d'Ishaac Herizi.

Le 24 juillet 2018, les enquêteurs avaient identifié le fugitif, à Sarcelles : Rédoine Faïd était avec son frère dans une voiture dans un centre commercial. Ils étaient passés sans s'arrêter à un contrôle de gendarmerie. Les deux hommes avaient alors rapidement abandonné leur véhicule, avant que les gendarmes ne les stoppent. Des traces d'ADN avaient été découvertes ainsi que de nombreux autres indices. La police avait mis la main sur des explosifs factices, ce qui laissait présager un nouveau projet de braquage.

Un signalement anonyme permet de réduire le périmètre autour du cercle familial dans la ville de Creil : un individu en burqa à la silhouette masculine interpelle cette personne. La localisation se précise et les planques se multiplient. Le 3 octobre 2018, des équipes de la BRI et du Raid pénètrent dans un appartement d'une proche des Faïd. Rédoine, Rachid et Ishaac sont arrêtés.