Pédophilie dans l'Église : viols, agressions, abus sexuels.... Les chiffres du rapport Sauvé

Pédophilie dans l'Église : viols, agressions, abus sexuels.... Les chiffres du rapport Sauvé Ce mardi 5 octobre, la Commission Indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (CIASE) a publié un rapport sur les victimes d'agressions sexuelles dans l'Église entre 1950 et 2020. Ce travail, piloté par Jean-Marc Sauvé, pointe des faits très répandus de pédophilie au sein du clergé français.

[Mis à jour le 5 octobre 2021 à 17h46] Le rapport de la CIASE, commandité par la Conférence des évêques de France et la Conférence des religieux et religieuses de France, a été présenté ce mardi 5 octobre 2021 officiellement à l'épiscopat français, lors d'une conférence de presse organisée à Paris. Il estime que 216 000 enfants ont été victimes d'abus sexuels par des membres du clergé ces soixante-dix dernières années – 330 000 si on compte les victimes de laïcs travaillant dans les institutions de l'Église. 32% d'entre eux ont subi des viols, selon ce rapport. La Commission Indépendante sur les abus sexuels dans l'Église estime également le nombre de prêtres prédateurs sexuels à environ 3 000 – Jean-Marc Sauvé a précisé à l'Agence France Presse en avoir recensé "2 900 à 3 200", soit 2,5% à 2,8% des prêtres alors en exercice.

Ces chiffres sont le résultat croisé de recherches en archives menées par la CIASE, composée d'une vingtaine d'experts dans diverses disciplines (sociologie, psychiatrie…) et de l'enquête en population générale menée par l'Inserm (l'Institut national de la santé et de la recherche médicale).

Des données détaillées sur les victimes de l'Eglise

Le rapport de la CIASE précise que l'Eglise apparaît comme le milieu où le taux d'abus est le plus élevé entre 1950 et 2020. Le taux de prévalence (soit le rapport entre les victimes et le nombre de personnes ayant fréquenté les différents milieux de socialisation, c'est-à-dire des cercles en-dehors de la famille et des amis de la famille) y est effectivement le plus élevé : 1,16% des personnes en lien avec l'Eglise catholique ont subi des agressions sexuelles, dont 0,82% par des clercs et religieux – à titre comparatif, ce taux est 0,34% dans l'Education nationale. Autres chiffres notables : sur les 3 000 prêtres et religieux identifiés comme abuseurs par la CIASE, l'Eglise en connaissait nommément 1 800 – et les religieuses sont très peu nombreuses dans les faits rapportés d'agressions sexuelles, puisqu'elles ne sont qu'une dizaine à être identifiées comme abuseuses, toujours selon le rapport.

Dans un entretien accordé au Monde, le sociologue Philippe Portier, membre de la CIASE et directeur d'études à l'Ecole pratique des hautes études (EHESS), a précisé plusieurs points du rapport. Il a notamment soulevé l'évolution du profil des victimes sur les décennies étudiées : si, jusque dans les années 1990, les clercs abusaient des enfants prépubères, "avec une large majorité de victimes âgées de 11 à 14 ans", la part de femmes agressées a fortement augmenté et les victimes sont, en général, plus âgées. Cette mutation est à mettre en lien avec l'évolution des postes des agresseurs : hier éducateurs et surveillants, ils sont aujourd'hui affectés à des fonctions paroissiales. Le sociologue note également que, si les violences sexuelles dans l'Eglise touchent les enfants issus de toutes les catégories sociales, ceux provenant de milieux populaires et moyens sont plus sensibles d'êtres plus abusés.

Des recommandations pour combattre la pédophilie dans l'Eglise

La CIASE était également chargée de proposer des recommandations pour mettre fin à la pédocriminalité dans l'Église – ce rapport faisant de l'Église l'institution la plus "dangereuse" pour les enfants (à titre comparatif, 141 000 enfants ont été victimes d'agressions sexuelles au sein de l'Éducation nationale sur la même période, selon l'Inserm). Lors de la conférence de presse, Jean-Marc Sauvé a ainsi enjoint à "reconnaître" la "responsabilité" de l'Église qui, selon lui, a manifesté une "indifférence profonde, et même cruelle, à l'égard des victimes", et ce jusqu'au début des années 2000.

45 recommandations concrètes ont également été proposées par Jean-Marc Sauvé : allant de l'écoute et l'indemnisation des victimes à la prévention et à la formation des prêtres et religieux, le rapport de la CIASE appuie particulièrement sur l'importance de la reconnaissance de la responsabilité systémique de l'Eglise dans les violences sexuelles sur mineurs. Le pape François a appuyé sur ces demandes : ayant pris connaissance du rapport " avec douleur ", il enjoint l'Eglise à " entreprendre la voie de la rédemption ". De son côté, François Devaux, première victime interrogée par la Commission et ancien président de l'association " La Parole Libérée ", a appelé les évêques à " payer pour tous ces crimes ".

Le rapport Sauvé disponible en PDF

Les deux ans et demi de travail des experts de la CIASE ont abouti à un rapport long de 2 500 pages, il est accessible dans son intégralité sur le site de la CIASE.

Qui est Jean-Marc Sauvé ?

Nommé président de la Commission d'enquête indépendante sur les abus sexuels sur mineurs commis au sein de l'Église catholique en 2018, Jean-Marc Sauvé cumule un diplôme de l'Ecole nationale d'administration (ENA), le titre d'ancien vice-président du Conseil d'Etat et celui de président de la Cité internationale universitaire de Paris (depuis 2017). Interviewé par Le Figaro, il affirme que la mission qu'il a menée n'est pas terminée, mais que ce rapport a permis de " mettre en lumière un double désastre " : le caractère accablant et systémique des violences sexuelles dans l'Eglise et des chiffres tout autant " terrifiants " concernant des violences similaires dans la société.