Shein : retrait des articles illicites, surveillance de l'État… la plateforme toujours active mais sous pression
Le gouvernement français a décidé vendredi soir de stopper la procédure administrative contre Shein. Le géant chinois fait toujours l'objet d'une procédure judiciaire et il est sous "surveillance rapprochées", d'après le ministre de l'Économie, Roland Lescure.
Invité sur France Info le matin du 8 novembre, le ministre de l’Économie Roland Lescure s’est dit satisfait du retrait des articles illicites de la plateforme d’e-commerce Shein. Il a également expliqué que "les procédures judiciaires vont se poursuivre".
Shein avait 48 heures pour retirer tous les produits illicites de son site. Après avoir adressé jeudi soir un constat d'huissier à Bercy qui prouvait que le géant chinois s'était mis en conformité, le gouvernement français a décidé vendredi soir d'arrêter la procédure administrative engagée, à la demande du Premier ministre, mercredi contre Shein. Pour autant, le géant asiatique reste "sous surveillance rapprochée des service de l'État", a tenu à préciser dans un communiqué le gouvernement, qui se réjouit d'une première victoire. À noter que si la procédure administrative est stoppée, "les procédures judiciaires à l’encontre de Shein continuent", a précisé le gouvernement.
Un quadragénaire a été mis en examen puis placé en détention provisoire dans l'Isère, selon les informations du Dauphiné Libéré. L'homme a avoué à la police qu'il était en possession de deux poupées sexuelles achetées sur la plateforme chinoise. Il a été mis en examen pour "importation, détention et acquisition d'une ou plusieurs images ou représentations d'un mineur présentant un caractère pornographique", a détaillé le parquet de Vienne, samedi 8 novembre.
Une opération choc du gouvernement, des produits illégaux recherchés
Pour frapper fort jeudi, les autorités françaises ont contrôlé assidûment les colis Shein arrivant en France. À l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, pas moins de 200 000 colis ont ainsi été interceptés pour vérification, a révélé la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, sur X. "Cette opération, d’une ampleur exceptionnelle, vise à vérifier la conformité des produits, la véracité des déclarations et le respect des obligations fiscales et douanières", expliquait-elle, avant de pointer : "Les premiers constats font apparaître des produits non conformes et illicites : cosmétiques non autorisés, jouets dangereux pour les enfants, contrefaçons, appareils électroménagers défaillants."
Une opération qui s'inscrivait dans la procédure de suspension "afin de vérifier la mise en conformité de la plateforme avec nos règles dans un délai de 48 heures", car "en France, la loi s'applique à tous", insistait la ministre, qui rappelait par ailleurs que 95% des colis en provenance de Chine transitent par l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle, avant d'être distribués à l'ensemble du territoire.
La lettre du patron de Shein au gouvernement français
Face à la décision du gouvernement, le patron de Shein, Donald Tang, avait adressé une lettre au ministère de l'Economie promettant de "respecter toutes les lois françaises". Il y confirmait la suspension de son marketplace et annonçait la suspension des ventes des produits natifs Shein ne relevant pas du secteur de l'habillement. Assurant avoir "l'intention de créer les conditions nécessaires pour collaborer étroitement avec [la France] et les autorités compétentes, en veillant à ce que les mesures correctives que nous mettons en place soient à la fois robustes et transparentes", le patron de Shein proposait une rencontre pour présenter le "cadre de conformité" et "les mesures fermes et immédiates" prises par le géant du e-commerce à Bercy..
Si le gouvernement réagit au scandale et prend des mesures contre Shein, Le Canard Enchaîné révélait le 4 novembre que la DGCCRF aurait pu se saisir de l'affaire plus tôt, car "elle a d'abord envoyé bouler une lanceuse d'alerte", écrit le journal. "Il a fallu que celle-ci dénonce l'affaire au magazine 60 millions de consommateurs pour que le ministère se décide à réagir", apprend-on. "Faux", selon Bercy. Même si la lanceuse d'alerte "a renseigné que l’entreprise se trouvait en Chine (...) lors du signalement, un message s’affiche pour indiquer que le signalement sera envoyé à la répression des fraudes". Voilà pourquoi, le signalement de la même consommatrice transmis par 60 millions de consommateurs à la DGCCRF a donc bien été pris en compte et fait l’objet immédiat d’un relais aux autorités compétentes", confie le ministère auprès de Libération.
Des prix plus élevés en magasin ? Des clients frustrés et mécontents
Bravant la polémique, de nombreux clients ont tout de même assisté mercredi à l'ouverture de la boutique Shein au BHV. Mais pour certains, c'est la déception. En cause notamment, rapporte Brut, des prix jugés plus élevés que ceux pratiqués en ligne. "Il y a moins de modèles que sur le site et les prix sont assez gonflés", estime une cliente, qui regrette également le fait que toutes les tailles ne sont pas disponibles. Mais le patron du BHV du Marais défend les prix pratiqués. "On a mis des étiquettes avec un QR code pour vérifier le prix par rapport à Internet." Les petits prix disponibles sur Internet seraient liés, selon lui, aux nombreuses promotions commerciales mises en place sur la plateforme. Or, assure-t-il, des promotions seront aussi organisées en magasin.
"Je trouve que c'est une arnaque. C'est beaucoup plus cher (que sur le site). Les jeans, je les achètes 7-8 euros. Ici, ils sont à 25-30 euros", déplore Esther au micro de BFMTV. "Je pense que le site internet sera beaucoup plus avantageux", observe un autre client. "Je suis outrée. Les prix sont aberrants. Ce n'est pas Shein", déplore une troisième repartie les mains vides, toujours interrogée par la chaîne info.
À Grenoble et à Dijon, les maires en colère
Le scandale Shein ne plaît guère aux maires de Dijon et de Grenoble. Après l'installation d'un premier magasin à Paris, c'est dans ces deux villes que Shein doit ouvrir mi-novembre d'autres boutiques. "À Grenoble, nous refusons d’accueillir une enseigne qui foule aux pieds les valeurs de dignité, d’éthique et de durabilité", s'agace Éric Piolle, le maire de Grenoble sur les réseaux sociaux. L'édile demande tout bonnement au patron de SGM de suspendre l'arrivée de Shein dans sa ville "tant que ses dirigeants n’auront pas apporté à nos parlementaires toutes les garanties nécessaires quant au contrôle et à la vérification de la légalité des produits proposés à la vente par votre partenaire". Et la maire de Dijon, Nathalie Koenders, de regretter pour sa part : "En vertu du principe constitutionnel de liberté du commerce, rien ne me permet, en tant que Maire, de m’opposer juridiquement à cette ouverture."
Après des poupées sexuelles, des armes de catégorie A signalées sur Shein
Le scandale Shein a éclaté après que les services de l'Etat ont été prévenus le jeudi 30 octobre de la présence d'une offre commerciale illégale sur le site d'e-commerce : la vente d'une poupée sexuelle aux allures de petite fille tenant un ours en peluche. La description de l'objet et sa catégorisation "permettent difficilement de douter du caractère pédopornographique des contenus", a constaté la DGCCRF. Sur le site Shein, la poupée d'apparence enfantine est décrite comme mesurant 80 cm de haut et surtout comme un "jouet de masturbation masculine avec corps érotique et vrai vagin et anus" rapporte Le Parisien.
Dans un communiqué publié lundi soir, Shein a annoncé avoir interdit la vente de toutes les "poupées sexuelles" sur son site et avoir même temporairement déréférencé sa catégorie "produits pour adultes" en réponse à la saisie de la DGCCRF. "Il s'agissait de publications émanant de vendeurs tiers, mais j'en prends la responsabilité personnelle", a déclaré Donald Tang, président exécutif de Shein. Les responsables de Shein ont toutefois été convoqués devant les députés sous deux semaines dans le cadre d'une mission d’information de l'Assemblée sur les contrôles des produits importés en France. L'audition "doit permettre d'obtenir des réponses précises sur la transparence des chaînes d'approvisionnement de Shein, ses procédures de contrôle interne et les mesures correctrices mises en œuvre à la suite de cet incident particulièrement grave", a expliqué le rapporteur de la mission Antoine Vermorel-Marques, dans un communiqué.
Les poupées pédopornographiques pourraient bien ne pas être les seuls produits problématiques en vente sur la plateforme chinoise. Le mercredi 5 novembre, le député LR de la Loire Antoine Vermorel-Marques a annoncé avoir effectué un signalement à la procureure de Paris pour la mise en vente en libre accès d'armes de catégorie A sur le site de Shein. Il rappelle que "le fait de vendre ces armes est puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Un nouveau cap est franchi", dit-il sur X. "On est passé avec Shein de la fast fashion au fast crime!", lance-t-il dans les colonnes du journal Le Parisien. Des machettes et des coups de poing américains seraient notamment en vente sur la plateforme.
Des poupées disponibles sur d'autres sites d'e-commerce chinois
Si la présence de poupées sexuelles pédopornographiques a été signalée sur Shein, AliExpress proposait aussi des objets similaires à la vente. Ces derniers ont été retirés des plateformes françaises, a constaté franceinfo le lundi 3 novembre, mais RMC signale que les produits sont toujours disponibles sur les versions étrangères des sites accessibles avec un VPN. Des enquêtes confiées à l'Office des mineurs (Ofmin) ont été ouvertes par la justice française.
A noter que la vente de cette poupée sexuelle au caractère pédopornographique expose à de lourdes sanctions : "La diffusion, via un réseau de communications électroniques, de représentations à caractère pédopornographique, est passible de peines pouvant aller jusqu'à 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende" rappelle la DGCCRF. Les services soulignent par ailleurs dans leur communiqué que les signalements portent sur une marque pour laquelle "des pratiques commerciales trompeuses et des allégations mensongères ainsi que plusieurs non-conformités ont déjà été largement constatées et sanctionnées précédemment". L'entreprise de e-commerce a déjà été sanctionnée à trois reprises en France.
Des annonces hébergées par les plateformes Temu et Wish ont également été signalées. Celles-ci sont toutefois "seulement" accusées d'avoir diffusé des contenus pornographiques sans mesure de filtrage sur les mineurs. Des enquêtes portant sur la conformité des plateformes avec le droit français ont été ouvertes par la justice française lundi. La cellule d'investigation de Radio Classique indique par ailleurs avoir trouvé des annonces concernant des poupées sexuelles aux airs enfantins sur de nombreux sites : le sex-shop professionnel Sex Dolls Europe qui dans la catégorie des poupées de "moins d'1m25" proposent des objets pédopornographiques, mais aussi les sites de reventes comme Vinted ou Ebay avec de nombreuses annonces diffusées par des particuliers.
Après le scandale révélé sur Shein, la haute-commissaire à l'Enfance Sarah El-Haïry a annoncé convoquer "l'ensemble des grandes plates-formes" de commerce électronique et a promis de remonter jusqu'aux "fournisseurs". "Je veux comprendre qui a autorisé la vente de ces objets, quels sont les processus qui ont été mis en place, pour que ça ne se reproduise pas, (et) qui sont les fournisseurs parce qu'il y a bien des gens qui produisent ces poupées absolument ignobles", a-t-elle estimé dimanche 2 novembre sur RTL.
Les acheteurs des poupées retrouvés ? Un homme de 56 ans interpellé
Non seulement de vouloir remonter aux fournisseur, les autorités françaises ambitionnent de mettre la main sur les acheteurs ayant commandé les poupées sexuelles pédopornographiques. Sarah El-Haïry, la haute-commissaire à l'Enfance a évoqué la possibilité d'une "discussion" avec Shein pour obtenir les données concernant les acheteurs de ces poupées en France. "Les gens qui ont acheté ces poupées ont utilisé leur carte de crédit, ils se sont fait livrer à leur domicile ou à leur bureau", a-t-elle poursuivi sur Franceinfo. Le porte-parole de Shein en France, Quentin Ruffat, a fait savoir sur RMC que le site donnera les noms des acheteurs s'ils sont demandés : "Nous collaborerons à 100% avec la justice et répondrons à l'ensemble des questions qu'ils nous posent. Nous serons en totale transparence avec la justice".
Si les acheteurs de ces poupées sont recherchés, c'est parce que ces achats sont susceptibles de traduire des tendances pédophiles et punies par la loi. La haute-commissaire a indiqué sur Franceinfo que ces poupées pouvaient éventuellement servir à des pédocriminels avant que ces derniers ne s'en prennent à d'autres enfants. Une hypothèse également mentionnée par Arnaud Gallais, prédisent de Mouv'Enfants qui cite en exemple le cas de Joël Le Scouarnec, le médecin qui a fait plus de 300 victimes et chez qui "on a retrouvé une collection de poupées sexuelles à l'effigie d'enfants".
L'identification des acheteurs a porté quelques fruits puisque les employés d’un dépôt ont découvert lundi 3 novembre un colis qui contenait une "poupée en silicone" d'1m30 représentant une jeune fille, dans les Bouches-du-Rhône, révèle Le Parisien. Cette découverte a été signalée à la Brigade territoriale de Gardanne, et "le destinataire, demeurant à Bouc-Bel-Air, a été identifié", apprend-on. Le parquet d’Aix-en-Provence a ouvert une enquête en flagrance pour "importation, tentative acquisition et tentative de détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique". Le destinataire, "un homme de 56 ans, déjà condamné pour des affaires de mœurs, a été interpellé et placé en garde à vue", précise le quotidien francilien. Une perquisition a été réalisée à son domicile, son matériel informatique a été saisi et est en cours d’analyse.
Toutefois, l'objet ne provenait pas de Shein, comme annoncé dans un premier temps, mais d'un site français. Sur le carton est inscrit l'expéditeur, une société chinoise dénommée "ZECH", mais c'est bien sur un site français que la poupée a été commandée. Selon les informations de BFMTV, ce site, spécialisé dans les "poupées sexuelles" met en avant les poupées en les catégorisant par tailles. "Les poupées les plus petites commencent en 65cm. Poupées sans poitrine, en tenue d'écolière, en pyjama d'enfant ou encore présentées avec doudou et crayons de couleurs", est-il écrit sur le site, comme rapporté par le média. Ce fameux site ne comprend aucune mention légale, seule l'adresse d'une entreprise basée à Hong-Kong. Le site est inconnu des autorités françaises et le parquet d'Aix-en-Provence assure ne pas avoir ouvert d'enquête.
15:16 - Dans l'Isère, un homme, qui a commandé deux poupées sur Shein, mis en examen
Selon les informations du Dauphiné Libéré, un homme a révélé aux gendarmes qu'il avait commandé deux poupées sexuelles pédopornographiques sur Shein. Cet habitant du département de l'Isère a été mis en examen et placé en détention provisoire, le vendredi 7 novembre. Ce quadragénaire a été mis en examen pour "importation, détention et acquisition d'une ou plusieurs images ou représentations d'un mineur présentant un caractère pornographique", a confirmé le parquet de Vienne ce samedi.
12:05 - "Nous serons sans merci", a prévenu le ministre de l’Économie Roland Lescure
Invité sur France info, le ministre de l’Économie, Roland Lescure, a expliqué que les procédures à l’égard de Shein se poursuivaient. "Les procédures se poursuivent, l’arsenal continue de se déployer, nous serons sans merci", a-t-il prévenu, samedi 8 novembre. Le ministre de l’Économie et des Finances souligne l’engagement de l’exécutif à faire respecter les règles face à la plateforme d’e-commerce Shein.
07/11/25 - 20:19 - Le gouvernement renonce finalement à la suspension administrative de Shein
Shein vient d'éviter la suspension de son site. Le gouvernement français avait donné 48 heures au géant chinois pour retirer les éventuels produits illicites de son site. Ce vendredi, il a finalement décidé de stopper la procédure engagée depuis mercredi. Jeudi, relaie Le Figaro, Shein avait adressé un constat d'huissier à Bercy selon lequel il était assuré que le site s'était mis en conformité. Pour autant, le gouvernement français ne relâche pas toute la pression sur Shein. Ainsi, si la procédure administrative est bien stoppée, le géant chinois reste sous le coup d'une procédure judiciaire visant à bloquer son site.