Pourquoi les consommateurs ont-ils intérêt à ce que les taux d’intérêt des prêts personnels augmentent ?

La question a de quoi surprendre et frise la provocation… Pourtant, elle est au cœur de la problématique sur les crédits à la consommation.

Si de nombreuses personnes ne se voient proposer que des crédits renouvelables aujourd’hui (les plus dangereux !), c’est parce que les taux d’intérêt des crédits personnels (beaucoup plus sains financièrement pour les consommateurs) ne sont pas assez élevés et donc pas assez sécurisants pour les établissements de crédit.

Le relèvement des taux d’usure de ces derniers permettrait donc à plus de consommateurs d’y avoir accès. Car, en tout état de cause, même à taux d’intérêt égaux (pour les deux types de prêt), un prêt personnel est toujours beaucoup plus intéressant pour un emprunteur qu’un crédit renouvelable dont le fonctionnement entraîne parfois ses souscripteurs dans la spirale infernale du surendettement…Au-delà de 1 524 euros de prêt, les taux d'usure sont aujourd'hui déterminés en fonction du type de crédit souscrit par les consommateurs : en prêt personnel, le taux d'usure est actuellement de 7,77 %, alors qu'en crédit renouvelable, il est de 19,67 %.

Cet écart n'est en rien justifié pour des raisons économiques. Il n'est dû qu'à l'invraisemblable mode de détermination des taux d'usure actuellement en vigueur. En effet, aujourd'hui, les taux d'usure varient en fonction des taux moyens pratiqués par les établissements de crédit, ce qui fait que ces derniers sont à la fois juges et parties ! S'ils offrent des promotions en prêt personnel, le taux d'usure de ce produit baisse, et inversement, s'ils se rattrapent en augmentant le taux de leurs crédits renouvelables, le taux d'usure encadrant ce produit augmente.

Les établissements ne réservent les prêts personnels qu'aux clients les plus solvables ; les autres étant obligés de se tourner vers les crédits renouvelables.

La conséquence de cette aberration est que seule une petite partie des consommateurs peut aujourd'hui souscrire des prêts personnels, car avec un taux plafond de 7,77 %, il est impossible pour les établissements de crédit de prendre le moindre risque d'impayés avec ce produit.

Les autres consommateurs, c'est-à-dire l'immense majorité d'entre eux, sont systématiquement aiguillés vers les crédits renouvelables, facturés aux alentours de 20 % l'an (hors assurance) et dont le mode de fonctionnement recèle de nombreuses perversions, inconnues du grand public.

Or, en plus de la tarification, il existe une différence fondamentale entre les prêts personnels et les crédits renouvelables.

Les crédits amortissables sont gérés de manière saine, et surtout sûre : dès la signature de leur contrat, les consommateurs connaissent le coût total exact de leur crédit, ainsi que la date de fin de remboursement de ce dernier (et ce qu'ils aient ou non souscrit l'assurance emprunteur).

Les crédits renouvelables sont gérés de manière perverse, et les consommateurs ne peuvent jamais connaître exactement le coût total de leur crédit, ni la date de fin de remboursement  de ce dernier. Par ailleurs, en crédit renouvelable, la souscription d'une assurance emprunteur renchérit le montant des intérêts et allonge la durée de remboursement, sans que cela soit clairement indiqué aux candidats emprunteurs.

A taux d'intérêt et coût de l'assurance mensuelle équivalents, un prêt personnel est donc beaucoup moins onéreux, et se rembourse beaucoup plus rapidement, qu'un crédit renouvelable.

Pour protéger les consommateurs, il faut donc tout faire pour privilégier le prêt personnel au détriment du crédit renouvelable. C'est ce qu'essaie de faire la loi Lagarde portant réforme du crédit à la consommation dont la mesure la plus emblématique est la réforme du mode de détermination des taux d'usure.

A terme, c'est-à-dire au bout d'une période de transition de deux ans (allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2013), les taux d'usure ne seront plus déterminés par montant et par type de produit de crédit à la consommation. A compter du 1er avril 2013, les taux d'usure ne seront plus fonction que du seul montant emprunté.

Trois taux d'usure encadreront les activités de crédit à la consommation : le premier concernera les prêts inférieurs à 3 000 €, le second les prêts compris entre 3 000 € et 6 000 €, et le dernier les prêts supérieurs à cette limite. (Entre le 1er avril 2011 et le 1er avril 2013, pour chacune de ces trois catégories de prêts, les taux d'usure applicables aux prêts personnels et aux crédits renouvelables convergeront, grâce à une formule mathématique définie dans un arrêté devant prochainement être publié au journal officiel).

 

Pour les consommateurs titulaires d'un crédit renouvelable, les conséquences de cette réforme seront les suivantes :

Chaque trimestre, les nouveaux taux d'usure "crédits renouvelables" sont applicables aux nouveaux comme aux anciens contrats de crédit. Pendant huit trimestres consécutifs, les taux d'usure applicables aux crédits renouvelables vont baisser (plus ou moins selon la tranche d'encours concernée), ce qui est une excellente nouvelle pour l'ensemble des titulaires de ce type de crédit.

Pour les consommateurs titulaires d'un prêt personnel, les conséquences de cette réforme sont les suivantes :

Chaque trimestre, les nouveaux taux d'usure « prêt personnel » ne s'appliquent qu'aux nouveaux contrats de crédit. Pendant huit trimestre consécutifs, les taux d'usure applicables aux nouvelles souscriptions de prêt personnel vont augmenter (plus ou moins selon la tranche d'encours concernée), ce qui sera soit neutre soit bénéfique pour les consommateurs.

En effet, les consommateurs pouvant aujourd'hui souscrire des prêts personnels à des taux inférieurs à 7,77 % pourront continuer à souscrire ce type de crédit aux mêmes taux après l'entrée en vigueur de la réforme. Le taux d'usure n'est qu'un taux plafond et il n'est pas appliqué à l'ensemble de la population (la meilleure preuve est qu'aujourd'hui il est possible de souscrire un prêt personnel facturé 2,5 %, soit trois fois moins cher que le taux d'usure officiel). Cette réforme sera donc neutre pour la partie de la population la moins risquée, pouvant déjà souscrire des prêts personnels.

Pour les consommateurs ne pouvant pas souscrire des prêts personnels à des taux inférieurs à 7,77 %, du fait de leur niveau de risque supposé, cette réforme sera, en revanche, une mesure de salubrité publique : chaque hausse des taux d'usure applicables aux prêts personnel élargira la cible des consommateurs éligibles à ce produit, ce qui permettra de sensiblement réduire le volume des crédits renouvelables distribués. Cette réforme sera donc très bénéfique pour les consommateurs ne pouvant pas aujourd'hui souscrire de prêt personnel (alors qu'ils peuvent paradoxalement souscrire des crédits renouvelables plus complexes à gérer).

Les effets de cette réforme seront progressifs, et il faudra attendre huit trimestres avant qu'elle ne soit pleinement efficace. Mais au bout de ce (trop long) délai de deux ans, nous assisterons à une véritable révolution dans le monde du crédit à la consommation. 

La révolution attendue de cette réforme : la naissance du crédit « parce que je le vaux bien »

A compter du 1er avril 2013 la situation sera la suivante : les taux d'usure applicables aux prêts personnels et aux crédits renouvelables seront strictement identiques, la période de convergence étant terminée.

Imaginons que les taux d'usure soient les suivants :

- Pour les prêts inférieurs ou égaux à 3 000 € : 19 %

- Pour les prêts supérieurs à 3 000 € et inférieurs ou égaux à 6 000 € : 17 %

- Pour les prêts supérieurs à 6 000 € : 15 %

Nous avons vu que pour les consommateurs pouvant aujourd'hui emprunter à des taux très bas (de l'ordre de 5 %), cette réforme ne changera rien ; ils pourront continuer à emprunter à des taux éloignés des taux plafonds.

En revanche, pour les consommateurs "les plus risqués" aux yeux des établissements de crédit (et donc facturés à des taux voisins de l'usure), le changement sera de taille : pour les prêts supérieurs à 6 000 euros, ils bénéficieront d'une baisse des taux de 4,67 %, mais surtout ils pourront opter pour un prêt personnel au lieu d'être contraint de souscrire un crédit renouvelable.

Or, il vaut mieux souscrire un prêt personnel facturé à 19,67 % plutôt qu'un crédit renouvelable facturé au même taux. Avoir la possibilité de souscrire un prêt personnel facturé demain à 15 % au lieu d'un crédit renouvelable facturé aujourd'hui à 19,67 % est donc une formidable avancée qui assainira fortement le marché du crédit à la consommation.

En d'autres termes, à compter d'avril 2013 (dès lors que les taux plafonds des deux produits seront strictement identiques), l'étude d'une demande de crédit à la consommation devrait se faire en deux temps.

Dans un premier temps, en fonction des capacités de remboursement de l'emprunteur, l'établissement acceptera ou refusera la demande d'emprunter X euros qui lui est faite (dans ce premier temps le consommateur sera accepté "parce qu'il le vaut bien"). Il ne devrait donc plus être possible pour un établissement de refuser une demande en prêt personnel alors que simultanément il accepte une demande du même montant en crédit renouvelable. Plus aucune raison objective ne devrait donc pouvoir expliquer ce qui est devenu la perversion ultime du système actuel.

Puis, dans un second temps, le consommateur pourra choisir s'il préfère rembourser son prêt selon des modalités "amortissables" ou "renouvelables".

En 2013, les consommateurs pourraient donc conquérir un droit qui aurait dû être le leur depuis toujours : le droit de choisir le mode de remboursement le plus adapté à leur situation personnelle pour rembourser un emprunt (accepté par leur prêteur à des conditions tarifaires données).

Vivement le 1er avril ... 2013 !