Du nouveau sur les premières générations concernées ?

Du nouveau sur les premières générations concernées ? Les derniers arbitrages du gouvernement sur la réforme des retraites sont attendus. Selon Les Echos, un élément majeur pourrait changer dans le projet : la première génération concernée pourrait être décalée...

[Mis à jour le 10 décembre 2019 à 12h30] Et si la mise en application de la réforme des retraites était décalée de dix ans voire de vingt ans pour les régimes spéciaux ? C'est le scénario évoqué dans plusieurs articles de presse ce mardi 10 décembre 2019, notamment dans les Echos  et dans le Parisien. Pour le quotidien économique, le calendrier de la réforme des retraites pourrait être considérablement assoupli avec une application du nouveau régime à partir de la génération née en 1973 ou 1975, alors que c'est la génération née en 1963 qui était évoquée à l'origine. Le Parisien confirme ce décalage important pour les salariés du privé, mais va encore plus loin pour les régimes spéciaux :  pour les bénéficiaires de ces régimes, c'est même la génération née en 1983 qui devrait la première basculer dans le nouveau système de retraite par points, selon le journal francilien.

Si un tel décalage de la réforme des retraites était effectivement annoncé, reste à savoir quel serait alors le mode opératoire du gouvernement. La première hypothèse revient à reporter purement et simplement l'entrée en vigueur du nouveau régime de retraites par point. Prévu initialement en 2025, le basculement du système serait décalé en 2035, année de départ en retraite de la génération née en 1975. Mais le gouvernement pourrait aussi bien opter pour le maintient de la date de 2025, avec une conversion en cours de route des trimestres ou annuités cotisés en points. Et ce alors que les générations nées dans les années 1970 sont encore sur le marché du travail.

On connaîtra demain la première génération touchée par la réforme

Quoi qu'il en soit, si le scénario présenté par Les Echos ce mardi 10 décembre se concrétisait, les effets de la réforme des retraites seraient de facto décalés de dix ans par rapport à ce qui était initialement envisagé. A l'origine, le projet de Jean-Paul Delevoye était d'appliquer la réforme des retraites à partir de la génération née en 1963. Un calendrier plusieurs fois remis en cause. Ce lundi, le ministre en charge du texte a déjà indiqué que l'application de la réforme pourrait être revue et scindée en deux temps. "Les jeunes générations pourraient commencer à s'affilier au système universel rapidement après la loi", a d'abord indiqué Jean-Paul Delevoye avant d'évoquer une seconde date de bascule pour "la première génération concernée", précisant que l'"intégration" dans le nouveau régime de retraite serait "progressive".

La réforme des retraites sera détaillée demain mercredi, à la mi-journée, par Edouard Philippe, après la phase de concertation avec les partenaires sociaux. Si beaucoup d'entre eux peinent à croire à un revirement et anticipent déjà le prolongement du mouvement de grève, à la SNCF et à la RATP notamment, d'autres espèrent encore infléchir certaines décisions.

La date de la réforme des retraites, curseur pour désamorcer la crise

La date et le calendrier d'application de la réforme des retraites fait partie des points les plus cruciaux pour le gouvernement avec la crise qui se prolonge. Si Edouard Philippe et Jean-Paul Delevoye n'espèrent sans doute plus convaincre la CGT et Force ouvrière, il peuvent encore tenter d'obtenir le soutien de l'Unsa et de la CFDT, ouverts à l'idée d'un système de retraite par points, mais attendant certaines "garanties". Le calendrier pourrait être un point de bascule pour les deux organisations. Les branches des cheminots des deux syndicats demandent en effet depuis longtemps que la réforme soit mise en oeuvre uniquement aux nouveaux entrants à la SNCF.

Des concessions sur ce point, communément appelé "clause du grand-père", ont plusieurs fois été évoquées, mais ont finalement été écartées par Jean-Paul Delevoye lui-même, par souci d'"équité" envers les autres professions. En décalant de dix ans l'application de la réforme des retraites, pour tous, le signal envoyé serait fort et permettrait au ministre de tenir sa ligne, tout en satisfaisant Edouard Philippe qui s'est d'ores et déjà dit ouvert à des "transitions progressives" pour éviter de "changer les règles en cours de partie".

>> Lire aussi :

Réunion secrète dimanche soir et dîner ce mardi à l'Elysée

Dans Le Parisien ce mardi, on découvre les détails d'une réunion qui s'est tenue dimanche soir à l'Elysée en présence du Premier ministre, de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, de Jean-Paul Delevoye (Retraites) et de plusieurs autres ministres. Le journal confirme que les modalités d'application de la réforme des retraites ont été abordées avec des arguments en faveur d'un assouplissement assez net. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire aurait soutenu avec force l'idée d'un assouplissement du calendrier. "Il faut rester ferme sur les principes de la réforme, mais souple sur les modalités d'application et le calendrier", aurait martelé le patron de Bercy. Autrement dit, il s'agit pour Bruno Le Maire de ne rien céder sur le régime de retraite universel et par points, mais de se montrer ouvert sur les questions de calendrier.

La ministre de l'Environnement, qui a la tutelle des Transports, aurait formulé un avis assez proche de son collègue de Bercy lors de cette réunion au sommet qui ressemble fort à une cellule de crise. Pour Elisabeth Borne, l'extinction progressive des régimes spéciaux, induits dans la réforme des retraites, constitue un véritable choc pour les professions concernées. celle qui a dirigé la RATP et la SNCF par le passé appellerait donc à "une période de transition raisonnable entre les deux systèmes".

Un nouveau rendez-vous de calage est prévu ce mardi soir à l'Elysée, à la veille de la présentation d'Edouard Philippe demain midi. Emmanuel Macron et son premier ministre vont recevoir une dernière fois les les ministres et les cadres de la majorité au Parlement lors d'un dernier dîner visant à "mettre en cohésion" le discours de chacun en vue de l'étape clé de demain. des éléments de langage devraient être établis pour assurer le service après-vente des annonces d'Edouard Philippe.

Des bonus pour faire avaler la réforme des retraites aux jeunes générations

La suppression des régimes spéciaux étant un point d'achoppement de cette réforme des retraites, un autre geste important serait envisagé par le gouvernement pour faire avaler la pilule aux générations nées dans les années 1980 et ayant déjà fait une partir de leur carrière à la RATP, la SNCF ou ailleurs, avec un régime spécial. Toujours selon les Echos, un bonus est envisagé pour ces travailleurs au moment de la conversion de leurs droits déjà acquis en en points. Ce "cadeau de bienvenue" dans le nouveau système viserait à "compenser les pertes qu'ils risquent de subir lors de la bascule dans le régime universel", écrit les Echos.

Concrètement, le salaire de référence, servant de base au nouveau système par points, pourrait être calculé sur les meilleures années d'une carrière. Une compensation et une réponse aux inquiétudes de ceux, notamment des enseignant, qui s'inquiètent du montant de leur pension de retraite avec le nouveau mode de calcul. Ce dernier est basé en théorie sur l'ensemble d'une carrière alors que les fonctionnaires voient aujourd'hui le montant de leur retraite calculé sur les six derniers mois, autrement dit les plus avantageux.

La retraite par points, socle de la réforme

Le Haut-Commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye a présenté, le 10 octobre, à l'ensemble des partenaires sociaux - pour la première fois - les premières pistes retenues pour la réforme des retraites. Principale révolution dans cette réforme : le futur régime de retraite devrait être basé sur un système de points. "Un euro cotisé donnera les mêmes droits à tous les Français", a plusieurs fois expliqué Jean-Paul Delevoye dans la concertation qui s'est depuis déroulée et qui vient de s'achever, avec de lourds désaccords entre le gouvernement et les syndicats. Si le principe central de la réforme des retraites est maintenu, les cotisations des Français leur donneront droit à un certain nombre de points. Et c'est bien cette somme des points déterminera le niveau de leur retraite.

S'il semble inflexible sur ce nouveau système de retraite par points, véritable socle de la réforme, le gouvernement a déjà montré qu'il savait faire preuve de souplesse. Souhaitant que la mise en place de la réforme des retraites intervienne au 1er janvier 2025, l'exécutif a déjà mis au placard d'autres mesures plus immédiates concernant le système de retraites. Depuis plusieurs semaines, le gouvernement planchait sur la mise en œuvre de certaines mesures (allongement de la durée de cotisation, décote…) destinées à faire des économies dès 2020, en les intégrant au budget de la Sécurité sociale. Une idée qui a finalement été écartée afin d'apaiser les partenaires sociaux.

Lors de la rencontre Russie-ukraine à Paris lundi soir, Emmanuel Macron a été brièvement interrogé sur les arbitrages attendus. Entouré de Vladimir Poutine, Angela Merkel et le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le chef de l'Etat s'est contenté d'affirmer que tous les acteurs de cette réforme des retraites avaient conscience qu'il s'agit là d'une "réforme indispensable" qui doit "être menée". Pour le reste, il s'en est remis au gouvernement tout en minimisant la grogne que provoque depuis une semaine cette réforme. Emmanuel Macron a ainsi assuré qu'il ne sentait pas "une grande inquiétude" dans le pays au sujet des retraites. On verra dès demain si l'avenir lui donne raison.