Budget 2026 : ça coince, le gouvernement fait un aveu déroutant aux députés

Budget 2026 : ça coince, le gouvernement fait un aveu déroutant aux députés L'examen du volet "recettes" du budget 2026 a repris à l'Assemblée nationale, mais le vote prévu lundi ne pourra pas avoir lieu selon le gouvernement. Les débats sur les mesures fiscales et les hausses d'impôts vont même être écourtés.

La France aura-t-elle un budget 2026 ? Elle n'en prend pas le chemin. Alors que le vote du volet "recettes" du projet de loi de finances (PLF) initialement prévu le 3 novembre a été reporté au 17 novembre pour permettre la fin de l'examen du texte, il ne devrait pas avoir lieu lundi non plus. Pourquoi ? Parce que les débats sont loin d'être finis et que les délais pour les faire avancer ont soudainement été raccourcis. Les députés, qui ont repris l'examen du PLF du budget 2026 jeudi, étaient censés siéger ce week-end pour débattre des plus de 1 900 amendements restants avant le vote de lundi. Mais le gouvernement en a décidé autrement : le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, a annoncé jeudi soir que les travaux de l'Assemblée national ne reprendront pas samedi et dimanche, mais lundi à partir de 9 heures. Quant au vote prévu en milieu d'après-midi, il doit être reporté à plus tard dans la journée.

"Au rythme auquel nous avançons, il est évident que, lundi, nous ne terminerons pas les 1 900 amendements" restants sur le premier volet du PLF a déclaré le ministre. "Nous devons également tenir compte de la fatigue qui existe chez les députés, chez les collaborateurs, chez les administrateurs", a-t-il ajouté pour justifier sa décision. Si Laurent Panifous a assuré avoir "saisi" plusieurs groupes sur le sujet, les forces de gauche se sont offusquées de la décision. C'est "inacceptable" a lancé la cheffe des députés écologistes Cyrielle Chatelain. "Ne prenez pas prétexte sur la fatigue des uns et des autres" pour "nous empêcher de pouvoir voter sur le budget de l'Etat", a réagi le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard.

Selon un conseiller macroniste à Politico, la suspension des débats sur le PLF ce week-end était "le seul moyen d’obtenir des retraits d’amendements" et d'accélérer les débats avant le vote. Une stratégie qui a effectivement marché, au moins auprès du PS puisque le député Philippe Brun a annoncé son groupe procédera “à des retraits massifs d’amendements d’ici lundi afin que l’Assemblée puisse s’exprimer sur la première partie du PLF" et a invité les autres groupes à en faire autant.

Les députés sont bien pris par le temps puisque selon les délais constitutionnels, le volet "recettes" du PLF doit être transmis au Sénat le 23 novembre à minuit qu'il y ait un vote ou non. Ils ont toutefois quelques jours de battements pour, peut-être, prolonger les débats le PLF avant d'entamer ceux concernant le volet "dépenses" du texte. Mais même en l'absence de vote, le gouvernement a assuré que les amendements votés seront inscrits dans la copie du PLF remise au Sénat.

Pour rappel, le gouvernement a posé l'objectif d'économiser 31 milliards d'euros pour réduire le déficit public à 4,7% du produit intérieur brut (PIB) en 2026. Un effort conséquent décomposé en deux étapes : la récolte de 14 milliards d'euros notamment grâce à des hausses d'impôts, et l'économie de 17 milliards via la limitation des dépenses de l'Etat. Le gouvernement a cependant laissé une petite marge de manoeuvre aux négociations à l'Assemblée, tant que le déficit reste inférieur à 5 % du PIB. Les députés ont d'ailleurs amendé le PLF en supprimant certaines hausses d'impôts, en en rejetant d'autres, mais en adoptant plusieurs mesures fiscales. Tour d'horizon sur le contenu du texte :

La hausse généralisée de l'impôt sur le revenu retoquée

Alors que le gouvernement prévoyait dans le budget 2026 une année blanche, soit la non-indexation du barème de l'impôt sur l'inflation, une majorité des députés à l'Assemblée nationale a voté contre. Le barème de l'impôt ne sera donc pas gelé, mais indexé sur l'inflation à 1,1%. Ce gel était très critiqué, puisqu'il aurait mécaniquement augmenté le montant de l'impôt sur le revenu pour la quasi-totalité des ménages. Certains foyers fiscaux ayant connu une hausse de revenus auraient même été susceptibles de changer de tranche et de payer plus d'impôts. Par ailleurs, 200 000 foyers fiscaux se trouvant dans la première tranche, et donc non-imposables, risquaient de devoir payer des payer impôts en cas de gal du barème.

Certains retraités devaient également être concernés par une hausse d'impôts, mais la copie du gouvernement a été retoquée. La version initiale du PLF proposait de remplacer l'abattement fiscal de 10 % accordé aux retraités au titre des frais professionnels par un abattement forfaitaire de 2 000€. Mais les députés ont supprimé cette mesure avec 213 voix contre et 17 voix pour. La mesure avait déjà été retoquée par un amendement soutenu par la majorité de l'opposition en commission.

De nouvelles taxes et des avantages rabotés

Si la hausse de l'impôt sur le revenu a été rejetée par les délutés, les ménages risquent tout de même de perdre en pouvoir d'achat à cause de la suppression de 23 niches fiscales, sur les 474 existantes. Si la suppression de certaines des niches visées, jugées obsolètes, inefficaces ou touchant trop peu de personnes, ne devrait pas faire polémique, d'autres suppressions vont avoir des conséquences directes sur les Français. Voici quelques exemples :

  • La fin de la réduction d'impôt sur les frais de scolarité dans le secondaire et le supérieur
  • La réduction progressive de l'avantage fiscal sur les biocarburants comme le E85
  • La fiscalisation des indemnités journalières des affections longue durée.
  • La baisse ou la fin de l'exonération des cotisations pour les apprentis
  • La hausse des charges patronales de 8% sur les avantages en nature comme les tickets-restaurants ou les chèques-vacances.

Les Français concernés vont devoir renoncer à ces avantages et en parallèle, ils vont voir de nouvelles taxes apparaître. La copie du budget 2026 table notamment sur trois nouvelles taxes : celle visant les petits colis, d'une valeur inférieure à 150€, en provenance d'un pays hors de l'Union européenne qui s'élèveront à 2€ par article ; celle sur le vapotage taxant de 30 à 50 centimes chaque flacon de 10 ml selon le taux de nicotine ; et celle sur les emballages plastiques non recyclés que s'élèveront à 30€ par tonne en 2026, et progresseront tous les ans jusqu'à atteindre les 150€ par tonne en 2030.

La taxe Zucman rejetée sous toutes ses formes

Alors que le gouvernement passe par l'impôt pour récupérer des milliards d'euros de recettes, la gauche souhaite faire peser plus de mesures fiscales sur les plus riches et a notamment proposé l'instauration de la taxe Zucman. Cet impôt, pensé par l'économiste Gabriel Zucman, prévoit d'imposer de 2% les Français ayant un patrimoine supérieur à 100 millions d'euros, soit environ 1800 personnes. Face au rejet de la mesure en commission des finances, le PS a également proposé une "taxe Zucman ligth", c'est-à-dire une version allégée qui prévoit de taxer de 3% les personnes domiciliées en France dont la patrimoine excède 10 millions d'euros, en excluant les entreprises innovantes et familiales pour coller aux lignes rouges du camp présidentiel. Mais les deux versions de l'impôt ont été rejetées par les députés du bloc central, de la droite et de l'extrême droite.

Des impôts et des taxes opposés aux plus hauts revenus

Plusieurs impôts et taxes concernant uniquement les Français les plus aisés ont été annoncés et/ou prolongés à l'occasion du budget 2026. Certaines mesures sont en bonne voie pour être validées à l'Assemblée nationale, mais d'autres sont susceptibles d'évoluer, comme la nouvelle taxe visant les holdings patrimoniales, proposée par le gouvernement en alternative à la taxe Zucman.

  • La création d'une taxe sur les holdings patrimoniales qui sont parfois utilisées par les plus fortunés pour contourner l'impôt. Cette taxe vise à faire échec à ces stratégies de contournement par la thésaurisation de revenus. Une mesure présentée comme une lutte contre l'optimisation fiscale par Sébastien Lecornu durant son discours de politique générale. En commission, cette taxe a été supprimée et remplacée par erreur par une taxe sur les holdings patrimoniales devant être récoltée uniquement à la mort du propriétaire. Certains députés croyaient compléter le dispositif et non le remplacer. L'erreur ne devrait pas se reproduire dans l'hémicycle.
  • La prolongation de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) mise en place lors à l'occasion du budget 2025. Il s'agit d'une surtaxe appliquée aux ménages dont les revenus dépassent 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple. Elle fixe un taux minimal d'imposition de 20 %. Elle s'ajoute en réalité à la contribution exceptionnelle pour les hauts revenus (CEHR) qui cible les mêmes foyers fiscaux ainsi qu'à leurs impôts sur le revenu pour qu'ils soient bien imposés d'au moins 20 %. Pensée pour durer une année, cette mesure pourrait finalement être pérennisée jusqu'au retour du déficit à 3% du PIB, soit jusqu'en 2029 selon les projections gouvernementales.
  • La transformation de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune improductive qui élargit l’assiette de l’impôt en ne tenant plus compte que des bien immobiliers, mais modifie le barème et crée un abattement sur la résidence principale ou unique. Le chiffrage de la mesure est en cours.
  • Le retour de l'"exit taxe" dans sa forme de 2019 visant à freiner l'évasion fiscale. Il est question de taxer un contribuable domicilié fiscalement en France et détenant des actions lorsqu’il transfère son domicile fiscal hors de France sur la plus-value latente qui résulterait de la vente de ses actions.

Durant les débats en commission des finances, un autre impôt concernant les plus hauts revenus avait été ajouté par amendement. Il s'agissait d'un impôt pour les Français aux hauts revenus expatriés dans des paradis fiscaux a été proposée par un amendement de LFI et votée. Il s'agit d'une contribution sur "les plus hauts revenus", soit à partir de 230 000€ environ, en cas de départ vers un pays à la fiscalité généreuse. Pour déterminer les paradis fiscaux concernés par la taxe, il est proposé de retenir les pays "pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 40% à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine". A noter que l’impôt payé auprès du pays de résidence pourrait être déduit de l’impôt français.

Des hausses de taxes sur les entreprises

Outre les hauts revenus, les entreprises sont également mises à contribution avec des hausses d'impôts et/ou des nouvelles taxes adoptées concernant certaines entreprises et souvent celles générant les plus hauts chiffres d'affaires.

  • La prolongation de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises également mise en place avec le budget 2025. Cet impôt vise les 400 plus grandes entreprises françaises et oppose un taux d'imposition de 10,3 % pour les entreprises ayant chiffre d'affaires compris entre 1 et 1,1 milliard d'euros et un taux de 20,6 % pour celles ayant un chiffre d'affaires compris entre 3 et 3,1 milliards d'euros. Si cet impôt est reconduit, il devrait être divisé par deux par rapport à l'année dernière.
  • L'augmentation de la taxe Gafam qui vise les multinationales et les géants de la tech a été adoptée. Cet impôt doit doubler, passant de 3 à 6%. Il s'agit d'un compromis, le texte initial proposant de multiplier la taxe par cinq. Une révision à la baisse pour éviter des représailles trop importantes venant des Etats-Unis, dont son originaire la plupart des Gafams.
  • La hausse de la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises a été votée et va augmenter le taux d'impôt pour les très grandes entreprises jusqu'à 35,3%, mais va alléger cette taxe pour les entreprises intermédiaires. L'Assemblée a toutefois réduit l'impôt sur les sociétés des petites et moyennes entreprises jusqu’à 100 000 euros de bénéfice.
  • L'augmentation de la taxe sur les rachats d’actions qui passe de 8% à 33%  portée à 33 % contre 8 %.
  • Une taxe exceptionnelle sur les superdividendes a été votée, mais jugée inapplicable par le gouvernement par rapport au droit européen.

Si les augmentations de taxes ou d'impôts sont nombreuses dans la copie du budget, les baisses de charges sont nettement moins présentes. Une seule mesure fiscale significative prévoit une baisse de l'impôt pour les entreprises, notamment de l'impôt de production ou cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cet impôt, qui "pèse sur la production de nos petites et moyennes entreprises" selon Sébastien Lecornu, baissera avant d'être définitivement supprimé en 2028, soit deux ans plus tôt que prévu. "Afin de soutenir la dynamique de réindustrialisation française et d'accompagner nos petites et moyennes entreprises et nos entreprises de taille intermédiaire, il est proposé de reprendre, dès 2026, la suppression progressive de la CVAE", indique le projet de loi de finances. Le gouvernement estime que cette baisse se traduirait par 1,3 milliard d'euros de recettes en moins.

Dernières mises à jour

10:56 - Les députés n'ont plus que deux jours pour débattre avant de voter le premier volet du PLF

L'Assemblée nationale a repris l'examen du volet "recettes" du PLF jeudi et devait avoir quatre jours de débats avec de procéder au vote du texte lundi 17 novembre. Sauf que le gouvernement "n’ouvrira pas les séances de samedi et dimanche" comme prévu a fait savoir le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous. Une décision prise en raison "de la fatigue qui existe chez les députés, chez les collaborateurs, chez les administrateurs" et parce qu'il "évident que, lundi, nous ne terminerons pas les 1 900 amendements" restants au regard du rythme des débats. Les députés n'ont donc plus que la journée de vendredi et celle de lundi pour débattre des amendements sur le PLF. Le vote, normalement prévu à l'ouverture de la séance lundi, à 15 heures, sera retardé à la fin de journée, tandis que les débats reprendront dès 9 heures.

13/11/25 - 11:27 - Le remplacement de l'abattement fiscal de 10% sur les retraites supprimé

La reprise des débats sur le budget 2026 est déjà marqué par un vote décisif et un amendement du PLF : les députés ont largement décidé de rejeter la mesure prévoyant le remplacement de l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite par un abattement forfaitaire de 2000€. L'Assemblée nationale a supprimé cette mesure avec 213 contre et 17 pour. Ce sont les députés de la gauche, ceux de l'alliance d'extrême droite entre le RN et l'UDR et ceux de la droite LR qui ont voté pour la suppression de la mesure.

13/11/25 - 11:23 - Reprise des débats sur le budget 2026 pour plusieurs jours

Après avoir été interrompu, l'examen de la partie "recette" du PLF pour le budget 2026 reprend ce jeudi 13 novembre à l'Assemblée nationale. Les députés ont jusqu'à la matinée du lundi 17 novembre pour débattre des plus de 2 100 amendements restants d'ici là. Si le délai semble, à nouveau difficile à tenir, les élus pourront bénéficier d'une petite prolongation, mais devront obligatoire terminer les débats le 22 novembre au plus tard. Le texte doit effectivement être étudié au Sénat à compter du 23 novembre.