Philippe Nobilé et Jean-Baptiste Choteau Philippe Nobile et Jean-Baptiste Choteau (Oscaro) : "L'entreprise est repartie de l'avant"
Dans une interview accordée à Linternaute.com, la direction par intérim d'Oscaro s'explique sur la rumeur annonçant un dépôt de bilan du site.
A la suite de la publication sur les réseaux sociaux de rumeurs annonçant le dépôt de bilan d'Oscaro, la rubrique Automobile de Linternaute.com a contacté Philippe Nobile, directeur en intérim du site de vente de pièces détachées automobiles, et Jean-Baptiste Choteau, directeur de la stratégie du site. Situation d'Oscaro, conséquences de la rumeur sur la santé de l'entreprise, avenir d'Oscaro... Retrouvez notre interview ci-dessous.
Linternaute.com - Que s'est-il passé depuis la rumeur qui annonçait la faillite d'Oscaro ?

Philippe Nobile - En novembre 2018, Pierre-Noël Luiggi, fondateur d'Oscaro, a cédé une majorité de ses parts (un peu plus de 87%) à un groupe qui s'appelle PHE. Ce groupe est le leader européen de la distribution des pièces détachées auto avec son acteur français connu sous le nom d'Autodistribution. C'est un gros groupe : on parle d'un milliard et demi d'euros de chiffre d'affaires, c'est une autre dimension. Une partie de ce rachat consiste à reprendre les activités de pièces détachées auto, tandis que la partie énergies et batteries de l'activité d'Oscaro n'a pas été cédée et reste la propriété de Pierre-Noël Luiggi. Pierre-Noël Luiggi est aujourd'hui en charge de développer avec le groupe PHE de nouveaux projets. Ce deal a été fait très rapidement. A partir de ce moment-là, une organisation d'intérim a été mise en place pour permettre aux équipes d'Oscaro de travailler de façon plus active sur un certain nombre de sujets qui avaient été mis de côté durant les derniers mois où il y a eu toutes ces discussions avec PHE.
La situation d'Oscaro s'est-elle améliorée aujourd'hui ? De nombreux messages de clients disaient attendre un remboursement sur les réseaux sociaux et les forums. Ces problèmes ont-ils été réglés ?
Philippe Nobile - Il y a eu des arriérés avec des fournisseurs, ainsi que des problèmes qui touchaient une minorité de clients. Ces problèmes devenaient très visibles sur le web et sur les réseaux sociaux. Il fallait vite résoudre les problèmes fournisseurs et clients. Les problèmes de remboursement envers nos clients sont tous réglés depuis la fin du mois janvier et le début du mois de février. Ceux qui concernent les fournisseurs ont été réglés entre fin décembre et mi-janvier. L'organisation s'est consolidée à partir de janvier aussi.
Depuis le mois de janvier, grosso modo, l'entreprise est repartie de l'avant assez vite, pour maintenant repartir sur le marché avec l'esprit de conquête qu'elle a eu depuis 18 ans. Les problèmes de remboursement étaient donc essentiellement dus à des problèmes d'organisation, de focus de l'entreprise, et puis de trésorerie. Nous nous sommes remis en ordre de bataille début janvier. Oscaro est maintenant reparti en croissance, avec des initiatives que nous avons commencé à lancer au mois de février et qui vont devenir concrètes au milieu de l'année.
Oscaro avait annoncé que cette rumeur de faillite était une "fake news" et que vous "travailliez pour en identifier la source".
Philippe Nobile - Plusieurs investigations ont été menées sur ces rumeurs, mais il n'y a eu aucun résultat formel ni concret sur les origines des différentes attaques qu'il y a pu y avoir sur la marque. Ce qui est vrai, c'est que des informations avaient pu être relayées par certains médias. Ceux-là ont pu avoir un impact assez négatif vis-à-vis de la société. Le problème avec ce genre de journalisme, en faisant de la Une de cette façon-là, c'est que cela met en péril l'entreprise, qui n'est pas toujours dans une situation forte, et augmente la quantité de ses problèmes. Cet aspect est, je trouve, plutôt gênant en tant que chef d'entreprise. Je comprends la liberté de la presse, mais il y a une façon de présenter les choses qui peut parfois être sujet à critique.
Pouvez-vous chiffrer le tort que cette rumeur de faillite vous a coûté ?
"La rumeur de faillite a eu
un impact sur le trafic d'Oscaro"
Philippe Nobile - C'est compliqué de chiffrer. En tout cas, le premier effet de cette rumeur, c'est qu'un doute est venu s'inscrire au niveau de nos clients. Comme avec toutes les fake news, il y a une propagation extrêmement rapide, avec un très faible contrôle sur le niveau d'information. Vous tapez le nom de la marque, et toutes les rumeurs remontent sur Google. Nécessairement, il y a eu un impact sur le trafic. La deuxième chose, c'est que vous vous désorganisez en interne, car les équipes s'occupent de rassurer les clients sur les communautés. C'est surtout une désorganisation interne qui est impactante pour le business, car vous servez encore moins vos clients.

Jean-Baptiste Choteau - Il y a un coût pour nous, et un coût pour nos clients. Le leader du secteur qui leur a apporté beaucoup de services et la capacité de réparer eux-mêmes leur voiture a été décrédibilisé. En empêchant cet effet positif sur une période, nos clients ont probablement payé un coût important, du fait de notre supposée moins bonne efficience.
Pouvez-vous expliquer les problèmes que vous avez rencontrés avec vos fournisseurs ?
Philippe Nobile - Il y a eu des problèmes de trésorerie. Nous avons rencontré des difficultés avec un certain nombre de fournisseurs pour payer dans les temps des problèmes de factures. Nous rentrions dans un cercle vicieux que tous les chefs d'entreprise connaissent. Il fallait que cela s'arrête, qu'un investisseur apporte les fonds et qu'il structure définitivement l'entreprise. Nous avons subi une baisse de notre référencement et une baisse de notre chiffre d'affaires. On ne retrouvait pas les produits en stock, par exemple. Sur les dernières semaines, tout devenait compliqué. Cette partie-là a été réglée extrêmement vite, en quelques semaines. Du point de vue capitalistique, aujourd'hui, l'entreprise n'a strictement plus rien à voir, nous avons la capacité d'investissement, une assise financière plus solide, et c'est aussi pour ça que l'entreprise repart. Là-dessus, je pense que les faits qui ont été relatés dans la presse sont plutôt justes.
"L'impact client
est beaucoup plus fort
sur Oscaro"
Vous veniez de lever 30 millions d'euros lorsque la rumeur de faillite a éclaté. Vous aviez déclaré que cet argent serait utilisé pour "améliorer l'expérience client".
Philippe Nobile - C'est la priorité. Il y a plusieurs sujets, dont un qui porte sur le niveau d'expérience client. Comment fiabiliser les délais de livraison ? Comment les raccourcir ? Comment accompagner davantage le client dans ses achats ? Aujourd'hui, le centre d'appel d'Oscaro est reconnu de très loin comme le meilleur du marché. Mais comment mieux l'utiliser pour encore mieux servir le client dans son expérience post-achat ? C'est aussi un sujet sur lequel nous devons travailler. Nous avions un très bon pilotage de l'expérience client en interne, et en fait, ce qui nous manquait, c'était probablement encore davantage de ressources dédiées à cette expérience client.
L'expérience client, c'est un point extrêmement compliqué dans notre métier, parce que les catalogues de références sont quelque chose de compliqué à structurer et à maintenir. Vous gérez un million de pièces ! Aujourd'hui, nous sommes aussi en train de mener tout un travail sur le renforcement de notre organisation logistique. On voit que nos notes client s'améliorent, ce qui est plutôt une bonne chose. Mais il n'empêche qu'à la fin, quand on regarde structurellement le marché, il moins bon que beaucoup d'autres marchés e-commerce, à cause de la complexité du nombre de fournisseurs, du nombre de références, des difficultés dans la véracité du catalogue… Tout est compliqué.
Jean-Baptiste Choteau - Et l'impact client est beaucoup plus fort. Si vous ne recevez pas la dernière robe à la mode, ce n'est pas très grave, tandis que si vous ne recevez pas votre disque de frein, vous ne pouvez pas aller travailler. On est impactés immédiatement. Autant, quand on fait très bien notre travail, ça rend service à des millions de personnes, et c'est pour ça qu'on existe. Autant, dès que ça va un peu moins bien (et ça peut aller moins bien pour des milliers de raisons, à cause de la complexité du catalogue, de la complexité des fournisseurs, de la complexité technologique), à la moindre anicroche, on a de gros soucis.
Philippe Nobile - C'est un marché complexe en soi. Quand sur certains marchés on arrive facilement à faire des livraisons le jour même, ou sous 24 heures, sur le nôtre, c'est assez compliqué. Il y a encore un champ énorme de progrès sur lequel on va pouvoir travailler.
Oscaro démarre l'année 2019 du bon pied ?
Philippe Nobile - Oui, 2019 est une année de reprise et d'accélération pour Oscaro. Nous sommes repartis avec une campagne de publicités à la radio et à la télévision. Nous allons mettre en place plusieurs initiatives vis-à-vis de nos clients, comme le DIY, pour lequel il y a un vrai marché. Depuis le début, nous avons 8 millions de clients sur Oscaro. Le DIY est un marché en pleine croissance. Surtout, quand vous regardez les politiques qui concernent la mobilité aujourd'hui, vous avez des autorités gouvernementales qui investissent dans les transports publics. Or, ces transports correspondent aux grandes villes, mais peu aux périphéries et encore moins aux campagnes, qui sont plutôt laissées à elles-mêmes. Pour les gens qui y habitent, soit l'énorme majorité des Français, la voiture est l'unique moyen de mobilité.
Avec le durcissement du pouvoir d'achat, si de plus en plus la mobilité tient à l'automobile, il va vous falloir trouver les moyens de vous débrouiller pour alléger votre facture et prendre soin vous-même de votre mobilité. Ce marché du DIY a été créé il y a 18 ans, et nous pensons qu'il est encore amené à grandir. Sur Oscaro, il y a d'ailleurs plein de moyens à vous rassurer sur votre capacité à le faire vous-même, comme des tutoriels. Cela permet de s'assurer que vous avez choisi la bonne pièce, de comment la monter, si c'est difficile ou pas… Ce sont des choses que nous allons être amenés à travailler. Cette partie DIY est importante car c'est la seule manière qu'on aura de faire grandir notre marché.