La promesse intenue de "Prometheus"
Prometheus, quoi qu'ambitionnant d'être un grand film de science-fiction visible indépendamment de tout autre, était porteur d'une promesse folle : résoudre l'un des plus grands mystères qu'ait connu la science-fiction, l'origine de l'Alien dans la saga éponyme.
Prometheus est, de l'aveu de son réalisateur Ridley Scott, réalisateur du premier Alien il y a plus de trente ans, un film qui n'est pas directement lié aux films Alien, quoi qu'il leur rende hommage, et qui par sa fin doit lever le voile sur le mystère de la saga.Jusque-là, la trame de base du film ne trahit pas son titre évocateur : une équipe de scientifiques part aux confins de l'univers en quête des créatures qui auraient pu créer les hommes. Sans surprise aucune, ce qu'ils trouvent pour avoir trop voulu en savoir est porteur de leur mort. Le scénario alambiqué (dû à Damon Lindelof, à qui l'on doit les élucubrations de la série Lost) suit des circonvolutions dont les détails échappent souvent, assénant les conclusions improbables sans les laisser voir venir, et se souciant bien peu de réalisme dans les péripéties. L'aspect visuel du film, plaisant, dans la veine du premier Alien, devient rapidement redondant par manque d'audace et d'innovation, au fil des allers-et-retours incessants des personnages entre les différents lieux du film. Dans ces conditions les acteurs parviennent à tirer le meilleur de leur talent au profit des situations parfois totalement abracadabrantes que leurs personnages doivent subir (Michael Fassbender et surtout Noomi Rapace en tête).
Qu'est-ce qui sauve alors le film de l'indigence ? Ce qu'il reste de talent à Ridley Scott. Si le réalisateur d'Alien et Blade Runner, ainsi que sa concision et son efficacité, sont bien loin, on ne peut qu'apprécier son sens du spectaculaire dans la mise en scène. Un trait désormais inhérent aux films du réalisateur britannique et qui, s'il n'est pas apprécié unanimement, permet à Prometheus de faire passer son intrigue, mais aussi de sortir du poids peut-être trop lourd du film dans le sillon d'Alien.
Or parlons-en d'Alien. Prometheus n'est pas un pastiche au sens littéral et c'est tout à fait appréciable, mais il rate le coche de l'hommage transcendé : là où Alien théorisait une nouvelle forme de peur au cinéma, une peur de l'invisible, Prometheus échoue à créer sa propre forme de peur. Si les personnages cherchent le danger, ce qui biaise le processus d'appréhension, l'idée est trop peu approfondie, si bien que Prometheus ne révolutionne pas le cinéma d'horreur comme l'a fait son illustre aîné. Mais du reste le film ne se revendique pas comme appartenant pleinement au genre horrifique. Et que reste-t-il de l'éclaircissement que devait apporter cette nouvelle déviation à l'origine de la franchise ? Et bien, sans en révéler la teneur pour ne pas gâcher le plaisir des futurs spectateurs, il est inepte, et on serait tenté de ne pas faire le lien entre les deux films tant la cohérence ferait défaut dans une telle jonction cinématographique. Grosse déception de ce côté là donc.
Mais ce qui est d'autant plus décevant, et révoltant, c'est que le film apporte à peine sa propre réponse à la question qu'il s'est posé, soit l'origine du genre humain. Indépendamment de la saga initiée par Scott il y a désormais plus de trente ans, Prometheus est un film de science-fiction qui se laissera regarder agréablement pour peu qu'on en attende pas trop de lui, apportant sa conclusion, lacunaire certes, à une problématique peu abordée frontalement au cinéma, et qui elle-même le rend d'autant plus hors-sujet par rapport à la franchise sus-nommée qu'il devait compléter. Le choc attendu et la révélation tant promis n'ont pas eu lieu. "Tout ça pour ça" a-t-on envie de dire.
Prometheus, de Ridley Scott, 2012, avec - entre autres - Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron.