Les Saisons : Jacques Perrin veut "laisser le champ libre à la nature" [INTERVIEW]

Les Saisons : Jacques Perrin veut "laisser le champ libre à la nature" [INTERVIEW] C’est aujourd’hui que sort leur nouveau long métrage. Jacques Perrin et Jacques Cluzaud ont répondu à nos questions.

A l'occasion de la sortie en salles du film Les Saisons, nous avons pu rencontrer le duo de réalisateurs formé par Jacques Cluzaud et Jacques Perrin. Ils ont notamment collaboré à la réalisation du Peuple Migrateur et Océans. Aujourd'hui, ils reviennent au cinéma avec un film qui nous propose de revivre 20 000 ans d'Histoire par le prisme des forêts d'Europe. Dans cet entretien, ils évoquent la genèse du projet, les techniques utilisées pour le film mais aussi les séquences qui les ont rendus le plus fier.

"Les Saisons Bande-annonce"

L'internaute.com : Comment est né le projet Les Saisons ?

Jacques Cluzaud : Après Le Peuple Migrateur et Océans, l'idée des Saisons était de revenir un peu plus près de chez nous, de s'intéresser à l'Europe. Le projet s'est imposé à partir du moment où on a eu l'idée de voyager dans le temps. On voulait traverser la Préhistoire et l'Histoire à travers l'Europe.

Jacques Perrin : Le territoire européen a bien changé d'allure comparé à ce qu'il était il y a 20 000 ans. Donc raconter une nature en grande partie absente, c'était faire un film immensément triste. Mais nous voulions donner de l'espérance fondée. C'est de là que nous est venue l'idée de faire un récit dans l'Histoire. En retournant dans le passé, on retrouve les grandes courses d'animaux sauvages qui traversaient non pas des campagnes mais des forêts à vive allure. C'est dans cette forte exubérance de vie qu'on a voulu faire le film. On ne s'est pas dit qu'on allait faire un film sur les choses qui ont disparu. On veut montrer ce qui a existé. La nature est discrète, planquée à côté, et si on lui laisse le champ libre, la flore repartira et si la flore repart, les animaux non plus ne seront pas loin. Le meilleur accompagnement de la nature que l'Homme puisse faire est de ne pas l'accompagner. Par exemple, quand on crée des sanctuaires marins, on attend quelques années et puis ça se remplit. C'est comme ça que le mérou est réapparu en Méditerranée.

Jacques Perrin et Jacques Cluzaud recherchent l'animal en mouvement. © Galatée Films / Aurélien Gallier

Quelles sont les séquences qui vous rendent le plus fiers ?

J.C. : Depuis le Peuple Migrateur, on recherche en permanence l'animal en mouvement. Pour moi, c'est la séquence où le lynx poursuit la biche. On a été extrêmement émus par cette prise de vue, faite difficilement parce qu'il y avait du brouillard, parce qu'on a été témoins de la pleine vitesse d'un lynx qui ressemble à un lion et de ce faon qui fuit comme une gazelle. Tout d'un coup, on a eu cette espèce d'image africaine dans un environnement européen. C'était magique.

J.P. : Personnellement, c'est la grande course-poursuite des chevaux et des loups, une scène très spectaculaire. On me dit souvent qu'on a l'impression qu'on a lâché les loups sur les chevaux. On était avec eux, en évitant les arbres en même temps qu'eux. Notre intérêt est toujours d'être dans la plus grande proximité avec l'animal. Non pas une proximité artificielle avec des objectifs mais des caméras très larges. L'animal voit les caméras. Et on s'aperçoit qu'il ne va pas n'importe où, il a un cadre de vie. Quand on a suivi pendant le tournage ces courses magnifiques d'animaux sauvages puis qu'on les a vues en projection, on s'est aperçu qu'on relatait quelque chose d'important.

Les loups filmés dans Les Saisons. © Galatée Films / Eric Travers

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la technique de l'imprégnation ?

J.C. : Une partie du film est faite avec des animaux qui sont dans la vie sauvage. Je prends comme exemple cet oiseau qui va nourrir ses petits. Ces images sont rendues possibles par nos opérateurs consacrent leur vie au cinéma animalier. Puis quand on veut que ce même oiseau aille sur la même source à différents moments du film, là on ne peut pas attendre que ça se passe par hasard. Donc on a recourt la technique de l'imprégnation qui nous permet de familiariser l'animal avec l'équipe afin qu'il ne se cache plus face aux Hommes. Ça a été le cas des loups par exemple dans Les Saisons. Petits, ils voient leur nourriture dérober par un corbeau. C'est une scène qui est plus de l'ordre du conte que du documentaire. On les reverra plus grands plus tard. Et cette proximité a été obtenue grâce à la technique de l'imprégnation qui consiste à ce qu'un animal tout petit soit en contact avec l'être humain et puisse accepter une équipe tout en faisant ce qu'il a à faire. Pour le lynx, c'était pareil. Il ne va pas faire les choses sur demande mais il va nous accepter.

J.P. : On avait deux types d'opérateurs, ceux qui travaillaient sur les imprégnés et ceux qui travaillaient avec les animaux sauvages. Pour les animaux sauvages, on sait depuis longtemps qu'il faut rester à l'affut, se faire complètement absent, pour que l'animal ne se rende pas compte qu'il y a une caméra derrière les brindilles…