Grands crus et contrefaçons : une étiquette peut en cacher une autre

Grands crus et contrefaçons : une étiquette peut en cacher une autre En l'espace de quelques années, les grands crus de vins sont devenus les pièces maîtresses des collectionneurs œnophiles. Mais à l'image des œuvres d'art, ces vins de luxe ne font pas toujours l'unanimité et font parfois l'objet de contrefaçons.

Qui dit France dit baguette, fromage et surtout... bon vin ! Car sans tomber dans le cliché de l'énergumène en marcel blanc arborant un béret basque et au nez bourgeonnant, le Français reste néanmoins fidèle à sa réputation de grand producteur et amateur de vin. Les chiffres sont d'ailleurs parlants : avec 44 millions d'hectolitres produits en 2013, la France figure en deuxième place du palmarès des pays viticoles et consommateurs, derrière l'Italie.

Mais depuis quelques temps, l'engouement pour les vins français a pris une telle tournure que l'on ne sait plus où donner de la tête et qu'une bonne bouteille s'apparente désormais à un objet de luxe, voire de collection. 

En parallèle, certains crus ne sont plus accessibles que sur commande ou vente privée, et les prix ont considérablement augmenté. Il va falloir s'y faire, le vin est devenu une œuvre d'art que l'on s'arrache parfois pour quelques milliers d'euros.

Cotes des vins et snobisme œnologique

Quand on sait que la bouteille la plus chère jamais vendue, un grand cru de Bordeaux Cheval-Blanc de 1947, a atteint la somme pharaonique de 304 375 dollars, il y a de quoi rester bouche-bée. Il semblerait désormais que le vin ne séduise non plus par son goût mais par sa cote. Autrement dit, c'est le prix qui fixe la qualité du produit.

 
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Grandes cuvées de Champagne aux enchères, cotes et prix. © iDealwine

Une étude américaine a démontré qu'en dégustant à l'aveuglette des vins haut de gamme et bas de gamme, on s'apercevait rapidement que les vins les plus chers n'étaient cependant pas forcément les plus appréciés. 

"Nous trouvons, écrivent les auteurs, qu'à moins d'être experts en la matière, ceux qui ne connaissent pas le prix [du vin] apprécient légèrement moins les vins plus onéreux". Alors ? Simple coïncidence ou snobisme œnologique ?

Contrefaçon et fierté mal placée

Une chose est sûre cependant, les vins les plus onéreux ne sont pas toujours les plus prestigieux en bouche. Or, quand on s'offre une bouteille à 300 000 dollars, on peut estimer qu'elle finira probablement derrière une vitrine plutôt que dans un verre. Et c'est là qu'il devient très facile de développer une nouvelle économie pas tout à fait légale : la contrefaçon de grand cru.

Rien de plus simple : il suffit de coller l'étiquette d'un vin d'une très bonne année sur la bouteille de ce même vin, mais d'une moins bonne année. C'est ainsi qu'un Château Lafite 1975 se transforme en grand cru Château Lafite 1982, ou plutôt en Château Lafake comme se plaît à le renommer  The Economist. Sans parler des prix qui varient du simple au centuple. Une manipulation bien embêtante pour celui qui repart avec l'équivalent d'un Roche-Mazet au prix d'un Château-Latour.

 
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Caisses de bouteilles de vin. L'abus de l'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. © Marie Monique PEAN

Mais les salles de vente ont beau être très attentives à l'authenticité des produits qu'elles proposent, il y a toujours un moyen de se tromper sur une contrefaçon que l'on n'avait pas vu venir. C'est ainsi que Bill Koch, œnophile, a confié au magazine The Economist être persuadé d'avoir déjà dépensé 4 ou 5 millions de dollars en contrefaçons, mais qu'il est soumis à une sorte de "code du silence de l'industrie". Autrement dit, les collectionneurs sont bien trop orgueilleux pour admettre avoir été bernés.

Anecdote dionysiaque

La contrefaçon ne relève apparemment pas uniquement du savoir-faire de professionnels. En mai dernier, une jeune Roumaine de 23 ans s'y est frottée avant de s'y piquer dans une grande-surface. Après avoir échangé les codes-barres de deux bouteilles de Château Pétrus avec ceux de deux mousseux "premier prix", elle a tenté de passer en caisse et de régler 5 euros un achat qui en valait 4 600. Prise sur le fait et signalée par la caissière, elle a d'abord été interpellée avant d'être relâchée, faute de moyens de traduction. A la sienne !

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