Chloé Delaume "Je ne crois pas qu'on puisse créer en huit-clos"

Pourquoi voulez-vous absolument vous inscrire dans le genre de l'autofiction ?

Je crois qu'on est à une époque assez particulière de la littérature où il n'y a plus de courants, plus de familles littéraires. Il existe certes, des démarches similaires qui ont des espaces de travail communs, mais ne vont pas forcément dans le même sens. Par exemple, je suis dans la revue Tina, nous avons un esprit critique commun mais des pratiques très différentes, et au final, nous sommes tous très isolés, ce qui nous rapproche tous, ce serait presque notre singularité. Or, je ne crois pas qu'on puisse créer en huit-clos absolu. J'ai besoin de me dire que j'ai des choses communes avec les praticiens de l'autofiction, qu'on ait un geste commun. C'est pour ça que je revendique l'étiquette "autofiction", pour avoir la sensation de ne pas être orpheline.

Quand, dans "La Règle du Je" Maryline Desbiolles diagnostique que vous ne faites pas de l'autofiction, c'est un peu la panique...

C'est l'atomisation absolue. D'autant plus que pour moi c'est l'un des plus grands écrivains contemporains, c'est comme Lydie Salvayre, ce sont des dames. J'étais très déstabilisée, d'autant que c'était bienveillant de sa part de vouloir m'arracher à ce genre. Je trouve que c'est important d'appartenir à une famille littéraire car sinon, comme on a besoin d'alliés, on finit par se retrouver dans un clan, et ça c'est la République bananière des lettres, ce n'est plus la littérature.

Et du coup, ça vous a jamais tenté de créer votre propre famille, d'être au centre de votre propre mouvement ?

Alors ça y est, le projet est dans les cartons, je vais avoir ma collection, mais c'est encore un secret, elle fera environ 6 titres par an. Et je vais travailler également sur un roman collectif sur Internet, hypertextuel, on sera une dizaine de filles, ça s'appellera "Le Club Lilith".