Christine Rollard (Aranéologue) "Les araignées sont utilisées comme bio indicateur de l'état des milieux"

Sur le terrain, Christine Rollard part à la rencontre de ses petites protégées en France et partout dans le monde.


 L'Internaute Magazine : Dans le cadre de vos recherches, est-ce que ça vous arrive de devoir aller attraper des araignées ?


Christine Rollard : Bien sûr. Au départ, j'ai fait une thèse en écologie sur les relations insectes-araignées, donc je les ai étudiées en allant chercher des spécimens dans la nature. Depuis que je suis ici, je fais plutôt de la systématique, de la classification. Pour autant, comme j'ai une formation d'écologiste, il était impensable pour moi de ne pas aller les prélever sur le terrain moi-même. Je ne voulais pas travailler que sur des bocaux avec des bestioles dans l'alcool qui étaient là depuis longtemps, c'est ce qu'on m'avait proposé au départ.

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Christine Rollard. © F-G Grandin / MNHN

J'ai bien évidemment participé à plusieurs missions sur le terrain, pour des études effectuées en France en particulier, car il y a encore plein d'endroits où on ne connait pas encore toutes les araignées, elles sont d'ailleurs utilisées aujourd'hui comme bio indicateur de l'état des milieux. J'ai aussi fait des missions à l'étranger, je vais chercher des araignées dans des pays où on ne s'est jamais rendu pour les prélever. Maintenant j'ai beaucoup de matériel plus ou moins trié qui attend d'être identifié dans des petits piluliers dans l'alcool, et là, il y a énormément d'espèces nouvelles à décrire. Et ça peut mettre au moins sept ans, ça ne se fait pas en 5 minutes. Ça veut dire que j'ai du boulot jusqu'à ma retraite ! Il y a du travail de terrain, de collecte et travail de labo qui est aussi très important.


 L'Internaute Magazine : Avez-vous déjà identifié de nouvelles espèces ? 


Christine Rollard : Pour l'instant je n'en ai pas décrites moi-même depuis que je suis allée sur le terrain mais j'en ai effectivement décrites avec d'autres personnes. Des espèces nouvelles, il y en a ! Dans tous les prélèvements que j'ai, que ce soit ceux du programme à la Réunion, aux Comores, dans les Petites Antilles ou même quand je suis partie en Mélanésie pour la grande expédition. Pour l'instant, j'en ai encore plein à décrire... Bientôt, avec un collègue, on va faire un article sur une nouvelle petite mygale qui a été découverte à Santo quand je suis partie là-bas en 2006. Vous voyez, la description ne se fait qu'en 2012, donc ça fait 6 ans. Je n'en fait pas à la pelle parce qu'il n'y a pas que de la recherche dans mon travail, et malheureusement, ça ne représente plus tout à fait 50% de mon temps mais autour de 15 à 20 % maximum, donc ça n'avance pas vite. Il y a des espèces nouvelles à décrire, c'est certain, mais ce n'est pas le but principal de ma recherche. Je veux avoir une bonne idée de la diversité du monde des araignées un peu partout.

christine rollard part attraper et observer les araignées dans leur milieu
Christine Rollard part attraper et observer les araignées dans leur milieu naturel. © F-G Grandin / MNHN


 L'Internaute Magazine : Finalement, c'est plutôt le rôle des araignées dans la nature qui vous intéresse ? 


Christine Rollard : Oui. En France, même s'il n'y a pas forcément d'espèces nouvelles, c'est intéressant de savoir comment elles sont réparties, d'avoir plus d'éléments sur leur cycle de vie, sur leur biologie, sur les milieux qu'elles affectionnent, si elles sont présentes ou non... Rien que ça, c'est la partie écologique qui est passionnante et qui nécessite la détermination des bêtes. Ensuite, dans les pays plus lointains c'est à la fois ça et la description des espèces. Les deux m'intéressent, en fait.