Hervé Chanaud (Fujifilm) Fujifilm et Sony s'expliquent sur la photo 3D

Deux visions très différentes de la photo 3D : pour le premier, la 3D est l'avenir de la photo, pour l'autre, à peine plus qu'un gadget.

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Hervé Chanaud © Fujifilm

Questions à Hervé Chanaud, responsable contrôle qualité FujiFilm France 

L'Internaute Magazine. Fujifilm utilise deux objectifs séparés de 75 mm sur son modèle phare, le W3. Pouvez-vous nous expliquer la raison de cet écart ?  

Hervé Chanaud. On va partir de la vision humaine : les deux yeux sont écartés en moyenne de 6,5 cm et donc ont deux points de vue légèrement différents. C'est ce que l'on appel l'écart de parallaxe, et qui permet de percevoir le relief. On a ainsi deux images planes, en 2D, qui sont ensuite reconstituées par le cerveau.

On a choisi d'écarter les objectifs à 75 mm au lieu de 65, pour augmenter l'effet de relief. Malgré les écarts entre les yeux qui peuvent différer selon les gens, la perception de la 3D reste à peu près la même chez les individus. Les gens qui ne voient pas la 3D, peut être 10 % de la population, ont un problème au niveau de la physiologie du cerveau. 

Comment marche l'écran 3D sans lunettes du W3 ? 

Pour le W3, on a utilisé un réseau lenticulaire, pour cela il faut au départ un écran LCD de haute résolution. La matrice LCD est divisée en fines bandes verticales avec portion d'image droite et portion d'image gauche. Cela permet de diriger la lumière vers chacun des yeux : on obtient ainsi le résultat voulu, chaque œil reçoit l'image qui lui est destinée.
Cet écran est bien entendu capable d'afficher de la 2D. En ce cas, les bandes gauches et droites sont identiques.
Autre atout de cet écran, au moment où on fait la prise de vue, on peut juger de l'image en 3D en direct. De plus, la technologie employée permet de très bien séparer les images entre les deux yeux, il n'y a pas de flou généré.
D'ailleurs, le nombre de couleurs reproduit a été augmenté : le gamut est à 80 % du NTSC, plus que le RGB c'est à dire plus que les capacités habituelles d'un écran d'APN. Enfin on peut regarder l'écran à plusieurs (2 ou 3) et un peu de côté. 

"l'extension du marché photographique passe par la 3D."

Vous espérez vraiment une adoption de la 3D rapide par le grand public, ou envisagez plutôt cela comme un atout, un peu gadget ?

La démarche de Fuji est claire : on pense que l'extension du marché photographique passe par la 3D. Ce n'est pas un gadget ou une mode. Notre but est de se placer parmi les premiers. On pense que le taux d'équipement va s'accélérer chez le grand public : les achats d'écrans plats seront majoritairement 3D dans peu de temps.  

Pour finir, vous pouvez nous dire quel écran 3D vous préférez ? 

Honnêtement, les lunettes passives et les écrans à trames polarisées (avec résolution horizontale divisée en deux) sont les plus confortables. Avec les systèmes à lunettes actives, on a souvent un scintillement désagréable, qu'on appelle flickering. Il faut une vraiment une lumière atténuée pour l'éviter.

Nos questions à Sony

mathieu lanier
Mathieu Lanier © Sony

Voici nos questions à Mathieu Lanier chef de groupe Digital Imaging chez Sony. 

L'Internaute Magazine. Comment marche la photo en 3D chez Sony et pourquoi ce choix ?
Mathieu Lanier. Le procédé de la photo en 3D n'est pas nouveau. C'est quelque chose qui existe depuis l'argentique : il fallait prendre deux photos avec deux points de vue différents qu'il fallait ensuite combiner pour avoir l'effet 3D. Aujourd'hui avec le numérique, on a trois méthodes. On peut soit utiliser deux appareils, soit mettre deux capteurs sur un même APN, soit la méthode Sony.

Nous avons préféré proposer de bons APN 2D, et compacts. Selon toutes nos études, le design et la compacité sont très importants pour les consommateurs. Ce qui signifie qu'il vaut mieux d'après nous ne proposer qu'un seul objectif, car en placer deux rend l'appareil démesuré. Pour permettre la 3D, on balaye d'un mouvement le panorama : l'APN est alors capable de reconnaître quand prendre une photo correspondant à l'œil droit et une autre pour l'œil gauche. Le même objet pris avec un point de vue différent, est ensuite recombiné automatiquement par l'appareil.  

Cette technique 3D marche-t-elle pour rendre en relief les petits objets ? 

C'est effectivement beaucoup plus adapté à un paysage, mais ça marche de manière générale très bien avec un sujet statique. Comme il faut prendre successivement 2 photos, cela fonctionnera mal avec un objet en mouvement (effets de ghost). 

Cela ne peut pas permettre la vidéo ?
Pour l'instant non, ce n'est pas prévu. Mais je ne sais pas ce que seront capables de nous préparer nos ingénieurs ! 

"C'est effectivement beaucoup plus adapté à un paysage"


Techniquement, comment vous envisagez l'avenir de la photo 3D chez Sony ?
Je le répète, mais le principal besoin d'un utilisateur, c'est un très bon APN 2D. Le souci de qualité qui se manifeste d'abord sur de la 2D. La 3D est trop limitée en termes de partage d'images. Aujourd'hui la plupart des APN Sony sont équipés de notre technologie 3D, on considère cela comme un atout, mais ce n'est pas la fonction que nous mettons en avant en premier. Ce ne sera pas la caractéristique principale de vente des APN en 2010 ou 2011. D'ailleurs, nous employons la même stratégie pour nos téléviseurs Bravia. On propose le meilleur de la 2D avant tout, avec une possibilité 3D.

Vous envisagez d'autres supports qu'un téléviseur pour regarder ces photos 3D ?
On suit ce que fait la concurrence et l'impression 3D, mais nous trouvons cela trop cher. Et pour les cadres photos 3D, le marché périclite complètement, en tout cas en France ; donc un téléviseur 3D nous semble la meilleure solution.