Médicaments dans l’eau, d’autres Seine-Maritime sont possibles !

Dans la torpeur estivale, 20 000 habitants de Bolbec et Gruchet-le-Valasse en Seine-Maritime ont appris qu’ils consommaient probablement depuis des années une eau trop chargée en résidus de médicaments. Une information pas si étonnante…

Le polluant retrouvé dans l’eau de Seine et Marne – la N-Nitrosomorpholine – est classé comme « cancérigène probable », ce qui signifie que sa dangerosité a été constatée sur des animaux par le Centre International de recherche contre le Cancer.
On sait aussi, que ce produit –comme de nombreux polluants – ne fait pas partie des substances habituellement contrôlées : il a été repéré dans le cadre d’un plan de mesures sur les polluants émergents réalisés par l’Anses. En réalité, si on systématisait les contrôles à proximité des usines pharmaceutiques, on peut penser que d’autres cas similaires seraient découverts.
L’exemple de New York est éloquent. Une étude réalisée à proximité de 24 sites pharmaceutiques entre  2004 et 2009 y montrait que la teneur des résidus de médicaments dans l’eau était multipliée par 100 à 1 000 !
Dans certaines zones de l’Etat de New York, les consommateurs étaient exposés à des doses comparables à celles administrées aux patients avec des teneurs de 1,7 mg/l d’antalgique (oxycoldine) et de 3,8 mg/l de métaxalone, un médicament anti-rhumatisme.
En Inde, une étude suédoise révélait des niveaux de concentration de résidus médicamenteux ubuesques : jusqu’à 45 kilos de Ciprofloxacine étaient rejettés dans les fleuves de la région Patancheru. A tel point qu’un quart de la population locale avait développé une pathologie liée à la contamination des eaux.

Les standards de l’industrie en Inde ne sont bien sûr pas comparables avec ceux des usines occidentales. Si les doses de médicaments relevées dans l’eau en France sont sans commune mesure avec le cas indien, certains signaux doivent nous inciter à la vigilance :   25% des eaux du robinet contiennent des résidus de médicaments en France et sont pourtant déclarées "potables".

En effet, ni la législation européenne ni celle de la France n’ont définit de limites seuil sur ces contaminants.  En conséquence, la présence de résidus de médicaments n’est pas réellement contrôlée par les autorités. On sait que si de tels paramètres étaient mis en place dans les procédures de contrôles, une grande partie de l'eau du robinet serait déclarée impropre à la consommation.
Par ailleurs, l’impact de certaines sources de rejets médicamenteux devrait être spécifiquement et systématiquement évalué sur certains sites.  Pour exemple, le Chu d’une ville moyenne comme Rouen rejette 50 kg de codéine, 77 kg de tramadol et 5 kg d’acide valproïque dans la Seine chaque année.

Quels effets sur la santé ?

Dans le cas de la Seine et Marne, les autorités estiment que les risques sont très minimes avec un risque de cancer estimé à 1/ 100 000  pour une personne qui consommerait depuis 20 ans de l’eau du robinet.
Pour autant, les effets cocktails de ces médicaments contenus dans notre eau sont soupçonnés de produire des effets sanitaires à long-terme :
* une étude américaine vient d’établir un lien fort entre l’exposition des femmes enceintes aux résidus de médicaments dans l’eau et le risque d’autisme chez les enfants.
* de nombreux effets sur l’appareil reproducteur et le système immunitaire des poissons ont été observés. Ces observations inquiètent de nombreux scientifiques mais aucune étude n’a encore pu évaluer l’impact sanitaire sur les humains.
* plusieurs médecins comme le Docteur Alain Ragon, responsable du pôle uro-néphrologie de l’hôpital de la Conception à Marseille,  estiment  dans une interview au Monde (version payante mais reprise ici) «  tout à fait possible que des cocktails de différents médicaments puissent se retrouver dans l’eau du robinet et poser des problèmes d’intoxication chronique. C’est un problème sérieux dont les effets sont très difficiles à démontrer».
Enfin on sait que la prolifération de molécules médicamenteuses contribue à renforcer notre résistance aux traitements antibiotiques.

En bref, une exposition prolongée aux polluants émergents (médicamenteux ou chimiques)  produit des effets bien réels qu’on ne sait pas évaluer…Une stricte application du principe de précaution devrait nous inciter à contrôler les zones les plus sensibles (sites pharmaceutiques, hôpitaux, etc.) pour renforcer les équipements des stations de filtration en conséquence.

En Suisse – autre grand pays producteur et consommateur de médicaments – un plan efficace qui s’appuie sur un traitement spécifique des rejets hospitaliers grâce à des nouvelles technologies de filtration (ozonation) a été mis en place depuis 2008.

Preuve qu’il est possible de guérir l’eau de ses médicaments…