Excursion  à Torcello, la Venise d'avant Venise.

Située en pleine lagune Nord, c'est l'île de la lagune de Venise la plus mystérieuse, la plus champêtre et également la moins peuplée : il n'y reste plus que six résidents permanents  alors qu'au temps de sa splendeur en l'an Mille elle comptait plus de 20.000 habitants. Je vous propose un itinéraire ad hoc pour découvrir cette île d'un charme incomparable, de cette Venise d'avant Venise, pour voir le meilleur sans se presser, vous laissant le temps d'apprécier la beauté et la bonté des lieux.


Torcello doit son attrait à ses rares monuments restés intactes, échappés à la lente mais inexorable dissolution de l'antique cité aujourd'hui immergée dans la tranquillité d'un contexte rural incontaminé. La principale activité de l' île est le tourisme, offrant des structures réceptives de haute qualité jointe aux produits de l'agriculture locale, dont les artichauts violets « castraure » caractéristiques de la gastronomie lagunaire.


Comment y aller :


De Venise, de San Zaccaria (Jolanda D) prenez la ligne de bateau n° 41 pour aller jusqu'à Fondamente Nove, où vous prendrez la ligne n° 12 - à chaque 10 et 40 de chaque heure : par exemple 8h10 puis 8h40 etc. qui arrive à Burano à 52 pour le vaporetto qui part à 10 et qui arrive à 22 à Burano pour le bateau qui part à 40 de chaque heure - qui vous portera à l'île de Burano, où il faudra changer de bateau, pour prendre la ligne n° 9, qui vous portera à Torcello en cinq minutes seulement.


Attention: l'embarcadère du vaporetto pour Torcello à Burano est à quelques mètres de distance sur le même quai de votre arrivée sur votre droite. Il y a un bateau pour Torcello toutes les trentes minutes, à chaque 5 et 35 de chaque heure : par ex. 9h05, puis 9h35 etc.


Pour consulter les horaires des bateaux, qui peuvent varier selon les saisons, allez sur le site de l' actv.


Je vous conseille d'acheter le pass navigation ACTV (l'équivalent de la RATP à Paris) pour une journée (12 heures = 18 euro), qui vous permet de prendre n'importe quelle ligne de navigation autant de fois que vous le désirez pendant la journée.


1- La légende du Pont du Diable de Torcello :


Arrivé à l'embarcadère de Torcello, suivez le quai qui vous portera au centre de l' île. Chemin faisant, vous trouverez sur votre droite le Pont du Diable, qui doit son nom à cette légende :


Pendant l'occupation autrichienne au XIX ème siècle, une jeune fille vénitienne tomba follement amoureuse d'un jeune officier autrichien. La famille s'opposait à cet amour de même que l'ensemble de la communauté, au point qu'un jour on trouva son amoureux mystérieusement assassiné. La jeune fille fut tellement désespérée qu'elle commença à dépérir. Ses parents l'amenèrent alors chez une sorcière qui lui proposa de faire un pacte avec le Diable, en mesure de rendre la vie au jeune officier en échange de l'âme de sept enfants morts prématurément. Le contrat fut signé et les deux femmes décidèrent de se donner rendez-vous dans un endroit isolé: le pont de Torcello, quelques jours avant la veille de Noël. La jeune fille et la sorcière se présentèrent au rendez-vous, virent de l'autre coté du pont le diable et le jeune officier, ressuscité. La jeune fille traversa le pont en courant pour rejoindre son aimé et fuirent ensemble. La sorcière dut alors procéder au payement du contrat: elle demanda au démon un délais de sept jours pour trouver les âmes de sept mort-nés, mais elle mourut peu après, de mort naturelle, sans avoir le temps de tenir sa promesse. Depuis ce jour, chaque veille de Noël, le Démon apparaît sous la forme d'un chat noir sur le pont à attendre les âmes promises et jamais données.


Le pont du Diable vue de nuit (www.flickriver.com)


Il est possible que vous trouviez un chat noir sur ce pont, mais c'est la Nerina, le chat de la vieille dame qui habite à proximité....Je vous rassure: de jour, ce pont est tout à fait charmant !


Le pont du Diable, qui a été récemment restauré par la Mairie de Venise, est l'un des derniers exemplaires de pont ancien sans parapet. Autrefois, tous les ponts étaient sans parapet. Progressivement, ils en ont été dotés pour éviter tout risque de chute dans l'eau des canaux.


2- Le  trône d'Attila et le Musée de Torcello :


En continuant à suivre le quai, vous arriverez à la grand place de Torcello, place principale d'une cité qui n'existe plus: les quelques édifices restants témoignent de la richesse et du haut degré de civilisation atteint par le premier grand centre urbain lagunaire, avant son déplacement progressif dans les îles rialtines, l'actuelle Venise, entre le VIII ème et le IX ème siècle. On peut encore y admirer les restes du baptistère, la cathédrale, l'église de Santa Fosca, les palais des Archives et du Conseil (aujourd'hui le Musée de Torcello) et le légendaire « trône d'Attila ». Dans la réalité, Attila n'est jamais arrivé jusqu'içi et ne s'y est donc jamais assis. Il s'agissait en fait du trône du tribun romain qui y rendait justice sous son olivier, comme Saint-Louis rendait justice sous son chêne centenaire, l'île étant habitée par des populations romaines attestées par les fouilles archéologiques, dès le V siècle.



Si découvrir le passé pré-vénitien vous intéresse, visitez le musée de Torcello, divisé en deux sections: la section médiévale et moderne et la section archéologique. Dans la première sont conservés les résultats des fouilles archéologiques d'époque paléochrétienne, du Haut Moyen-Age et du Moyen-Age, provenant de Torcello et des îles environnantes. La deuxième section conserve le résultat des fouilles archéologiques provenant de la Vénétie et du territoire lagunaire, couvrant un arc chronologique qui va du paléolithique à l'époque romaine.


Musée de TORCELLO :

Heure d' ouverture l' été : 10.30 – 17.30 L 'hiver : 10.00 – 17.00 fermé le Lundi.

Prix du billet : 3 euro Tarif réduit : 1,50 euro

Formule Musée + Basilique : 8 euro, tarif réduit 6 euro.

Gratuit pour les enfants de moins de 6 ans- Tarif réduit pour les enfants de moins de 12 ans.


3- Visite de la Basilique de Santa Maria Assunta:


La légende raconte que Torcello aurait été fondée en 452 par les populations romanisées d'Altino fuyant les invasions des Huns. En réalité, la formation urbaine fut le résultat d'un long procédé d'osmose entre les noyaux romains de la Terre-Ferme et les petites communautés lagunaires, qui y habitaient déjà bien avant les invasions barbares. Remonte à 639 le premier document attestant l'existence de la cité: il s'agit de l'épigraphie de la fondation de la cathédrale, où se transféra le diocèse d'Altino. Pour l' érection de la nouvelle colonie furent transportés tous les matériaux de construction et de décoration provenant d'Altino qui fut progressivement abandonné au profit de Torcello. Torcello eut les dimensions d'une véritable cité avec près de 20.000 habitants, le siège de l'évêque et un tribun. Elle était le centre d'un vaste système urbain insulaire, comprenant les îles proches de Mazzorbo et Burano ainsi que d'autres îles aujourd'hui englouties par les flots de la lagune, qui les a absorbées au fil du temps, abandonnées sans manutention à l'érosion naturelle de la lagune. Il s'agit des îles de Costanziaco, d' Ammiana et d' Ammianella, que l'on peut encore voir en excursion en plongée sous-marine, mini-Atlandide dévorées par les flots.


La cathédrale de Santa Maria Assunta fut donc fondée en 639 sur ordre de l'exarque de Ravenne Isacio et successivement agrandie en 824. Elle doit sa structure actuelle à la partielle reconstruction en 1008 par l'évêque de Torcello Orso Orseolo, fils du Doge Pietro II. Le campanile, érigé au XI ème siècle – malheureusement en cours de restauration - a une vue sur la lagune nord de Venise absolument enchanteresse, à vous couper le souffle.


C'est sur la contre-façade de la cathédrale qu'a été réalisé un véritable chef-d'oeuvre de mosaïques vénéto-byzantines datant du XII-XIII ème siècle, représentant le «Jugement Dernier ». La mosaïque se lit du haut vers le bas, de gauche vers la droite et répondait à un besoin réel de catéchisme: au Moyen-Age, seul les clercs et quelques nobles cultivés savaient lire et écrire, aussi les mosaïques étaient un moyen efficace d'éducation religieuse: véritable « bandes dessinées » édifiantes de l'époque comme l'étaient nos vitraux en France, elles divulguaient les saintes écritures au peuple.


Lisons-le ensemble: tout en haut sous le toit, le Christ, crucifié, entre sa mère Marie et son cousin Saint-Jean Baptiste, de six mois seulement son aîné. A la « ligne » suivante, c'est la descente du Christ aux limbes, brandissant la croix dans sa main droite, et tenant de sa main gauche Adam et Eve, géniteurs de l'humanité, pendant que la Christ foule aux pieds le Démon, vaincu. La ligne du dessous nous montre le Christ en gloire entre la Madone et S. Jean Baptiste, les deux intercesseurs par excellence pour demander le pardon de ses péchés, entourés des douze apôtres et de tous les saints et les anges du Royaume des cieux. En dessous, les préparatifs du Jugement Dernier: au milieu le trône divin encore vide, orné dans l'attente du jugement final, placé entre deux scènes de la résurrection des corps : à gauche les élus ressuscitent après avoir été dévorés par des bêtes féroces, à droite, les monstres marins recrachent les corps des marins naufragés. En dessous, à gauche les élus, à droite les damnés en Enfer, avec sur son trône formé d'un couple de dragons ou de Léviathans, Lucifer, l'ange déchu à cause de son orgueil, tient sur ses genoux son fils, l'Antéchrist, habillé comme un Basileus grec, car il s'agit bien du Prince des ténèbres. A la ligne en-dessous, on voit à gauche Abraham, pro-géniteur de l'Humanité entière, à coté de la Vierge. Sur sa droite, la porte du Paradis, gardé par un chérubin rouge de la colère de Dieu, ses quatre ailes aux mille yeux veillant à ce qu'aucun intrus n'y pénètre sans l'accord de Saint-Pierre, possesseur des clés du Paradis, à gauche de la porte du royaume des Cieux. Au milieu, au dessus de la porte d'entrée de la cathédrale, la vierge Marie, Mère de Dieu comme écrit en abrégé en grec à hauteur de sa tête, ouvrant les bras dans un geste d'accueil. A droite, les damnés de l'enfer, en train de purger leurs peines: les coupables de luxure, les gourmands, les coléreux, les envieux, les avares et les méchants. Rarement, on a atteint une telle expression dramatique : le résultat est envoûtant.


Webhttp://www.veneziaubc.org

Heures d'ouverture: de Mars à Octobre 10.30-18.00, de Novembre à Février 10.00-17.00 ouvert tous les jours.

Prix d'entrée: plein tarif: 5,00 euro
Tarif réduit: 4,00 euro
Gratuit pour les enfants de moins de 6 ans.


4- L' église de Santa Fosca :


Après avoir admiré les autres chef-d'oeuvres d'art vénéto-byzantin conservés dans la cathédrale, retournez sur la grand place pour aller visiter l'église de Santa Fosca, qui mérite aussi une visite.


Il s'agit d'une magnifique église datant de 1100, qui nous rappelle les églises byzantines d'autrefois comme on peut en voir encore aujourd'hui en Grèce, avec toute la grâce et la simplicité des édifices religieux des temps primordiaux. Autour d'elle, un élégant portique à colonnes. Santa Fosca est dédiée à la Sainte de Ravenne dont les Vénitiens rapportèrent la dépouille de Libye vers 1011 selon la tradition. Elle est désormais la seule église ouverte quotidiennement au culte, la cathédrale étant désormais une église-musée qui ne célèbre plus la messe que le 15 Août, date de l'Ascension de la Vierge, en l'honneur de qui elle fut érigée.


5- L'Osteria Al Ponte del Diavolo


Après avoir admiré tant de beauté, il vous vient une petite faim: c'est l'heure d'aller faire une pause gourmande à l'Osteria al Ponte del Diavolo! Retournez sur vos pas jusqu'au pont ainsi nommé et entrez dans ce havre de paix et de fraîcheur. Je ne peux que vous le conseiller: le service est impeccable, une cuisine de gourmet, un lieu enchanteur, dotée d'un jardin féerique habité non par des gnomes barbus mais des hirondelles qui y ont fait leurs nids, signe de la pureté du site. C'est un lieu de bonheur où vont se marier les Vénitiens à la belle saison, profitant de la beauté du jardin.


Les patrons du restaurant sont de vrais Torcellans, nés de parents Torcellans et vous proposent des recettes traditionnelles réalisées avec les légumes cultivés dans l'île ainsi que des poissons du terroir. Le pain, les grissini, les pâtes et les desserts sont fait maison et sont tout à fait succulents. Le menu varie tous les deux mois incorporant les primeurs de saison.


Je vous conseille les spécialités locales suivantes: comme entrée les «Straccetti» pâtes fraîches faites maison avec sa sauce au homard frais, tomates cerises et lamelles de courgettes, véritablement délicieux.


En plat principal, l'une de leur spécialité reste la grande friture de la maison réalisée avec des petits poissons frais du terroir, servis avec des légumes coupés en fines lamelles et frit, plat spectaculaire et pur régal.


Salade de petites crevettes roses de la lagune servies sur un lit de «Castraure», les artichauts violets de l' île de Torcello.


Pour finir, l'un de leurs desserts fait maison - tous exquis - par exemple, le mille-feuilles à la crème chantilly, servi avec des framboises fraîches et des pépites de chocolat blanc, d'une grande beauté et un bonheur pour nos papilles.


Le café est servi avec les biscuits typiques de la lagune: «esse» et «buranelli», petits biscuits secs au beurre qui existent depuis toujours dans la tradition vénitienne, immortalisés dans les tableaux de Pietro Longhi peignant les scènes de la vie quotidienne à Venise au XVIII ème siècle.


On a tendance à rester longtemps dans ce lieu magique tant l'on y est bien !


Osteria al Ponte del Diavolo :

Fondamenta dei Borgognoni, 10/11, Torcello Venezia

Téléphone:041 730401

http://www.osteriaalpontedeldiavolo.com/

courriel: info@osteriaalpontedeldiavolo.com