Angela Atzori Jordanie : comment préserver et protéger les sites classés à l'Unesco

En 2016, la Jordanie possède cinq sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Angela Atzori, responsable de projet dans le secteur de la culture à l’Unesco, parle des actions menées pour préserver le patrimoine de ce pays aux merveilles.

Linternaute.com : Pouvez-vous nous expliquer votre rôle au sein du bureau de l’Unesco à Amman, en Jordanie ?

Angela Atzori : Je suis responsable de projet dans le secteur de la culture. Je m’occupe de projets ayant trait à la conservation et à la préservation du patrimoine culturel en Jordanie, qu’il soit matériel ou immatériel, mais aussi de la culture au service du développement, c’est-à-dire de la culture comme une source de développement socio-économique pour le pays.

Quelles sont les différentes menaces qui pèsent sur les quatre sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco en Jordanie?

Angela Atzori s'occupe de l'élaboration et de la mise en oeuvre de projets au bureau de l'UNESCO à Amman, en Jordanie. © Olivia Merlen

Il est vraiment difficile de généraliser, car chaque site possède sa propre histoire. La Jordanie a quatre sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO : Qusayr Amra, qui est l’un des châteaux du désert, Um er-Rasas, Petra et le Wadi Rum [5 sites depuis juin 2015, ndlr]. Comme vous devez le savoir, les trois premiers sont des sites culturels, et le dernier, le Wadi Rum, est mixte, c’est-à-dire un bien à la fois culturel et naturel. Les menaces qui pèsent sur les sites sont généralement liées à des défis en termes de gestion, mais aussi aux actions des parties prenantes à l’intérieur et autour du site, ainsi qu’à l’impact du tourisme. Cela varie énormément d’un bien à un autre. Par exemple, nous avons des sites comme Petra où l’impact du tourisme est très fort et les enjeux en terme de gestion sont importants. Puis, il existe d’autres sites [comme Um er-Rasas, ndlr], moins touchés par les dangers du tourisme, mais plus par des modalités et des politiques de gestion du site. C’est un peu un mélange de tout cela. Et, bien sûr, nous avons aussi les défis de conservation "standard", qui sont habituels pour tous les sites culturels. Bien souvent, les techniques doivent aussi être adaptées pour s’assurer que les sites soient conservés en accord avec les standards internationaux.

Quelles sont les principales actions mises en place pour la conservation des sites, par exemple à Pétra ?

Angela Atzori : Je suis moins familière avec les actions mises en place à Pétra, puisque ce n’est pas le site sur lequel je travaille. Je m’occupe notamment d’Um er-Rasas et de Qusayr Amra. En ce moment, nous travaillons en relation avec le gouvernement afin d’assurer que les valeurs universelles du site soient conservées, et cela en mettant en place un système de gestion et un plan de gestion adaptés, en vue de les mettre en œuvre. C’est une collaboration vraiment très étroite avec les autorités locales. Il faut savoir que depuis 2005, un plan de gestion est obligatoire pour les sites qui déposent un dossier de candidature à l’UNESCO. Mais de nombreux biens, inscrits avant cette date, comme Qusayr Amra [depuis 1985 à l’UNESCO, ndlr], n’ont pas de plan de gestion en place. Cela représente d’ailleurs une menace, car il n’y a pas d’approche exhaustive et globale sur la manière d’intervenir sur le site et pour s’assurer que, quoi qu’il arrive, quoi que l’on fasse, les valeurs universelles exceptionnelles du site restent intactes.

A Um-er-Rasas, des mosaïques sont encore cachées sous des draps et du sable. C’est le Département de l’Antiquité, selon son plan de gestion et de conservation pour le site, qui décidera ou non de les dévoiler au public. © Olivia Merlen

Pour revenir à Qusayr Amra, nous avons donc terminé le plan de gestion il y a quelques années. Il a été lancé officiellement en 2013-2014. Maintenant, nous essayons de voir comment le mettre en action. Les autorités jordaniennes travaillent déjà beaucoup à cela et essayent d’avancer selon ces lignes. En ce qui concerne Um er-Rasas, nous essayons de mettre en place le même système et d’avoir une planification globale basée sur une compréhension exhaustive des valeurs universelles exceptionnelles du site ainsi que des défis liés aux communautés locales. Nous travaillons donc vers la mise en œuvre d’un plan de gestion similaire, avec la collaboration, encore une fois, des autorités jordaniennes, sans qui nous ne pouvons pas faire grand chose.

En savoir plus : Le plan de gestion de Qusayr Amra a été lancé le 25 juin 2014 par le Département des Antiquités de Jordanie. Le document établit la stratégie à adopter pour la préservation, la présentation et la gestion de ce château du désert, inscrit en 1985 à l'UNESCO. Il est disponible  sur le site internet du bureau de l’UNESCO à Amman. Les autorités jordaniennes et l'UNESCO travaillent actuellement à l'élaboration d'un plan de gestion similaire pour Um er-Rasas, un site archéologique aux vestiges de l'époque romaine, byzantine et du début de l'islam.

Vous nous avez parlé des autorités locales. Quels sont les différents acteurs qui jouent un rôle dans la conservation du patrimoine en Jordanie ?

La préservation des antiquités relève du Département des Antiquités de Jordanie, qui est un organisme du Ministère du Tourisme et des Antiquités. Ils sont chargés de la conservation et de la présentation de la partie patrimoine des sites. En ce qui concerne le développement touristique des sites, cela fait partie du Secrétariat du Ministère. Enfin, l’Office de Tourisme de Jordanie s’occupe de la promotion des sites.

Selon vous, est-ce que le tourisme peut cohabiter avec la conservation du patrimoine en Jordanie ?

Oui, à condition que le développement touristique se déroule en respectant et en prenant en compte, avec une compréhension parfaite, les valeurs des sites. Seule une approche holistique, intégrée et participative de la gestion du patrimoine culturel permet cela.

Plusieurs sites sont proposés chaque année à l'UNESCO. Pensez-vous que d’autres lieux exceptionnels de Jordanie mériteraient d’être sur la liste du patrimoine ?

Oui, plein ! Enfin, je ne peux pas dire quels sites doivent figurer sur la liste de l’UNESCO, car cela relève des autorités locales. Mais la Jordanie est énormément riche en patrimoine et il existe ici de nombreux sites magnifiques, comme Um el-Jimal, Jerash ou Pella, ou même des sites naturels, comme Mujib. Beaucoup de travail reste à faire pour qu’ils rejoignent éventuellement la liste du patrimoine de l’UNESCO. Ce sont vraiment des sites incroyables. Mais, encore une fois, il y a beaucoup de travail à accomplir en termes de conservation. La préservation des sites doit être améliorée, la gestion aussi, elle doit être plus holistique et conforme aux standards internationaux.

En savoir plus : En juin 2015, lors de la 39ème session du Comité du patrimoine mondial, un nouveau site de Jordanie a été inscrit à l'UNESCO. Le site du baptême "Béthanie au-delà du Jourdain" (Al-Maghtas) est considéré comme le lieu probable du baptême de Jésus de Nazareth par Jean-Baptiste.

Des informations sur la préservation du patrimoine en Jordanie et les projets en cours sont disponibles sur le site internet du bureau de l'UNESCO à Amman.