Accueil

Retour à l'accueil l'Internaute

Retour à l'accueil Actualité

RECHERCHER

L'Internaute > Actualite > 
Chat > Joël-Yves Le Bigot
 CHAT 
Mars 2006

Joël-Yves Le Bigot : "Le CDD actuel offre une plus grande sécurité juridique que le CPE"

A l'occasion du débat sur le "Contrat Première Embauche", Joël-Yves Le Bigot, co-auteur de "J'embauche un jeune-Propositions pour sortir de la crise" et Arsène Losson, médiateur d'équipes multiculturelles, ont répondu en direct à vos questions sur l'emploi des jeunes, le 14 mars.
Envoyer à un ami | Imprimer cet article

 

"Pour trouver un emploi les jeunes doivent prendre patience, mais cela ne veut pas dire ne pas exprimer ses attentes (...) et faire des propositions."

Selon vous quel est le principal obstacle à l'embauche des jeunes aujourd'hui : les préjugés ou le manque de formation ?
Joël-Yves Le Bigot Incontestablement les préjugés sont nombreux et plutôt négatifs, mais la formation non adaptée est également un frein.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui cherche du travail aujourd'hui : être soumis, prendre patience ?
Arsène Losson Prendre patience certainement, mais cela ne veut pas dire ne pas exprimer ses attentes (d'où désaccords) et faire des propositions.

La situation actuelle de la jeunesse est-elle plus difficile que pour les anciennes générations au même âge ?

JY. LB. Elle n'est pas obligatoirement plus difficile par rapport aux mêmes objectifs. Par contre, le troisième millénaire offre des challenges exaltants pour lesquels les recettes du passé ne sont pas adaptées.
A.L. L'incertitude est certainement plus grande.

L
es jeunes sont-ils moins bien formés qu'avant ?
JY. LB. Certainement, globalement car malheureusement le plus de formation [l'allongement des études] est essentiellement théorique et pas assez pratique. Il faudrait aussi améliorer à mon avis, la formation au comportement.

"Les DRH reproduisent la vision des médias sur la "jeunesse problème" plutôt que sur la "jeunesse ressource."

Les professeurs et l'Education nationale ont-ils compris que leur formation trop théorique n'est plus adaptée ?
JY. LB. Les plus jeunes d'entre eux l'ont compris, malheureusement ils sont minoritaires.
A.L. Oui, et si les plus jeunes ont bien compris ce manque, l'Education Nationale reste branchée sur un système pédagogique très théorique.

Que pensez-vous de la formation des jeunes de 14 ans au travail ?
JY. LB. Dans un contexte de formation initiale, c'est scandaleux. Par contre, dans une perspective de formation tout au long de la vie, c'est tout à fait envisageable.

Pourquoi les jeunes ont-ils mauvaise réputation auprès des DRH ?
JY. LB Parce que ceux-ci ne les connaissent pas bien et se contentent souvent de reproduire la vision des médias sur la "jeunesse problème" plutôt que sur la "jeunesse ressource."
A.L. Ils s'intéressent sans doute plus aux diplômes qu'au savoir-faire. Il est probable que les DRH se sentent dépendants des demandeurs internes qui pensent que l'expérience et les diplômes sont les plus importants.

On dit que les jeunes sont mercenaires sur le marché du travail : mais ils ne seraient pas devenus aussi cyniques si les employeurs les respectaient un peu plus, non ?
JY. LB. Les DRH les considèrent effectivement souvent comme des mercenaires alors que les jeunes placent toujours le salaire après l'intérêt du travail et les conditions de travail.
A.L. Le contrat de travail doit en effet être un véritable partenariat, un échange pour que les jeunes aient envie de s'investir et d'être fidèles.

"Il ne peut y avoir d'intégration physique, affective et sociale que s'il y a une réelle insertion professionnelle."

Le chômage des jeunes est-il une spécificité française ?
JY. LB. Non, ce n'est pas une spécificité française. Dans beaucoup de pays, le taux de chômage des 18-24 ans est supérieur au chômage des 18- 65 ans. Mais c'est en France que l'écart est de loin le plus important : actuellement le taux de chômage est de 23,6 % pour les plus jeunes et de 9,6 % pour l'ensemble de la population. Selon mon expérience, l'Espagne accorde plus d'importance au dynamisme des jeunes et l'Allemagne favorise l'intégration des jeunes par l'apprentissage, en les faisant "grandir" dans l'entreprise.

Le CPE ne créera pas de nouveaux emplois mais risque plutôt de se substituer au CDI tout en précarisant les jeunes : qu'en pensez-vous ?
JY. LB. La préoccupation de mettre les jeunes en situation d'emploi dès leur sortie du système éducatif est louable car il ne peut y avoir d'intégration physique, affective et sociale que s'il y a une réelle insertion professionnelle.
A.L. Embauche oui, mille fois, mais pas sous n'importe quelle forme. Le contrat à mettre en place devrait être un engagement réciproque : quels apports et quels résultats pour les deux acteurs ?

Le recours systématique des entreprises à des stagiaires afin d'éviter l'embauche et un salaire devrait-il être sanctionné d'après vous ?
JY. LB. Si le stage est trop long et en fin de formation initiale, il devrait être sanctionné. Mais ça ne doit pas obligatoirement être sanctionné quand le stage permet de découvrir les règles et le fonctionnement de l'entreprise ou de définir son projet personnel et professionnel.

"Les jeunes ont le sentiment d'être négligés par la seule génération qui est au travail, c'est-à-dire les 25-55 ans"

Pourquoi les politiques menées jusqu'à présent ont-elles été inefficaces ?
JY. LB. Parce qu'elles ont été définies dans l'urgence et sans concertation. Il faudra une loi de programmation sur plusieurs années, avec mesure des moyens mis en œuvre et mesure des résultats obtenus régulièrement.
A.L. Il faut mettre autour de la table les différents acteurs (parents, jeunes, enseignants, éducateurs culturels et sportifs, médias, employeurs publics et privés et collectivités territoriales) et enfin tenir compte des avis émis.

Comment expliquez vous le mouvement de protestation des jeunes : ils ont le sentiments d'être sacrifiés ?
JY. LB. Moins que sacrifiés, je dirais négligés par la seule génération qui est au travail, c'est à dire les 25-55 ans. Ils n'acceptent pas qu'une collaboration puisse être interrompue sans bilan et sans justification.

Un véritable conflit de génération est-il en train de s'installer dans le monde du travail ?
JY. LB. C'est effectivement un grand risque car les seniors sont autant victimes de sous-activité que les plus jeunes, alors ils pourraient avoir le sentiment que les uns "volent" le travail des autres.

"La première urgence, c'est de mettre les jeunes en mouvement vers un métier : susciter des vocations d'adultes professionnels."

On parle de CV anonyme contre les discriminations raciales ou sociales mais comment lutter contre cette nouvelle discrimination de l'âge ?
JY. LB. Il ne suffit pas de prétendre lutter contre les discriminations comme s'il s'agissait de se partager un "gâteau" qui serait limité. Il faut concevoir des projets qui nécessitent des compétences diversifiées : classes sociales variées, cultures diverses, ou âges différents.
A.L. Pour limiter cette discrimination concernant aussi bien les jeunes que les seniors, il faudrait développer plus de coopération entre eux (intégration des jeunes par les "anciens" groupes de travail communs) pour bien montrer les bénéfices mutuels.

Vous proposez un nouveau management générationnel : vous pouvez nous expliquer ?
JY. LB. "Management" renvoie à l'idée d'anticiper "l'avenir" et de le modéliser pour ne pas simplement gérer le présent. "Générationnel" fait allusion à la synergie des générations sur les objectifs de l'entreprise ou de l'administration et de ses pratiques.

"Le CDD actuel offre une plus grande sécurité juridique que le CPE."

Qu'est-ce que vous proposez concrètement pour favoriser l'emploi des jeunes ?
JY. LB. La première urgence, c'est de les mettre en mouvement vers un métier : "susciter des vocations d'adultes professionnels." La 2ème urgence, c'est de les conserver un minimum de temps - ce qui ne signifie pas la vie durant - en trajectoire professionnelle.
A.L. Il faut faire davantage témoigner les entreprises qui recrutent et qui gardent des jeunes.

Un jeune au chômage doit-il préférer un CDD ou un CPE ?
JY. LB. Un CDD n'est pas obligatoirement une mauvaise chose s'il permet de définir son projet (en France ou à l'étranger, dans une PME ou une grosse entreprise, dans le public ou le privé). C'est également le cas pour l'intérim, tant que l'on ne maîtrise pas son projet. Mais le pire c'est le chômage, alors pourquoi pas un CPE aménagé.
A.L. Ceci étant, le CDD actuel offre une plus grande sécurité juridique.

Oui mais un jeune qui n'a pas droit aux indemnités chômage n'est pas prioritaire à l'ANPE. Ne faut-il pas créer une ANPE Jeunes ?
JY. LB. Pourquoi pas. Cela vaudrait certainement la peine d'être expérimenté, à condition que l'on s'engage à faire un bilan des coûts et des résultas obtenus à court terme d'abord, et à moyen terme ensuite.
A.L. En complément de cette idée ANPE jeunes, pourquoi ne pas faire travailler des groupes de jeunes sur les facteurs de succès et l'employabilité des jeunes ?

"Le CPE a tort de laisser entendre que l'on aurait besoin de 2 ans pour apprécier les compétences personnelles et professionnelles d'un jeune."

La période d'essai est-elle une bonne solution pour motiver un jeune qui rentre dans une entreprise ?
JY. LB. Il ne faut pas oublier que la période d'essai est utile pour les deux parties : pour le jeune pour apprécier s'il a envie de consacrer son temps, sa peine et son enthousiasme à cet employeur et l'employeur pour découvrir - en situation - si le salarié est aussi compétent qu'il le pensait pour exercer une fonction dans l'entreprise ou l'administration. Ce n'est pas la période d'essai qui est en cause mais sa durée.

Si la période d'essai est une bonne chose pour les deux parties, pourquoi le CPE n'est-il pas une bonne chose ?
JY. LB. Le CPE a tort de laisser entendre que l'on aurait besoin de 2 ans pour apprécier les compétences personnelles et professionnelles d'un jeune. Par ailleurs, il est effectivement choquant que le salarié ne puisse comprendre pourquoi on met fin à la collaboration.

Quelles précautions faut-il prendre quand on veut embaucher un jeune ?
JY. LB. Il a fallu les 3 co-auteurs de "J'embauche un jeune" pour donner des premiers éléments de réponse à cette vaste question. S'il fallait résumer nous dirions que recruter ne signifie pas porter un jugement de valeur sur un individu - bon ou mauvais - mais bien de mesurer la réalisation d'une tâche ou d'un projet commun.

"Embaucher un jeune c'est d'abord assurer le renouvellement de l'entreprise et du même coup garantir son expansion et sa pérénnité"

Certains pensent que le départ à la retraite des baby boomers va résoudre le problème : qu'en pensez-vous ? Cela sera-t-il suffisant ?
JY. LB. La réponse est à l'évidence NON. Tous les spécialistes le disaient depuis des années mais ils n'étaient pas entendus. Le Commissariat Général du Plan et l'Education nationale viennent de publier un rapport en ce sens. Il ne reste qu'à souhaiter qu'on les écoute. Les places rendues disponibles ne suffisent pas, il faut changer l'état d'esprit par rapport aux jeunes : leur faire confiance pour leur donner confiance.

Pour vous, embaucher un jeune est une démarche citoyenne ?
JY. LB. Au final oui. Mais c'est aussi beaucoup plus que ça. C'est d'abord assurer le renouvellement de l'entreprise et du même coup garantir son expansion (regarder vers demain !) et assurer sa pérennité.

Joël-Yves Le Bigot UN GRAND MERCI pour tous nos interlocuteurs et leurs questions. Nous avons passé - sans nous en apercevoir - une heure passionnante avec vous et ... nous sommes prêts à continuer sur "jembaucheunjeune.dunod.com "

Titre : "J'embauche un jeune - Propositions pour sortir de la crise"
Parution : 12 janvier 2006
Pages : 108 pages
Format : 140x220
Prix : 22 euros
Editeur : Dunod
Consulter les librairies du net
 
 Claire Planchard, L'InternauteActualité
 
Chaine Actualité
Envoyer | Imprimer
Haut de page
 
 
newsletter
L'Internaute Voir un exemple
Journal du Net Voir un exemple
Management Voir un exemple
Journal des femmes Voir un exemple
EmploiCenter Voir un exemple
Toutes nos newsletters

Sondage

Faut-il renforcer la légitime défense pour les policiers ?

Tous les sondages