Venise, la magnifique

Interview d'Emmanuel Braquet
Pourquoi avez-vous décidé de faire un documentaire sur Venise ?
Emmanuel Braquet : Venise est une ville unique en son genre. En quelques kilomètres carrés, vous découvrez toute la grandeur et l'histoire de la civilisation européenne. Venise est d'une beauté extraordinaire et recèle de nombreuses splendeurs.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué à la fois dans ce voyage et dans les rencontres que vous avez faites ?
C'est ma rencontre avec les artisans, ces anonymes dont on ne parle jamais. Or, ce sont eux l'âme de Venise. On découvre dans leurs ateliers des siècles de tradition. C'est ce qui m'a le plus marqué avec un personnage extraordinaire, un vieil aristocrate qui est le Comte Targhetta et qui est l'âme du Carnaval de Venise. C'est un homme qui ne vit que pour le Carnaval, descendant d'une authentique famille aristocrate dont les origines étaient françaises. A la Révolution française, cette famille a subi le contrecoup et ses ancêtres ont été guillotinés. Elle s'est dispersée et les Targhetta sont arrivés à Venise. Cet homme vit aujourd'hui dans un petit palais. Il a décidé de renouer avec la splendeur du Carnaval en faisant en sorte de respecter l'authenticité et l'âme de ce carnaval. Il y a beaucoup de Schtroumpfs, de Mickeys qui vont au Carnaval mais il y a aussi des gens qui revêtent les costumes traditionnels tels qu'on les revêtait au temps de Louis XIV ou de l'ambassadeur du Grand Turc auprès de Venise. C'est cet homme là qui a confectionné lui-même une centaine de costumes. Suivant les jours du Carnaval, qui dure un mois, il revêt différents costumes. Il peut aussi être bien ambassadeur, cardinal du Pape que courtisan de Louis XIV. Il a des costumes somptueux. Et, lorsqu'une personnalité vient au Carnaval, la ville de Venise fait appel à lui pour le recevoir en Majesté. Cet homme-là vit dans son rêve intérieur. On l'a filmé, on est allé dans son palais. Il est aussi ridé que Venise mais pendant la période du Carnaval, il sait aussi bien dissimuler ses rides que Venise dissimule les siennes.

Vous avez énormément voyagé dans votre carrière. Que représente ce documentaire sur Venise par rapport à tous les autres films que vous avez pu réaliser qu'ils soient vidéos ou photos ?
J'ai fait beaucoup de reportages, surtout cinématographiques. La vidéo est pour moi un instrument nouveau. J'ai fait une dizaine de films documentaires. Venise, c'est en quelque sorte un film de la sérénité, un film sur la beauté des choses, un film sur l'harmonie étroite qui règne entre les artisans qui travaillent à Venise et leur ville. J'ai fait des films beaucoup plus durs d'engagement politique, sur la défense du peuple kurde en lutte contre Saddam Hussein, en Irak, j'ai filmé la lutte des Kurdes d'Iran contre les ayatollahs. J'ai attiré l'attention des gens à travers le film sur le Tibet menacé, je suis allé en Afghanistan plusieurs fois au temps où les Soviétiques occupaient le pays pour porter témoignage de leur lutte. Venise, c'est un retour aux sources de notre civilisation que j'ai voulu faire en montrant ses beautés et en montrant les artisans à qui on devait encore de voir tous cela.

Quelle est votre prochaine destination ?
Pour la prochaine destination, j'hésite entre un pays très froid comme le Labrador, Terre Neuve et Saint Pierre et Miquelon et des pays de montagnes puisque je vais peut-être retourner au Népal pour réaliser ce qui sera probablement mon dernier documentaire. Ce sera d'ailleurs sur l'Himalaya parce que j'adore cette région du monde et je me sens bien au milieu de ce Népal où je ne suis pas allé depuis trop longtemps d'ailleurs.

En savoir plus: Emmanuel Braquet

Vidéo © Connaissance du Monde : Emmanuel et Sébastien Braquet, Maximilien Dauber et Guy Millier