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30 novembre
Saint Andrea
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Chat > Philippe Zoummeroff et Nathalie Guibert
 CHAT 
Mai 2006

Philippe Zoummeroff et Nathalie Guibert : "Les détenus sortent (...) dans un état plus dégradé que celui dans lequel ils étaient en arrivant"

Comment lutter contre la surpopulation carcérale, améliorer la condition pénitentiaire ou favoriser la réinsertion des détenus ? Philippe Zoummeroff et Nathalie Guibert, auteurs de "La prison, ça n'arrive pas qu'aux autres", ont répondu a vos questions le 16 mai.
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"Parmi tous les pays européens, la France est avant-dernière en matière de libération conditionnelle, juste devant la Moldavie."

Comment vous êtes-vous rencontrés ? Comment avez-vous travaillé ensemble ?
P. Zoummeroff et N. Guibert A partir du portrait que Nathalie Guibert a réalisé dans "Le Monde". L'éditeur l'a lu et nous a proposé d'écrire un livre ensemble, ce qui était un vieux projet de Philippe Zoummeroff : il voulait faire connaître au grand public ce qu'était la réalité carcérale, car beaucoup l'ignoraient.

Les politiques que vous avez rencontrés vous prennent-ils au sérieux ?
Oui, mais très peu sont vraiment au courant de ce qui se passe en prison. La plupart ont accepté de me rencontrer, même parfois d'avoir un entretien assez long et certains sont vraiment concernés par la question, mais ils sont très peu nombreux.

Pourquoi cette inertie politique ?
D'abord parce que le sujet n'est pas électoral, pas vendeur. Ensuite, quand il y a un consensus général pour une réforme, il peut être remis en cause au premier fait divers important venu. Par exemple, quand on évoque la nécessité de développer la libération conditionnelle, qui permet aux sortants de prison de moins récidiver car c'est une forme d'accompagnement, il suffit qu'un condamné célèbre, comme Patrick Henri, rate cette chance, pour que tout le monde remette en question cette forme de libération. Du coup, les milliers de détenus qui sont sortis de prison sous cette forme sont pénalisés alors qu'ils ont parfaitement rempli leurs obligations. Parmi tous les pays européens, la France est avant-dernière en matière de libération conditionnelle, elle ne concerne que 6 % des personnes qui sortent de prison. En Europe, on est juste devant la Moldavie, dans le peloton de queue !

"Des rapports officiels dénoncent régulièrement, les conditions matérielles, (...) voire les traitements dégradants qui peuvent se produire [en prison]."

La situation en France est-elle pire que dans les autres pays, comme les Etats-Unis par exemple ?
Si on parle des conditions de vie en prison, on peut toujours trouver pire que la France. Mais régulièrement, des rapports officiels dénoncent les conditions matérielles, ou le manque d'activité en prison, voire les traitements dégradants qui peuvent s'y produire. La comparaison avec les Etats-Unis est difficile, car les situations diffèrent selon les Etats. Ce pays compte des prisons de très haute sécurité, inhumaines, que nous ne connaissons pas, ou bien des "bootcamps", qui sont des lieux de redressement pour les délinquants.

Qu'en est-il de la différence de traitements entre les prisonniers VIP et les autres? Ne pensez-vous pas que cette distinction soit scandaleuse et prouve que des prisonniers peuvent être correctement traités ?
Il n'y a pas de différence de traitement entre VIP et les autres, sauf en maison d'arrêt, notamment à la Santé à Paris, ou les VIP peuvent être seuls en cellule alors que les autres prisonniers s'entassent à plusieurs dans 9m². Sinon, le traitement est identique. Il reste qu'il est plus facile de vivre en prison quand on est riche, qu'on soit un VIP ou un grand truand.

Pourquoi les prisons sont-elles aussi délabrées ? La France n'a pas investi ?
A la fin du XIXème siècle, on a récupéré d'anciens bâtiments religieux ou hospitaliers pour abriter les détenus. Au fil du temps, ils se sont dégradés faute d'entretien. C'est aussi le cas de prisons plus modernes, comme Fleury-Mérogis, qui n'a pas trente ans, et qui est très dégradée. La maintenance des prisons est toujours passée derrière les conditions de sécurité, elle n'a jamais été une priorité de l'administration pénitentiaire. Sur les 4 dernières années, le budget maintenance des prisons a baissé de 25 %. L'argent a été mis également sur la construction de nouvelles prisons. Certaines vont remplacer les anciennes mais il n'est pas garanti que toutes les vieilles prisons ferment, car la population pénale continue d'augmenter.

Les prisons coûtent énormément à l'Etat. Si elles étaient rentables, pensez-vous que les politiques s'intéresseraient au sujet ?
La rentabilité est un sujet qui n'a jamais été évoqué en France. L'Etat construit et gère des prisons avec l'aide du secteur privé, mais le but est plus la rapidité des chantiers que la rentabilité.

"ll n'y a pas de différence de traitement entre VIP et les autres, sauf en maison d'arrêt, où les VIP peuvent être seuls en cellule."

Les prison privées en Grande-Bretagne sont-elles un modèle à suivre ?
Pour l'instant, ce modèle est inimaginable en France, où on considère que la sécurité fait partie des fonctions régaliennes de l'Etat. Nos personnels pénitentiaires sont des fonctionnaires et l'administration pénitentiaire dépend du ministère de la Justice.

Elles sont plus que rentables quand on voit le prix des "cantines" et de l'argent qui est pris au détenu qui travaillent !
Les cantines sont effectivement 15 % à 25 % plus chères qu'un supermarché, et les détenus qui travaillent, à de rares exceptions, ne gagnent pas un SMIC, mais ces deux questions ne sont pas en rapport avec la rentabilité générale des prisons.

Le problème actuel des prisons n'est-il pas lié au problème des institutions psychiatriques (manque de moyens...) ?
Bien sûr, une partie des problèmes vient du fait que le secteur hospitalier public n'a plus les moyens d'accueillir et de suivre correctement les personnes atteintes de troubles mentaux. Celles-ci sont souvent marginalisées, à la rue, ou mal soignées, et finissent par passer à l'acte en commettant une infraction pénale. Le problème psychiatrique, en prison ou en milieu ouvert, pose les mêmes questions : manque de psychiatres (il en manque 800 dans le secteur public) et de moyen. Alors que les Pays-Bas, par exemple, construisent chaque année des lits psychiatriques pour les détenus, nous n'avons pas trouvé de solution satisfaisante. En France, les malades mentaux qui ont commis des délits ou des crimes sont de moins en moins déclarés irresponsables de leurs actes, comme peut le prévoir le code pénal, ce qui fait que la population de malades mentaux en prison ne peut que s'accroître.

La France, pays des droits de l'Homme, maltraite-t-elle ses prisonniers ?
On ne peut pas, honnêtement, répondre de façon générale "oui" à cette question, mais il y a effectivement des cas de maltraitance et la surpopulation des maisons d'arrêt est incontestablement une forme de maltraitance. Il ne faut pas oublier non plus qu'une partie de la violence subie en prison se produit entre détenus.

"Ce modèle [des prisons privées] est inimaginable en France, où on considère que la sécurité fait partie des fonctions régaliennes de l'Etat."

Oui, mitard allant jusqu'à 45 jours, privation de parloirs, de courrier, humiliation par des fouilles à corps…
Toutes ces pratiques discrétionnaires de l'administration existent, ont été dénoncées, et perdurent. De plus en plus, les détenus se tournent vers la Cour Européenne des Droits de l'Homme et obtiennent la condamnation de leur pays pour ces pratiques dégradantes. Un contrôle extérieur efficace des prisons permettrait de les réduire, voire de les supprimer. En attendant, même si cela reste insuffisant, les tribunaux sanctionnent de plus en plus les agissements illégaux.

Comment lutter contre la surpopulation des prisons ? La délinquance reste très importante et il semble que les sanctions soient plutôt faibles...
Si on veut lutter contre la surpopulation, il faudrait déjà respecter à la lettre le code pénal, qui prévoit que la détention provisoire doit être "exceptionnelle". Ensuite, il faudrait, au lieu de prononcer des courtes peines de prison inférieures à un an, qui ne servent à rien et sont plutôt destructrices des individus, imaginer des sanctions pénales plus efficaces : travail d'intérêt général, etc. Il n'y a pas de sanctions faibles en soi, selon moi : payer une très forte amende quand on est un escroc peut être beaucoup plus pénalisant que passer un mois en prison. Chaque peine doit être adaptée à chacun, pour être efficace du point de vue de la loi pénale.

La prison conserve-t-elle sa vocation de transformation et de repentir du détenu ou ne sert-elle pas plutôt à isoler loin de la société un individu dangereux ?
Pour quelques-uns, elle peut avoir une vocation de transformation, mais pour l'immense majorité des détenus, elle n'a pas les moyens d'assurer une mission de réinsertion. Il y a 2 500 travailleurs sociaux pour 60 000 détenus et 130 000 personnes placées sous main de justice hors de la prison. La prison est devenue une peine de référence, comme si elle était la seule possible, alors que dans de nombreux cas, les personnes en sortent dans le même état, ou dans un état encore plus dégradé que celui dans lequel elles étaient en arrivant.

On assiste à un vieillissement de la population carcérale. Comment faire pour que "les vieux" en prison aient une fin de vie digne ?
Il faut les sortir de prison ! La loi prévoit que les très vieux, malades, peuvent sortir avant la fin de leur peine si leur état est "durablement incompatible" avec la détention. Le problème, c'est de trouver un lieu d'accueil, car personne n'en veut. Des associations tentent d'implanter des lieux qui seraient des sortes de maisons de retraite pour les très vieux détenus, mais elles ont beaucoup de mal à aboutir.

"Pour lutter contre la surpopulation, il faudrait déjà respecter à la lettre le code pénal, qui prévoit que la détention provisoire doit être exceptionnelle."

Est-il possible en France de faire des prisons pour chaque délit et chaque crime, afin d'éviter le mélange des prisonniers ?
Il y a un projet en cours de centres spécialisés pour les très petites peines (2 000 places annoncées récemment) mais ils ne sont pas encore construits. Le Conseil de l'Europe réclame aux Etats de mettre en place des lieux de détention spécifiques pour les prévenus (les personnes pas encore jugées), mais pour l'instant, ce n'est même pas en projet en France. La question posée est très bonne. Ce serait l'idéal en effet que l'on puisse avoir des établissements spécifiques. En France, on a commencé à isoler les délinquants sexuels dans quelques prisons réservées, comme à Casabianda en Corse, Caen, ou Mauzac.

Que pensez-vous du bracelet électronique ?
Ça peut être une bonne solution, surtout pour éviter la détention provisoire. On l'a développé pour les condamnés à de courtes peines (moins d'un an), et à ce jour un millier de condamnés effectuent leur peine avec un bracelet fixe, relié à une ligne de téléphone au domicile. Le bracelet mobile, avec une surveillance par satellite, ne commencera à être utilisé qu'au mois de juin sur des condamnés à des longues peines.

Pourquoi cette "passion" et cet engagement pour les prisons : ça vous a touché directement ?
Parce que ce devrait être la démarche de tous les citoyens de connaître exactement ce qui se passe derrière les murs des prisons. Je n'ai, pour le moment, jamais été détenu, mais comme nous l'avons écrit, ça n'arrive pas qu'aux autres. C'est pour cela qu'il est indispensable que le citoyen soit très informé : c'est lui seul qui pourra faire changer les choses, et non le politique.

"La prison est devenue une peine de référence, comme si elle était la seule possible."

Quelle est la réforme la plus urgente selon vous ?
Lutter contre la surpopulation, en limitant la détention provisoire et en utilisant au maximum les peines alternatives à l'enfermement.

Qui est en mesure de faire bouger les choses significativement dans un court délai ?
Le président de la République, d'où l'importance de l'enjeu des élections présidentielles.

Etes-vous sûr que les candidats à la présidentielle s'intéresseront à ce sujet ?
Cela dépendra beaucoup de vous, internautes et citoyens, car c'est le public qui aura une influence sur les candidats. A la suite de l'affaire d'Outreau, il pourrait y avoir une réforme de la justice et de la prison. En tous cas, les députés ont découvert ce qu'était l'horreur de la détention provisoire pour les acquittés d'Outreau.

Philippe Zoummeroff Je compte sur tous les internautes pour alimenter le débat et que leur action puisse avoir une influence sur les politiques.

Et aussi : la présentation du livre

 
 Claire Planchard, L'InternauteActualité
 
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