Débat
Septembre 2007
Moratoire OGM : pourquoi ils sont pour, pourquoi ils sont contre
Quelle est votre position par rapport aux cultures d'OGM ? Pourquoi ? Régis Hochart - Sur les OGM, la Confédération paysanne est claire : nous ne voulons aucune culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées quelque soit son usage. En revanche, il n'y a pas de problème pour la recherche sur les OGM si celle-ci reste strictement confinée. Deux raisons : d'abord, en plein champ, les risques de dissémination sont évidents alors qu'on a encore un doute sur les effets des OGM sur la santé. Ceci peut aussi appauvrir la diversité génétique. On a interdit le Colza OGM en France parce qu'il contaminait d'autres plantes comme la moutarde. Le riz OGM a été interdit pour les mêmes raisons il y a 5 ans. Alors pourquoi laisser cultiver le maïs OGM ?
Ensuite, le maïs OGM cultivé (le MON 810) n'a aucun intérêt économique. C'est un maïs transgénique qui produit lui-même son propre pesticide, mais ses rendements ne sont pas parmi les meilleurs. D'ailleurs, le problème des insectes vient plus selon nous de la monoculture. Depuis 30 ou 40 ans, la France s'est spécialisée dans la culture de maïs, ce qui a des conséquences désastreuses pour l'eau, la pollution des sols, la recrudescence d'insectes... La solution serait, non pas de faire des OGM pesticides, mais de freiner cette monoculture en alternant par exemple, sur une même parcelle, maïs et blé d'une année sur l'autre. Cela permettrait de répondre aux mêmes besoins : l'alimentation animale et les exportations de céréales vers l'Espagne. En faisant la balance risques/avantages économiques, le choix des OGM paraît donc aberrant. Xavier Beulin - La FNSEA a une position d'ouverture sur la question des OGM. Je rappelle que la France exporte entre 35 et 40 millions de tonnes d'OGM par an qu'il s'agisse de maïs ou de soja transgénique pour la consommation animale et donc, indirectement, la consommation humaine. S'il y avait des risques avérés, l'Etat aurait déjà pris certaines mesures. De plus, la dissémination n'est pas si importante car impossible d'espèce à espèce. Notre souhait pour l'agriculture française est donc de pouvoir tester les OGM en plein champ pour connaître leur impact. Or l'ensemble des expérimentations sont systématiquement fauchées et piétinées. Les OGM ne sont pas, bien sûr, une voie unique à suivre, mais ils ne faut pas les interdire a priori. R.H. - Jean-Louis Borloo a déclaré que la dissémination était évidente et qu'il ne voulait pas prendre de risque. C'est une bonne chose, bien que tout le monde le savait déjà. Maintenant, il faut savoir ce qu'il entend par "gel des cultures". Mais ce qui est sûr, c'est que cela va dans la bonne direction. Ces déclarations ont mis Michel Barnier dans une position inconfortable au congrès des céréaliers et des producteurs d'oléagineux à Tours. Mais devant une majorité de céréaliers de la FNSEA, pro-OGM et très remontés, il semble avoir tenu le cap. Il a tempéré, mais pas démenti.
X.B. - La surprise vient surtout de la forme des déclarations de M. Borloo. C'est elle qui a provoqué la réaction des céréaliers puis de la FNSEA : on relaie, dans un grand quotidien, les propos d'un ministre selon lesquelles des décisions seraient déjà prises avant même les propositions du Grenelle de l'environnement. Si le gouvernement a pris sa décision de "geler les cultures d'OGM", alors nous n'avons plus notre place dans les groupes de travail. Bien sûr, il sera difficile de trouver un consensus sur la question des OGM et ce sera au gouvernement de trancher. Mais sa décision devra être motivée après les avis des groupes de travail, pas avant ! Cela dit, nous ne faisons pas de procès a priori à M. Borloo. Nous nous rencontrerons la semaine prochaine pour qu'il clarifie sa position. R.H. - Au Grenelle de l'environnement, les choses avancent plus ou moins vite selon les sujets. Mais le groupe qui travaille sur les OGM est très clair sur un point : il ne faut pas que l'agriculture bio soit contaminée par les OGM. Seule une personne est réellement favorable aux OGM dans ce groupe. La FNSEA était très discrète jusqu'à présent, mais depuis que ses céréaliers, qui ne sont d'ailleurs pas représentatifs, en ont fait un pataquès, on ne sait plus qui dit quoi dans ce syndicat. X.B. - Mettre à la table toutes les parties, même les plus opposées, est déjà un événement important et la profession agricole est très investie dans ce Grenelle de l'environnement. La FNSEA fait beaucoup de propositions. Mais nous sommes confrontés à deux problèmes : d'abord, la gouvernance environnementale doit s'appliquer à travers plusieurs groupes représentatifs. Mais se déclarer "association X ou Y" et avoir le même pouvoir d'influence qu'une organisation représentative pose problème. Le dialogue a sans doute manqué ces 20 dernières années, mais il ne faut pas tomber dans les travers inverses. Il faut rétablir le rôle du scientifique qui est parfois malmené au Grenelle de l'environnement. Un équilibre doit être trouvé entre experts et représentants de la société civile.
Ensuite, le terme de "Grenelle de l'environnement" nous gêne un peu. Nous aurions préféré des "Assises du Développement durable" prenant plus en compte les dimensions économiques, sociales, territoriales des différentes activités. Et surtout la dimension européenne. On verse un peu trop dans une vision franco-française des choses. Il faut que la France aille de l'avant, mais elle ne peut pas toujours avoir raison. Les propositions et les décisions du Grenelle de l'environnement doivent être compatibles avec le cadre communautaire et avec la réalité économique. Les idées doivent être transposables sur le terrain et mesurables dans le suivi. Concrètement, nous attendons une loi permettrant d'encadrer ces cultures OGM : en interdire certaines, mais aussi en autoriser d'autres selon des critères et des paramètres préçis et communs avec l'Union européenne. Nous sommes pour la création d'une "Haute autorité" pour recourir à des avis pluridisciplinaires sur les OGM. Et nous attendons beaucoup de la puissance publique pour protéger la recherche et les expérimentation contre certains groupuscules d'arrachage systématique.
|