Débat
 
Septembre 2007

Moratoire OGM : pourquoi ils sont pour, pourquoi ils sont contre

A un mois du Grenelle de l'environnement, Jean-Louis Borloo a relancé la question des OGM en évoquant un possible "gel des cultures". L'Internaute a confronté les points de vue de Xavier Beulin, Vice-président de la FNSEA, et Régis Hochart, Porte-parole de la Confédération paysanne. Interview-débat.
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Régis Hochart est le Porte-parole de la Confédération Paysanne, le 2e syndicat agricole français. La "Conf" qui réunit environ 15 000 adhérents, a adopté, sous la présidence de José Bové jusqu'en 2004, une position critique vis-à-vis du modèle agricole productiviste. Lors des dernières élections aux chambres agricoles, elle a obtenu 20 % des voix, soit 7 % de moins qu'en 2001. Elle est depuis talonnée par la Coordination rurale.
Xavier Beulin est le Vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Sous la houlette de Jean-Michel Lemetayer depuis 2001, le 1er syndicat se pose comme le défenseur du modèle agricole et alimentaire européen, devant une réforme de la PAC. Forte de ses 320 000 adhérents, la FNSEA a confirmé sa position en 2007 en obtenant 55 % des voix aux élections des chambres agricoles.

 

Quelle est votre position par rapport aux cultures d'OGM ? Pourquoi ?

Régis Hochart - Sur les OGM, la Confédération paysanne est claire : nous ne voulons aucune culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées quelque soit son usage. En revanche, il n'y a pas de problème pour la recherche sur les OGM si celle-ci reste strictement confinée. Deux raisons : d'abord, en plein champ, les risques de dissémination sont évidents alors qu'on a encore un doute sur les effets des OGM sur la santé. Ceci peut aussi appauvrir la diversité génétique. On a interdit le Colza OGM en France parce qu'il contaminait d'autres plantes comme la moutarde. Le riz OGM a été interdit pour les mêmes raisons il y a 5 ans. Alors pourquoi laisser cultiver le maïs OGM ?

"En faisant la balance risques/avantages économiques, le choix des OGM paraît aberrant." (Régis Hochart)

Ensuite, le maïs OGM cultivé (le MON 810) n'a aucun intérêt économique. C'est un maïs transgénique qui produit lui-même son propre pesticide, mais ses rendements ne sont pas parmi les meilleurs. D'ailleurs, le problème des insectes vient plus selon nous de la monoculture. Depuis 30 ou 40 ans, la France s'est spécialisée dans la culture de maïs, ce qui a des conséquences désastreuses pour l'eau, la pollution des sols, la recrudescence d'insectes... La solution serait, non pas de faire des OGM pesticides, mais de freiner cette monoculture en alternant par exemple, sur une même parcelle, maïs et blé d'une année sur l'autre. Cela permettrait de répondre aux mêmes besoins : l'alimentation animale et les exportations de céréales vers l'Espagne. En faisant la balance risques/avantages économiques, le choix des OGM paraît donc aberrant.

Xavier Beulin - La FNSEA a une position d'ouverture sur la question des OGM. Je rappelle que la France exporte entre 35 et 40 millions de tonnes d'OGM par an qu'il s'agisse de maïs ou de soja transgénique pour la consommation animale et donc, indirectement, la consommation humaine. S'il y avait des risques avérés, l'Etat aurait déjà pris certaines mesures. De plus, la dissémination n'est pas si importante car impossible d'espèce à espèce. Notre souhait pour l'agriculture française est donc de pouvoir tester les OGM en plein champ pour connaître leur impact. Or l'ensemble des expérimentations sont systématiquement fauchées et piétinées. Les OGM ne sont pas, bien sûr, une voie unique à suivre, mais ils ne faut pas les interdire a priori.

Il faut pouvoir connaître ce qu'ils apportent en termes de sécurité et de qualité des cultures. Il est vrai que les 1res générations d'OGM étaient surtout intéressantes pour les semanciers, mais les 2e et 3e générations doivent être considérées autrement. Le maïs transgénique MON 810, aujourd'hui cultivé en France, a fait l'objet d'une autorisation communautaire au niveau européen et seulement d'une circulaire en France. On ne peut pas maintenant l'interdire tout en défendant le marché unique européen ! Dans les cartons des firmes américaines, il y a encore des plantes plus résistantes et plus efficaces. Il ne faut pas que la France et l'Europe restent à l'écart de ces nouvelles cultures.


Gel des cultures trangéniques, loi pour les contrôler, moratoire envisagé... Que pensez-vous des déclaration de Jean-Louis Borloo ?

R.H. - Jean-Louis Borloo a déclaré que la dissémination était évidente et qu'il ne voulait pas prendre de risque. C'est une bonne chose, bien que tout le monde le savait déjà. Maintenant, il faut savoir ce qu'il entend par "gel des cultures". Mais ce qui est sûr, c'est que cela va dans la bonne direction. Ces déclarations ont mis Michel Barnier dans une position inconfortable au congrès des céréaliers et des producteurs d'oléagineux à Tours. Mais devant une majorité de céréaliers de la FNSEA, pro-OGM et très remontés, il semble avoir tenu le cap. Il a tempéré, mais pas démenti.

"Notre souhait est de pouvoir tester les OGM pour connaître leur impact. Or l'ensemble des expérimentations sont fauchées et piétinées." (Xavier Beulin)

X.B. - La surprise vient surtout de la forme des déclarations de M. Borloo. C'est elle qui a provoqué la réaction des céréaliers puis de la FNSEA  : on relaie, dans un grand quotidien, les propos d'un ministre selon lesquelles des décisions seraient déjà prises avant même les propositions du Grenelle de l'environnement. Si le gouvernement a pris sa décision de "geler les cultures d'OGM", alors nous n'avons plus notre place dans les groupes de travail. Bien sûr, il sera difficile de trouver un consensus sur la question des OGM et ce sera au gouvernement de trancher. Mais sa décision devra être motivée après les avis des groupes de travail, pas avant ! Cela dit, nous ne faisons pas de procès a priori à M. Borloo. Nous nous rencontrerons la semaine prochaine pour qu'il clarifie sa position.


Qu'attendez-vous du Grenelle de l'environnement qui se tiendra fin octobre ?

R.H. - Au Grenelle de l'environnement, les choses avancent plus ou moins vite selon les sujets. Mais le groupe qui travaille sur les OGM est très clair sur un point : il ne faut pas que l'agriculture bio soit contaminée par les OGM. Seule une personne est réellement favorable aux OGM dans ce groupe. La FNSEA était très discrète jusqu'à présent, mais depuis que ses céréaliers, qui ne sont d'ailleurs pas représentatifs, en ont fait un pataquès, on ne sait plus qui dit quoi dans ce syndicat.

Nous, ce qu'on attend avant tout, c'est un signal fort. Depuis quelques années, agriculture et environnement, qui travaillaient ensemble par le passé, s'éloignent l'une de l'autre. Il faut que leur association remarche. Il faut donc, selon nous, arriver à une loi sur la "liberté de culture sans OGM" et donc de "consommation sans OGM". Ce qui passe par l'interdiction des maïs OGM en plein champ qui risquent de contaminer les autres. Le moratoire sera sans doute une première étape vers cette loi, mais celle-ci est indispensable à plus long terme.

X.B. - Mettre à la table toutes les parties, même les plus opposées, est déjà un événement important et la profession agricole est très investie dans ce Grenelle de l'environnement. La FNSEA fait beaucoup de propositions. Mais nous sommes confrontés à deux problèmes : d'abord, la gouvernance environnementale doit s'appliquer à travers plusieurs groupes représentatifs. Mais se déclarer "association X ou Y" et avoir le même pouvoir d'influence qu'une organisation représentative pose problème. Le dialogue a sans doute manqué ces 20 dernières années, mais il ne faut pas tomber dans les travers inverses. Il faut rétablir le rôle du scientifique qui est parfois malmené au Grenelle de l'environnement. Un équilibre doit être trouvé entre experts et représentants de la société civile.

 
En savoir plus
 
 
 

Ensuite, le terme de "Grenelle de l'environnement" nous gêne un peu. Nous aurions préféré des "Assises du Développement durable" prenant plus en compte les dimensions économiques, sociales, territoriales des différentes activités. Et surtout la dimension européenne. On verse un peu trop dans une vision franco-française des choses. Il faut que la France aille de l'avant, mais elle ne peut pas toujours avoir raison. Les propositions et les décisions du Grenelle de l'environnement doivent être compatibles avec le cadre communautaire et avec la réalité économique. Les idées doivent être transposables sur le terrain et mesurables dans le suivi.

Concrètement, nous attendons une loi permettrant d'encadrer ces cultures OGM : en interdire certaines, mais aussi en autoriser d'autres selon des critères et des paramètres préçis et communs avec l'Union européenne. Nous sommes pour la création d'une "Haute autorité" pour recourir à des avis pluridisciplinaires sur les OGM. Et nous attendons beaucoup de la puissance publique pour protéger la recherche et les expérimentation contre certains groupuscules d'arrachage systématique.

» Votre avis : Pour ou contre les cultures OGM


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