ART ET SCIENCE
Juin 2006
Les fractales contre les faussaires
En 2003, on découvre 24 tableaux que l'on attribue aussitôt à Jackson Pollock. Ce peintre décédé en 1956, pratiquait le "dropping" : il réalisait des toiles avec des taches de peinture projetées. Aussitôt une querelle éclate entre plusieurs spécialistes émérites de Jackson Pollock sur l'authenticité de ces uvres : ces tableaux inédits sont-ils des vrais ? Les maths au secours de l'artPour en être certaine, la Fondation Pollock-Krasner décide d'appeler les mathématiques à sa rescousse, la science des fractales plus exactement. Verdict : les six toiles passées au crible seraient, selon toute vraisemblance, des faux. Comment les maths ont-elles pu trancher ? Un objet fractal, comme le flocon de neige ou le chou fleur, se définit par la répétition du même motif, quelle que ce soit l'échelle choisie pour l'observer. En grossissant n'importe quelle partie, on retrouve une structure similaire à la structure globale.
Or, le physicien Richard Taylor, professeur à l'université de l'Oregon, analyse, depuis 1990, à l'aide de la géométrie fractale les oeuvres du peintre américain. Le chercheur a ainsi découvert que les mêmes formes fractales réapparaissent systématiquement dans toutes les oeuvres du peintre. "La seule chose commune dans toutes ces peintures très différentes est une composition fractale qui est restée systématique tout au long des années", affirme le scientifique. Selon lui, donc, des motifs précis permettent de distinguer un authentique Pollock d'un simple gribouillage coloré. Trop de motifs sur les nouvelles toiles
Richard Taylor a ensuite recherché ces motifs sur six des tableaux récemment découverts : on ne retrouve pas dans ces uvres les mêmes caractéristiques que dans les autres tableaux du peintre. Dans un article publié en février 2006 par la revue Nature, le physicien explique que les motifs varient beaucoup (trop ?) et suggère que plusieurs personnes différentes ont pu les peindre. De son côté, Ellen Landau, spécialiste de l'oeuvre de Pollock, estime que ces peintures sont authentiques. Quant à a Fondation Pollock-Krasner, elle a prudemment indiqué qu'elle attendait des expertises supplémentaires. Les fractales ont parlé mais le débat continue. L'enjeu se compte en dizaines de millions d'euros.
|