"La biodiversité garantit l'équilibre de la Terre"

La célèbre primatologue Jane Goodall a profité de son passage en France en février dernier pour rappeler l'interdépendance entre l'homme et les espèces sauvages. Et pour lancer à son tour un message fort vers les politiques.

Qu’attendiez-vous concrètement de votre visite en France ? Qui avez-vous rencontré ?

Je suis venue en France pour rappeler que la protection de l'environnement est une urgence. Dans votre pays, cette question est d'actualité. Le Président Jacques Chirac a récemment proposé une conférence sur les changements climatiques et il s'agit d'un thème important de la campagne présidentielle. Je ne m'engagerai pas pour autant en faveur de tel ou tel candidat mais c'est le bon moment pour leur délivrer mon message. Lors de mon passage en France, j'ai rencontré Dominique Voynet, François Bayrou et Nicolas Sarkozy.

Quels messages voulez-vous faire passer aux Français concernant la sauvegarde de la biodiversité ?

Il est urgent d'agir ! Si la biodiversité africaine continue de se détériorer, c'est le continent africain tout entier qui va sombrer dans le gouffre, entraînant des conséquences dramatiques pour ses populations et ses millions d'enfants. Et ne croyons pas que le reste du monde sera épargné ! La France a un devoir de solidarité vis-à-vis de ce continent dont la biodiversité, garante de l'équilibre mondial, est gravement menacée.

Photo © Institut Jane Goodall France

"Si la biodiversité africaine continue de se détériorer, c'est le continent africain tout entier qui va sombrer dans le gouffre."

Vous êtes signataire du Pacte écologique, pensez-vous que l'émulation des politiques français à son égard puisse durer ?

J'espère fortement. Voici la lettre que j'ai adressée à Nicolas Hulot, m'engageant de ce fait à soutenir son Pacte écologique : "Cher Nicolas, David Lefranc m'a informée de votre engagement dans la campagne présidentielle française, dans le but de mettre sur le devant de la scène les idées que vous et moi défendons depuis tant d'années pour la protection du patrimoine naturel, ce qui équivaut à protéger le futur de l'humanité. Je sais que la majorité des Français sont sensibles à la protection de l'environnement et une réforme profonde de nos habitudes de consommation est dès lors devenue essentielle. J'espère que les Français saisiront l'opportunité qui leur est donnée à l'occasion des élections présidentielles pour engager le pays vers de nouvelles politiques respectueuses de la planète. J'espère que vos compatriotes donneront l'exemple, non seulement aux autres pays européens mais au monde entier. Nous devons agir avant qu'il ne soit trop tard. C'est la raison pour laquelle j'aimerais soutenir votre initiative dans le but de mettre la classe politique française devant le fait accompli. Le temps est à présent venu de réagir. Vous pouvez compter sur moi. Je suis et serais toujours à vos côtés".

Quelle est la meilleure façon de sensibiliser les hommes à l'importance de la sauvegarde des primates ?

Par l'éducation des enfants dans le sens du respect de l'environnement. Ce sont les chimpanzés qui m'ont amenée à parler aux plus jeunes. Ils m'écoutent parce que ces singes les fascinent. Grâce à mes récits avec les chimpanzés, j'ai pu toucher le cœur de centaines de milliers, voire de millions d'enfants. Le programme "Roots and shoots" (roots pour racines et shoots pour les pousses) a vraiment permis de rassembler les jeunes pour essayer de créer un monde meilleur pour tous. Nous avons des programmes qui sont adaptés aux très jeunes enfants et jusqu'à l'université, avec des groupes dans les prisons, les grandes sociétés, les camps de réfugiés.

Jane Goodall accompagnée d'Emmanuelle Grundmann, primatologue à l'Institut Jane Goodall France. Photo © Elsa Sidawy / L'Internaute Magazine

"Les jeunes m'écoutent parce que les chimpanzés les fascinent."

Les membres de notre mouvement choisissent entre trois projets : le premier consiste à essayer d'améliorer le monde d'une part, pour améliorer la situation de leur communauté et ensuite, tendre la main à des victimes de l'injustice, à l'extérieur de leur groupe, ou bien pour intervenir dans le cadre de catastrophes naturelles quelque part dans le monde. Le deuxième projet consiste à faire quelque chose pour améliorer la vie des animaux, et pas simplement les animaux de compagnie. Enfin, le troisième permet d'agir pour l'environnement. Cela permet à chaque enfant d'avoir véritablement l'impression qu'il fait quelque chose, qu'il a une mission dans la vie. C'est un programme marqué par la non-violence, qui promeut le travail, l'amour, le respect pour la vie sous toutes ses formes. La raison pour laquelle j'ai un certain espoir pour l'avenir, c'est qu'il y a cet enthousiasme énorme, cet idéalisme, cet engagement, ce courage réel de jeunes, que l'on sent partout dans le monde. Une fois qu'ils comprennent le problème, une fois qu'on leur donne le moyen d'agir, ils cherchent à faire quelque chose.

Pensez-vous que des jeunes qui n'ont pas de formation scientifique mais qui sont passionnés comme vous l'étiez déjà au début de votre carrière, peuvent espérer mener de nos jours un parcours identique au vôtre ?

Oui. Il y a et il y aura toujours des gens passionnés, qui font tout, qui risquent leur vie, et la perdent dans certains cas, pour essayer de redresser la situation, qui se battent pour la justice sociale, pour la protection de l'environnement. C'est quelque chose qui me donne particulièrement de l'espoir.

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