Assassinat de Samuel Paty : retour sur l'attentat du 16 octobre 2020

Assassinat de Samuel Paty : retour sur l'attentat du 16 octobre 2020

SAMUEL PATY. Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie dans un collège de Conflans-Sainte-Honorine, était assassiné par décapitation. Que s'est-il passé ?

Samuel Paty, un professeur d'histoire-géographie qui enseignait au collège Le Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), a été décapité près de cet établissement le vendredi 16 octobre 2020. Quelques minutes après les faits, la police nationale identifiait son agresseur non loin de là. L'homme était abattu au cours de son interpellation, après avoir crié "Allahu Akbar". Dans son téléphone, il avait enregistré son message de revendication et un cliché de la victime.

Quelques jours plus tôt, Samuel Paty, lors d'un cours sur la liberté d'expression, avait montré à ses élèves des caricatures du prophète Mahomet publiées par le magazine satirique Charlie Hebdo. Le père d'une des élèves avait par la suite rencontré la direction du collège pour exiger le renvoi de Samuel Paty, et publié plusieurs vidéos dénonçant Samuel Paty sur les réseaux sociaux, dont une où figurait le nom du professeur et l'adresse du collège où il enseignait. Sur les réseaux, l'histoire était devenue virale, jusqu'à ce qu'Abdoullakh Anzorov, musulman radicalisé de 18 ans, se rende devant le collège et assassine le professeur. L'enquête a dévoilé que le père d'élève à l'origine de la polémique, Brahim Chnina, avait été en contact avec le terroriste, de même que d'autres personnes impliquées dans la polémique.

Un cours sur la liberté d'expression et une vidéo virale

Le 6 octobre 2020, Samuel Paty donne un cours d'Education morale et civile (EMC) à ses élèves de quatrième du collège du Bois-d'Aulne, à Conflans-St-Honorine. Pour illustrer son propos, il montre deux caricatures du prophète Mahomet publiées par le magazine Charlie Hebdo. Auparavant, il propose aux élèves qui le souhaitent de détourner les yeux ou de quitter la salle. A la suite de ce cours, un père d'élève, se basant sur le récit de sa fille, publie un message sur Facebook, dans lequel il accuse Samuel Paty d'avoir demandé aux musulmans de se désigner, puis de quitter la salle. Il raconte également que Samuel Paty a montré aux élèves "la photo" d'un homme nu en disant que c'était "le Prophète". Le collège indiquera pourtant ensuite que l'élève sur qui repose le témoignage était absente le jour du cours. Une autre vidéo à charge est publiée sur le même sujet par Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste radical. Dans les commentaires de cette vidéo apparaissent le nom de Samuel Paty et l'adresse de son collège.

Les deux hommes se rendent ensuite ensemble au collège pour exiger le renvoi de Samuel Paty. Sur les réseaux sociaux, le sujet devient viral. Le collège reçoit plusieurs appels menaçants. Le 8 octobre, le parent d'élève porte plainte contre Samuel Paty pour "diffusion d'images pornographiques". Le lendemain, Samuel Paty rencontre un inspecteur académique, qui le conforte finalement dans sa démarche. Le 12 octobre 2020, Samuel Paty dépose une plainte pour "diffamation et dénonciation calomnieuse".

L'enquête après l'assassinat de Samuel Paty indique que le père d'élève, Brahim Chnina, a été en contact avec le terroriste, Abdoullakh Anzorov, par WhatsApp. Le 16 octobre 2020, Abdoullakh Anzorov se rend devant le collège du Bois-d'Aulne : il interpelle deux collégiens et leur offre 300 euros s'ils identifient pour lui Samuel Paty. Trois autres collégiens se joignent à eux. Selon les déclarations qu'ils feront ensuite à la police, le terroriste leur avait dit qu'il voulait " filmer le professeur, l'obliger à lui demander pardon, l'humilier, le frapper ". L'un d'eux, cependant, avait été en contact avec le terroriste sur les réseaux sociaux dans les jours précédents, de même que la fille de Brahim Chnina, à l'origine de la rumeur sur le professeur. Abdoullakh Anzorov aurait également disposé de la complicité de trois amis, selon l'enquête, notamment pour se procurer des armes.

Hommage à Samuel Paty : Macron défend la laïcité

Un hommage national était organisé le 21 octobre 2020 pour Samuel Paty. Emmanuel Macron, qui présidait la cérémonie dans la Cour d'honneur de la Sorbonne, a notamment promis : "Nous continuerons, professeur, nous défendrons la liberté que vous enseignez si bien et nous porterons haut la laïcité, nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins. Nous continuerons ce combat pour la liberté dont vous [Samuel Paty ndlr.] êtes désormais le visage parce que nous vous le devons, parce que nous nous le devons. Parce qu'en France, professeur, les Lumières ne s'éteignent jamais." Samuel Paty a par ailleurs été décoré de la légion d'honneur à titre posthume. 

La victime, Samuel Paty, un professeur d'histoire-géographie 

La victime se prénommait Samuel Paty, et était âgée de 47 ans. L'homme était professeur d'histoire-géographie au sein du collège du Bois d'Aulne depuis trois ans, à Conflans-Sainte-Honorine, et était père d'un enfant de cinq ans. Selon ses élèves, Monsieur Paty était un enseignant bienveillant, très investi et très tolérant. Il avait coutume d'illustrer chaque année son cours sur la liberté d'expression de caricatures de Charlie Hebdo.

Le terroriste, Abdoullakh Anzorov

Abdoullakh Anzorov avait 18 ans lorsqu'il a décapité Samuel Paty. Il était armé d'un poignard, d'une arme de poing de type Airsoft et de cinq cartouches de gaz. Connu des services de police pour des faits de droit commun, notamment des affaires de "dégradation de biens publics et de violence en réunions", il n'était pas fiché S. Né à Moscou, d'origine tchétchène, il "bénéficiait du statut de réfugié et était inconnu des services de renseignement", indique le procureur de la République antiterroriste Jean-François Ricard, quelques jours après le drame. Abdoullakh Anzorov "était porteur d'un titre de séjour délivré le 4 mars dernier et valable jusqu'en mars 2030". Son entourage, interrogé pendant l'enquête, était au courant de sa radicalisation. Il n'avait jamais été condamné.

 Une revendication sur Twitter

Quelques minutes après la décapitation de Samuel Paty, Abdoullakh Anzorov publiait sur son compte Twitter une photo de la tête du professeur. Il revendiquait l'attaque au nom d'al-Ansar et "d’Allah le Miséricordieux". Le message interpellait aussi "Macron, le dirigeant des infidèles". "J'ai exécuté un de tes chiens de l'enfer, qui a osé rabaisser Mohammad", écrivait l'auteur. Le compte a rapidement été suspendu. Le terroriste a aussi envoyé un message vocal via Instagram à un contact en Syrie, dans lequel il revendiquait à nouveau l'attentat.