Sandra Muller : pourquoi l'initiatrice de #Balancetonporc a été condamnée

Sandra Muller : pourquoi l'initiatrice de #Balancetonporc a été condamnée La journaliste Sandra Muller, à l'origine de #balancetonporc, a été condamnée pour diffamation à 15 000 euros de dommages et intérêt, au titre du préjudice moral. Elle compte faire appel.

[Mis à jour le 25 septembre 2019 à 22h56] La justice a tranché et considéré que Sandra Muller avait tenu des propos diffamatoires à l'encontre d'Éric Brion, ex-patron d'Equidia, qui fut la première personne associée au hashtag #balancetonporc. Le tribunal de Paris a condamné la journaliste à 15 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral mercredi 25 septembre 2019. Maître Francis Szpiner, avocat de Sandra Muller, a fait savoir qu'il interjettera appel. Éric Brion "accueille la décision avec une certaine forme de soulagement, il a toujours répété qu'il n'a jamais harcelé Sandra Muller", a fait savoir son avocat Nicolas Bénoit. Le plaignant réclamait 50 000 euros de dommages et intérêts, 15 000 euros de frais de justice, la suppression du tweet comportant son nom ainsi que des publications judiciaires. Ce dernier avait cependant reconnu avoir eu "des propos déplacés" à l'encontre de la jeune femme, mais s'est toujours défendu d'être un prédateur sexuel.

"La justice a dit que je n'étais pas un porc"

Alors que la justice s'est prononcée mercredi, Éric Brion a réagi au verdict dans plusieurs médias. "Je suis fier de m'être battu alors que beaucoup de gens à l'époque me disaient 'Tais-toi' ou 'Ça va passer…'", a notamment déclaré celui qui avait estimé lors de l'audience en mai dernier avoir "été condamné par le buzz", comme le rapporte Le Point. Aujourd'hui "extrêmement soulagé", Éric Brion a tout de même conscience que cette affaire le "poursuivra toute [s]a vie". Mais il l'assure : "Ce qui compte maintenant pour moi, c'est que la justice a dit que je n'étais pas un porc". Au Point, il explique encore : "Je suis fier de m'être battu, parce que c'était une injustice. Dans plusieurs années, quand on tapera mon nom sur Google, on ne trouvera plus 'porc' ou 'harceleur'… Toutes les affaires ne se ressemblent pas : Weinstein, Ramadan, Baupin… Je ne suis pas à mettre dans le même sac que Weinstein !"

Un peu plus tard dans la soirée de mercredi, Éric Brion s'est également confié sur le plateau de Touche pas à mon poste. Face à Cyril Hanouna, Éric Brion a tenu à rappeler que lorsqu'il était à Equidia, sa première décision, "ça a été de virer un journaliste pour harcèlement sexuel. Il harcelait une animatrice qui a témoigné dans le cadre du procès pour raconter cette histoire", a-t-il expliqué, avant de renchérir : "J'ai toujours été pour cette libération de la parole". 

"Il a été détruit, c'est la victime expiatoire"

Selon Nicolas Bénoit, son avocat, Éric Brion considérait comme diffamatoire l'enchaînement des deux tweets le présentant "comme un prédateur sexuel". "#balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails un harcèlent (sic) sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends". "Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit+ Éric Brion ex patron de Equidia #balancetonporc", avait publié Sandra Muller en 2017.

"C'est de la délation. Il a été détruit, c'est la victime expiatoire", avait justifié l'avocat selon le HuffPost en mai dernier, lors de la tenue de l'audience. Sandra Muller avait quant à elle dénoncé des poursuites menées "contre toute décence" dans un communiqué sur sa page Facebook. Maître Francis Szpiner s'était également étonné de l'attitude de "quelqu'un qui a reconnu dans un premier temps qu'il a eu une conduite non convenable, qui s'en est excusé, et qui brusquement décide d'attaquer en justice".

#balancetonporc, quelles suites judiciaires ?

Sandra Muller est à l'origine du hashtag #balancetonporc. Lancé le 13 octobre 2017 sur Twitter, il a pour but de dénoncer les phénomènes de harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes. Il se voulait également une extension française du mouvement #MeToo, lancé aux États-Unis après les révélations de harcèlement concernant le cinéaste américain Harvey Weinstein.

Dès 2017, L'Obs soulignait néanmoins la difficulté de traduire ce mouvement en condamnations concrète contre le harceleur. La date de prescription des faits, souvent survenus il y a plusieurs années, constitue un premier obstacle à la constitution d'un dossier. Les plaintes pour harcèlement sexuel aboutissent enfin rarement à des condamnations. Dans un rapport de novembre 2016, la commission des Lois de l'Assemblée nationale notait le peu de condamnations pénales, "entre 70 à 85 condamnations entre 2006 et 2010", le nombre important de condamnations avec sursis et "la durée moyenne des procédures très longue : le délai moyen entre les faits les plus récents et la date du jugement en première instance était de 27 mois".