Botulisme à Bordeaux : une enquête et deux plaintes pour homicide involontaire
[Mis à jour le 19 septembre 2023 à 08h26] Deux plaintes pour "homicide involontaire" ont été déposées par une victime et les proches d'une victime de l'intoxication au botulisme. Le mari de la femme décédée après avoir consommé des sardines du restaurant bordelais Tchin Tchin Wine Bar, lui même intoxiqué mais dont la sortie de l'hôpital est prévu ce mardi 19 septembre, est l'auteur de la première plainte. Les parents de la victime sont à l'origine de la seconde révèlent RTL et M6. Avocat au barreau du Pirée, le père de Maria G., la victime, serait particulièrement déterminé à mener le combat judiciaire, indique encore RTL.
Vendredi 15 septembre, soit trois jours avant le dépôt de plaintes, le parquet de Bordeaux annonçait l'ouverture d'une enquête préliminaire pour "homicide involontaire", "blessures involontaires", "mise sur le marché de denrées préjudiciables à la santé" et de "vente de denrées corrompues ou toxiques". Les peines encourues pour ces chefs d'accusation vont de deux à cinq ans de prison. En parallèle de l'enquête, les investigations pour tenter de retrouver de potentiels nouveaux cas de botulisme se poursuivent, mais la probabilité d'observer de nouvelles intoxications est désormais faible.
Des sardines en cause
L'enquête a été confiée à la police judiciaire, l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, et la Direction départementale de la protection des populations de la Gironde. Dans un nouveau bilan publié vendredi, l'Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine fait état de 15 "cas suspects de botulisme", parmi lesquels 11 personnes sont hospitalisées. Huit personnes sont hospitalisées en France, une en Espagne et deux en Angleterre, précisait l'ARS, ajoutant que six personnes sont toujours placées en réanimation au CHU de Bordeaux. Parmi ces 15 cas, une jeune femme de 32 ans est donc décédée, mardi 12 septembre. Ces personnes ont pour point commun d'avoir mangé dans un restaurant-bar bordelais appelé le "Tchin Tchin Wine Bar".
"Les aliments impliqués sont des bocaux de sardines à l'huile faites maison par le restaurateur et servies entre le 4 et le 10 septembre" dans ce restaurant, précise Santé publique France (SPF) dans un point de situation publié vendredi. "Je reconnais que j'avais un lot de sardines stérilisées et qu'à l'ouverture, j'ai dû en jeter certaines qui avaient une forte odeur. D'autres paraissaient saines et ont été servies aux clients", a déclaré, sur BFMTV, le gérant du restaurant. SPF indique par ailleurs que les personnes contaminées sont originaires de plusieurs pays étrangers : États-Unis, Canada, Irlande, Grande-Bretagne, Espagne, Allemagne, Grèce. Le parquet de Bordeaux précisait également que l'autopsie de la victime devait avoir lieu vendredi, et que les résultats devraient être connus en début de cette semaine.
La crainte de nouveaux cas
"A peu près 25 clients potentiels auraient pu manger ces bocaux de sardines", a déclaré Thierry Teuzet, directeur adjoint départemental de la protection des populations, lors d'une conférence de presse donnée le mercredi 13 septembre. Une alerte a été lancée à l'ensemble des professionnels de santé de France. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a également lancé une alerte mondiale, ce restaurant-bar étant prisé des touristes étrangers.
Les symptômes du botulisme interviennent généralement "dans les 72 heures suivant l'ingestion", a indiqué à franceinfo Benjamin Clouzeau, médecin-réanimateur au CHU de Bordeaux, mercredi dernier. Cependant, "on peut voir des tableaux évoluant de façon plus lente et plus subaiguë, conduisant à une forme grave de la maladie jusqu'à huit jours" après cette ingestion. Les dernières sardines ayant été servies le 10 septembre, de nouveaux cas pourraient donc se déclarer d'ici la fin de ce week-end.
Qu'est-ce que le botulisme ?
Selon l'Institut Pasteur, "le botulisme est une affection neurologique grave provoquée par une toxine très puissante produite par la bactérie Clostridium botulinum. Celle-ci se développe notamment dans les aliments mal conservés, et la maladie résulte en général d'une intoxication alimentaire. Si le botulisme est rare, sa mortalité reste élevée quand le traitement n'est pas immédiat".
Plusieurs symptômes peuvent se manifester lors d'une infection au botulisme. La vision de la personne contaminée devient floue, la bouche devient sèche à cause d'un défaut de déglutition et les muscles peuvent être paralysés. Les cas les plus graves touchent les muscles respiratoires, ce qui entraîne une insuffisance respiratoire.
Santé publique France indique que "le traitement du botulisme est essentiellement symptomatique et requiert, dans les formes sévères, des soins respiratoires intensifs avec ventilation assistée". Le temps d'hospitalisation peut cependant être réduit avec "l'administration d'anti-toxine botulique dans les heures ou les premiers jours après le début des symptômes", précise l'institution. Cette affection reste rare en France, avec entre 20 et 30 foyers recensés par an. Dans la grande majorité des cas, le botulisme est causé par la consommation de conserves familiales ou de produits artisanaux. L'Institut Pasteur affirme que "5 à 10% des cas" sont mortels.