De nombreux retraités finissent au tribunal : gare à cette caisse de retraite, les litiges s'accumulent
Jamais ils n'auraient pensé mener ce combat. Une bataille qui vient s'accumuler à des épreuves de vie, dont tous se seraient bien passés. Pour les uns, le soutien initialement promis s'est finalement transformé en conflit ; pour les autres, il s'agit d'une simple application des règles en vigueur.
Depuis plusieurs mois et années, de nombreux retraités, mais pas que, sont en conflit avec leur caisse de retraite et prévoyance. En cause principalement : des difficultés pour percevoir le capital qui leur est dû en raison d'un handicap ou d'un décès. Au point que des affaires sont portées devant la justice.
Pendant de nombreuses années, Corinne Girardot, ancienne travailleuse indépendante a versé de l'argent à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales, plus connue sous son acronyme Cipav. Comme elle, 1,2 million de Français y sont affiliés, mais quelques litiges sont en cours.
Selon les derniers chiffres officiels publiés par la Cour des comptes en 2022, plus de 2000 dossiers étaient portés devant les tribunaux. De son côté, la caisse nous affirme qu'il n'y a plus que 517 affaires en cours, dont 28 litiges concernant précisément la prévoyance.
A en croire les particuliers en fronde contre la Cipav, la typologie de cas litigieux semble être souvent la même : après un évènement, des ayants-droits (cotisants, veufs/veuves, enfants) demandent le versement du capital décès ou handicap. Après une longue attente de traitement du dossier, le montant annoncé n'est pas le bon. C'est là que le "dialogue de sourds" commence.
"Alors que les cotisations ont été versées, on reçoit des courriers dans lesquels on a des incohérences sur les années de cotisations, les montants…" affirme Corinne Girardot. Et des rattrapages sont régulièrement exigés. Dès lors, cela finit généralement devant les tribunaux. Une procédure de deux ans "minimum".
Habituellement, en première instance, la décision n'était pas favorable au réclamant. Ce n'est qu'en appel beaucoup ont obtenu gain de cause. Mais les choses viennent de changer. Début juin, le tribunal d'Annecy a condamné la Cipav en première instance à verser un capital-décès à la veuve d'un assuré, ce que la caisse rechignait à faire au motif que toutes les cotisations n'avaient pas été versées. Or, ces réclamations n'étaient "pas justifiées" selon la justice et "la caisse n'a pas contesté" que la plaignante "remplissait toutes les autres conditions pour prétendre au capital décès et rentes dues."
La Cipav n'ignore pas ces litiges. "Délicats et sensibles" aux yeux de François Clouet, directeur général, ces dossiers ne concernent qu'une infime partie des personnes rattachées à la caisse, tempère-t-il. Concernant les versements tardifs ou les montants minorés, la Cipav confirme que cela est le résultat de cotisations non-payées.
Lorsque cela est signifié, l'ayant-droit a six mois pour régler son dû, à partir du jour du décès ou du jour de la demande de pension d'invalidité (article 4.10 des statuts). Une règle amenée à évoluer. "On va revoir les conditions d'accès au capital décès. Il faut l'étendre le plus possible car face à certaines situations, nous n'avons pas de conjoint ou d'enfant bénéficiaire. Il faut pouvoir rendre possible l'accès au capital décès aux parents", explique François Clouet.
Quant à l'envoi tardif des rappels de cotisations, le directeur général de la Cipav évoque un croisement administratif. "La survenance du décès n'a pas le même calendrier que la relance de cotisation. Nous avions un rythme de recouvrement qui engageait une action contre l'assuré pour rappeler le débit de cotisation. Mais en cas de décès, nous rappelons le débit auprès de la succession."
Si sur les 10 dossiers tranchés par la justice depuis début 2025, 6 ont été favorables à la Cipav et 4 favorables aux ayants-droits, François Clouet affirme que la caisse "déploie une offre attentionnée pour répondre aux demandes des assurés." En revanche, pour les plaignants, "tous ces litiges ne peuvent pas être accidentels" d'autant que l'avocate de nombre d'entre eux "plaide sur les mêmes bases."
"Concernant la décision du tribunal d'Annecy début juin, la Cipav tient à préciser que la dette de l'assuré décédé n'a été soldée que tardivement, plus de 6 mois après le décès (décès le 25 juillet 2022 et règlement du début par le notaire le 11 septembre 2023, sachant que nous avions pris contact avec le notaire le 30 novembre 2022). Conformément à ses statuts, et dans un souci d'équité vis à vis des autres assurés, la Cipav ne peut pas verser le capital décès que dans la mesure où les cotisations impayées sont réglées dans un délai de 6 mois maximum.
Néanmoins, la Cipav souhaite faire évoluer cette disposition, au bénéfice des ayant-droits, et proposera prochainement que ce délai de 6 mois soit étendu à 2 ans. Depuis quelques mois, la Cipav traite avec bienveillance ces situations.
S'agissant de Madame Girardot, elle a été affiliée de 1988 à 2010. A partir de 2005, elle a systématiquement accusé du retard dans le paiement de ses cotisations à la Cipav : 2005 et 2006 sont payés en 2008, 2007 en 2010. Et en 2008, 2009 et 2010, la Cipav a été contrainte de recourir à un huissier pour obtenir le recouvrement des cotisations non perçues, avec plusieurs années de retard. La Cipav s'étonne, à tout le moins, qu'elle se permette de se plaindre du retard dans le versement des pensions.
Par ailleurs, la Cipav souligne le rapport plus récent de la Cour des comptes daté de mai 2024 qui saluait la trajectoire vertueuse poursuivie par la caisse : https://www.lacipav.fr/sites/
