Un contrôleur de train poursuivi pour avoir dit "bonjour", une autorité le blâme
Son seul tort est d'avoir dit "bonjour". En novembre dernier, un contrôleur de train de la SNCB, la société ferroviaire belge, avait fait l'objet d'une plainte d'un voyageur pour avoir dit "bonjour" alors que le train se trouvait à Vilvorde en Flandre, une région néerlandophone. L'affaire avait fait grand bruit en Belgique et continue de faire réagir après une décision rendue par la Commission permanente de contrôle linguistique le 12 juillet. L'autorité a jugé la plainte du voyageur et les poursuites contre le contrôleur fondées.
La Commission permanente de contrôle linguistique a rappelé que les règles linguistiques en vigueur, y compris pour la société ferroviaire, interdisent l'usage d'une autre langue que le néerlandais dans un train circulant en territoire flamand. Les consignes vont plus loin puisque d'un bout à l'autre de la Flandre, les écrans d'information affichent exclusivement des messages en néerlandais même si le train est parti d'un territoire multilingue. Ilyass Alba a donc, aux yeux de la commission, eu tort d'accompagner son "goedendag" ("bonjour" en néerlandais) de l'équivalent français. "Tant que le train est encore en Flandre, il est interdit de saluer les voyageurs, même oralement, par un "Goedendag Bonjour". Ce n'est que si un passager s'adresse à un accompagnateur de train en français que l'accompagnateur est autorisé à répondre en français", précise, agacé, Ilyass Alba en réaction à la décision de la commission dans un post sur Facebook.
"Ne peut-on pas faire preuve d'ouverture d'esprit ?"
La Flandre est le seul territoire belge à appliquer des règles aussi strictes concernant les langues utilisées dans le pays polyglotte. La seule exception concerne la capitale : à Bruxelles, les trains sont autorisés à diffuser des annonces en néerlandais et en français. Une loi héritière "du passé unilingue de la Belgique", mais dépassée selon le contrôleur de train : "Il est temps de changer cette loi ! Un train ça se déplace. Va-t-on interdire les annonces en néerlandais, français et anglais dans les trains EUROCITY ou EUROSTAR à destination de Rotterdam lorsque le train est à Mechelen ou Antwerpen ?", écrit Ilyass Alba dans une question rhétorique.
"Quelle Belgique ! Qu'un voyageur porte plainte pour ça, dans un souci de protéger sa langue maternelle, je comprends. Mais qu'une commission donne raison à celui-ci alors que les voyageurs viennent du monde entier visiter la Belgique est le signe d'une fermeture d'esprit de la part d'une petite élite flamande", ajoute l'agent de la SNCB. "Qu'est-ce qu'il se passe pour penser comme ça ? Ne peut-on pas faire preuve d'ouverture d'esprit ?", poursuit-il dans son message interpellant la Commission permanente de contrôle linguistique sur le fait que "100% des trains venant de Wallonie traversent la Flandre pour rentrer à Bruxelles". Et Ilyass Alba de demander : "Ne peut-on pas saluer tout le monde dans les deux langues directement ?", évoquant le "respect" des voyageurs d'où qu'ils viennent en Belgique.
Le contrôleur de train n'est pas le seul à s'être plaint des règles linguistiques très strictes. L'homme a reçu le soutien du ministre démissionnaire de la Mobilité qui a réagi à l'affaire en appelant à plus souplesse dans l'application des lois linguistiques rappelle BFM Business. Une prise de position forte en Belgique, un pays divisé entre deux communautés vivant de façon très séparées. La patronne de la SNCB a également soutenu son agent, sans que cela influe sur la décision de la commission.
Si l'affaire fait beaucoup de bruit, le contrôle de train risque peu de chose malgré les poursuites, "peut-être un avertissement" qui s'adressera aussi à la compagnie ferroviaire selon la RTBF. L'homme n'a pas été sanctionné par la SNCB, pas sûr cependant qu'il réitère son "bonjour" en Flandre.