Une attaque de Fordo en Iran entraînerait-elle une catastrophe nucléaire ? La réponse des experts
Le nom de ce village iranien concentre une grande partie de l'attention dans le conflit entre Israël et l'Iran, il s'agit de Fordo. La ville située au nord-ouest de l'Iran abrite l'un des sites nucléaires les plus stratégiques pour le programme nucléaire iranien : une salle immense longue de 250 mètres sur 13 mètres de large remplie de 3 000 centrifugeuses destinées à enrichir de l'uranium. Une capacité bien moins importante que le site nucléaire de Natanz, qui compte 16 000 centrifugeuses, mais bien mieux protégée. Ce site se trouve isolé dans le désert et surtout enfoui à 80 ou 90 mètres de profondeur.
Si loin sous terre, le site de Fordo est assuré de pouvoir poursuivre le processus d'enrichissement d'uranium nécessaire à la confection d'une arme nucléaire en toutes circonstances puisqu'il est quasiment inatteignable. "La solidité géologique de Fordo rend sa salle des centrifugeuses impossible à atteindre avec des bombes conventionnelles larguées par les airs", rapporte le Financial Times. Une seule bombe semble en mesure d'infliger des dégâts à ce site : la bombe américaine GBU-57. Et même l'envoi d'un tel engin ne garantit pas le succès puisque sa capacité de pénétration est de 60 mètres dans le sol, il en faudrait donc au minimum deux pour espérer détruire le site nucléaire de Fordo. Après une semaine de bombardements israéliens sur les sites nucléaires et militaires iraniens, "aucun dommage" n'a été constaté sur le site de Fordo par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Des radiations nucléaires "limitées" et "gérables"
Lancer une bombe GBU-57 sur Fordo ne semble pas faire partie du plan des Etats-Unis pour le moment surement refroidie par l'idée d'attaquer un site nucléaire. Mais qu'arriverait-il si une frappe suffisamment puissante venait à toucher ce site sensible d'enrichissement en uranium iranien ? Il y aurait assurément une ou plusieurs fuites de radiations nucléaires, celles-ci seraient cependant "limitées" à la zone de Fordo. "Il est peu probable que cela provoque une contamination environnementale importante et généralisée de la santé", d'après les déclarations de Kelsey Davenport, la directrice de la politique de non-prolifération à l'Arms Control Association, auprès de CNN. Les conséquences d'une attaque sur le site de Fordo seraient "gérables si les gens portaient l'équipement de protection approprié", ajoute l'experte.
Les spécialistes du nucléaire s'accordent pour dire que la destruction ou l'endommagement du site d'enrichissement de Fordo entraînerait surtout des dégâts chimiques dus au gaz d'hexafluorure d'uranium introduit dans les centrifugeuses. Il n'y aurait "pas de risque majeur de dispersion de radiations à Fordo car l'uranium enrichi est frais", comme l'explique Scott Roecker, vice-président de la sécurité des matières nucléaires chez NTI, toujours à CNN.
Une attaque sur le site de Fordo n'est pas comparable à une frappe lancée sur un réacteur nucléaire, les conséquences seraient donc nettement moins dévastatrices. Mais si l'Iran a considérablement développé son programme nucléaire, les autorités compétentes en la matière, dont l'AIEA, n'ont pas relevé la présence de réacteur nucléaire dans le pays. Même si un tel engin se trouvait en Iran, il est "extrêmement improbable" qu'Israël ou les Etats-Unis décident de l'attaquer selon Kelsey Davenport qui rappelle que cela "constituerait une violation flagrante du droit international" et que "des radiations généralisées et une contamination environnementale dévastatrice" toucheraient l'ensemble de la région.
L'Iran proche de l'arme nucléaire
Les risques encourus à attaquer le site nucléaires de Fordo semblent moindres que le danger représenté par la poursuite de l'enrichissement d'uranium sur place à en croire David Albright, membre du think tank spécialisé Institut pour la science et la sécurité internationale. Selon lui, l'Iran pourrait obtenir "neuf armes nucléaires en un mois" en maintenant le rythme de processus d'enrichissement. "Si Fordo reste opérationnel, l'offensive israélienne pourrait à peine ralentir l'avancée de l'Iran vers la bombe atomique", ajoute-t-il auprès de Public Sénat.
Construit secrètement au début des années 2000, le site de Fordo a été repéré en 2009 pour les services de renseignement occidentaux. Officiellement alloué aux recherches à visée civile après l'accord sur le nucléaire iranien, le site a participé au développement du programme nucléaire iranien après le retrait américain de l'accord en 2018. En 2023, l'AIEA a détecté des particules d'uranium enrichies à 83,7 % au sein du site de Fordo, un chiffre proche du seuil fatidique des 90 % nécessaire à la fabrication de l'arme nucléaire. Le ministre iranien de l'Energie atomique a récemment indiqué que le site fonctionnait à "pleine capacité" et que sa production d'uranium enrichi y avait "significativement augmenté".