Projet Lyon-Turin : à quoi doit servir cette ligne ferroviaire ?
La ligne ferroviaire Lyon - Turin est un projet vieux d'une trentaine d'années. Mais voilà qu'il revient sur le devant de la scène avec la nouvelle vagues d'oppositions exprimée contre le chantier. Les 17 et 18 juin 2023, plus de 3 200 personnes se sont mobilisées à l'appel des Soulèvements de la Terre et de dix autres associations pour dénoncer le projet. Mais en quoi consiste le chantier ferroviaire et à quoi doit servir la ligne Lyon - Turin ?
Le chantier pharaonique a commencé en 1992 et doit permettre de construire une ligne ferroviaire longue de 270 km (70% en France et 30% en Italie), dont 162 km en galerie, pour relier les villes de Lyon et de Turin en passant par l'arc alpin. Les services publiques des deux pays sont parties au projet et le promoteur public franco-italien TELT est chargé de la réalisation de la section transfrontalière du projet.
Quel est le tracé du projet Lyon-Turin ?
Comme le nom de la ligne ferroviaire l'indique, les rails en construction doivent relier Lyon et Turin et va plus ou moins longer la ligne historique qui permet déjà de faire le trajet transalpin. Le tracé est arrêté du côté italien, mais en France le chemin pour joindre les gares de Lyon et de Saint-Jean-de-Maurienne n'est pas encore déterminé. Une option semble toutefois fortement favorisée : celle qui prévoit le passage par trois tunnels (sous la Chartreuse, sous Belledonne et sous le col du Glandon) plutôt que dans les vallées existantes.
La partie du projet Lyon-Turin qui concentre l'attention est celle appelée "tunnel de base" qui correspond à la partie transfrontalière de chantier. Il s'agit d'un tunnel long de 57,5 kilomètres (45 km en France et 12,5 km en Italie) que doit relier les gares de Saint-Jean-de-Maurienne et de Suse. Pour l'heure 10 km ont déjà été creusés du côté français du tunnel.
A quoi doit servir la ligne ferroviaire Lyon-Turin ?
Pourquoi construire une telle ligne ? Pour "réduire les temps et les coûts du transport de voyageurs et de marchandises" répond le promoteur TELT sur son site. Mais c'est surtout le transport de fret qui doit, à terme, bénéficier de la nouvelle ligne ferroviaire. Chaque année 44 millions de tonnes de marchandises transitent par les routes transalpines et la ligne Lyon-Turin doit permettre de prendre en charge la circulation de 25 millions de tonnes de fret.
En absorbant une telle part du transport de marchandises, qui passe aujourd'hui par les routes, le Lyon-Turin doit également permettre "de délester les routes alpines d'un million de poids lourds et de réduire chaque année les émissions de gaz à effet de serre d'environ un million de tonnes d'équivalent CO2", ce qui correspond selon TELT à "l'équivalent produit par une ville de 300 000 habitants".
Enfin, la nouvelle ligne Lyon-Turin pourrait raccourcir les temps de trajet. Il ne suffirait plus que d'1h47 pour relier Lyon à Turin, contre 3h47 aujourd'hui et 4h30 pour relier Lyon à Milan, contre environ 7 heures actuellement.
Quand la ligne ferroviaire Lyon-Turin doit-elle être terminée ?
Le projet Lyon-Turin devait initialement être rendu à l'horizon 2030, mais depuis son lancement le chantier a pris du retard. Les sections en galerie sont celles qui vont demander le plus de temps et à date de juin 2023, 32,5 km de galerie sont construits sur les 162 que compte le projet. Désormais la livraison du tunnel de base transfrontalier est prévue pour 2032, mais à cette date toutes les voies d'accès ne seront certainement pas terminées du côté français. France 3 rapporte que si l'Italie s'est engagée a livré ses voies d'accès au même temps que le tunnel, en France le chantier pourrait prendre quelques années de retard. La construction des voies d'accès n'ayant pas encore commencé, faut d'avoir arrêté le tracé définitif de la ligne ferroviaire.
Combien coûté le projet Lyon-Turin ?
Un tel chantier a un coût que doivent se partager la France, l'Italie et l'UE. Rien que la réalisation de la section transfrontalière avoisine les 8,6 milliards d'euros selon le promoteur TELT. En prenant en compte l'ensemble des travaux nécessaires pour les 270 km de la nouvelle ligne Lyon-Turin, on atteint 26 milliards d'euros, selon un rapport de la Cour des comptes publié en 2012, rappelle France Inter. Une somme censée être financée à 40% par l'Union européenne, 35% par l'Italie et 25% par la France.
Pourquoi le projet Lyon-Turin est-il critiqué ?
De nombreuses associations écologistes et élus de gauche militent aujourd'hui contre ce projet de ligne ferroviaire entre Lyon et Turin, lancé en 1991. Ils estiment notamment que la ligne qui existe déjà entre les deux villes est sous-exploitée. Sur les 10 millions de fret qu'elle est censé transporter à l'année, seulement 2,9 millions de marchandises passent sur ses rails. En plus d'être mieux et plus utilisée, la ligne ferroviaire dite historique pourrait être modernisée comme le préconisait un récent rapport du Comité d'orientation des infrastructures (COI), une instance consultative placée auprès du ministre chargé des Transports.
Une opération de modernisation permettrait à la ligne historique d'absorber le transports de plus de 16 millions de tonnes de fret sur les 44 annuelles. Un objectif qui se rapproche des 25 millions de tonnes de la nouvelle ligne Lyon-Turin. "Il y a déjà des lignes qui existent et en vingt ans, le fret ferroviaire entre la France et l'Italie a été divisé par 5", a abondé dans ce sens la députée écologiste Sandrine Rousseau, invitée sur franceinfo le 16 juin 2023. Et l'élue d'ajouter que les millions d'euros investis dans ce projet "devraient être mis sur le soutien à un réseau de fret existant partout en France, à la rénovation des lignes, au renforcement des infrastructures".
C'est aussi et surtout l'impact environnemental du projet titanesque qui est pointé du doigt. "Déjà des dizaines de sources drainées par les machines ont tari ou perdu du débit, des nappes phréatiques ont été percées, 1 500 hectares de terres agricoles seront artificialisés", alerte l'association Les Soulèvements de la Terre. "On ne s'oppose pas au train. C'est le mode de transport qu'il faut favoriser. Mais là, on s'oppose à la construction d'une ligne juxtaposée à une ligne qui existe déjà. Même si c'est pour gagner une heure de trajet, c'est absurde", a expliqué Pina, porte-parole des Soulèvements de la Terre, le 16 juin auprès de France 3.
Les défenseurs du projet répondent de leur côté que la ligne existante est trop ancienne pour y augmenter significativement le fret ferroviaire. "L'infrastructure date du XIXe siècle et on ne peut pas massifier le trafic pour des raisons de sécurité", affirme ainsi Stéphane Guggino, délégué général de la Transalpine, une association regroupant des acteurs impliqués dans ce projet et militant pour faciliter et accélérer sa construction. "Le projet ne videra pas les Alpes de son eau. Il y a une vraie différence entre militance et compétence sur ce sujet", assène-t-il. Des propos rapportés par Ouest-France. Pourtant, le ministère de la Transition écologique a été saisi il y a un an par la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement sur "les risques que présente le chantier pour les captages d'eau potable", rappelle Reporterre, qui précise que le ministère n'a pas fourni de réponse.