L'arrêt du chantier de l'A69 a-t-il fait perdre des dizaines de millions d'euros ?
La justice a redonné le feu vert aux travaux de construction de l'autoroute Toulouse-Castres (A69), le mercredi 28 mai. Alors que le tribunal administratif de Toulouse avait suspendu le chantier dans une décision du 27 février, la cour d'appel administrative de la ville rose a "prononcé le sursis à l'exécution du jugement" après un recours en urgence déposé par l'Etat. La même instance doit encore se prononcer sur le fond du dossier dans plusieurs mois, mais d'ici là, sa décision permet la reprise du chantier.
Une nouvelle bienvenue pour le ministre des Transports, Philippe Tabarot, mais aussi pour le maire de Castres, Pascal Bugis, qui estime que l'arrêt de travaux a été "un gâchis sur un plan financier" et a "augmenté le coût du chantier", dont le montant initial a été évalué à 459 millions d'euros.
Les sénateurs et les concessionnaires chargés de la construction de l'A69 ont la même appréciation des effets de l'arrêt des travaux sur le prix du chantier. Dans un rapport daté du 7 mai, les sénateurs ont indiqué que l'interruption du chantier a entraîné "des coûts incontestables pour les concessionnaires, pour l'immobilisation du personnel et du matériel et la mise en sécurité du chantier ". Des coûts qui sont difficiles à chiffrer selon la direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGITM), mais qui ont été estimés par les entreprises chargées des travaux et notamment Atosca pour l'A69, le tronçon entre Verfeil et Castres.
Des chiffres gonflés à plus de 22 millions d'euros ?
S'appuyant sur les estimations d'Atosca, les sénateurs ont écrit dans leur rapport que l'arrêt du chantier avait augmenté la facture de plus d'une dizaine de millions d'euros : 5 millions auraient été dépensés par Atosca pour la démobilisation du personnel et des machines, en plus d'un coût journalier évalué à 200 000€ pour la sécurisation du chantier. Les travaux étant arrêtés depuis 87 jours à date du jugement de la cour d'appel administrative, ces coûts journaliers s'élèveraient à plus de 17 millions d'euros. Le chantier ne doit reprendre qu'à la "mi-juin" selon le ministre des Transports, un délai qui devrait donc ajouter 3 millions d'euros de frais jusqu'à la reprise. Au total, la suspension des travaux de l'A69 aurait coûté 22 à 25 millions d'euros selon les calculs d'Atosca et des sénateurs. Et c'est sans compter les "plusieurs dizaines de millions d'euros" de surcoût estimés par Vinci autoroutes pour les travaux de l'A680, entre Toulouse et Verfeil.
Ces chiffres sont vivement contestés par les opposants à la construction de l'A69 qui soupçonnent les concessionnaires et les sénateurs d'avoir gonflé les coûts de la mise à l'arrêt du chantier pour pousser à la reprise des travaux. Ils remettent d'ailleurs en question le calcul de la sécurité du chantier évaluée à 200 000€ par jour, un montant jugé "absurde" pour financer 120 ouvriers fantômes et des machines à l'arrêt. Le collectif La Voie est libre pointe des incohérences entre le coût du chantier et le coût de son arrêté, démonstration chiffrée à l'appui comme le rapport Voix du Midi : " Combien coûterait alors le chantier avec ses 1 000 salariés sur site et 350 machines en activité, soit a minima huit fois plus de moyens mobilisés ? Et bien huit fois plus cher soit environ 500 millions d'euros par an." Des estimations qui ne collent pas avec le coût officiel du projet : "À ce rythme-là, les trois ans de chantier de l'A69 auraient coûté 1,5 milliard d'euros, pour un chantier censé coûter 459 millions d'euros. "
L'avancée des travaux et des indemnités surestimées
Les sénateurs, favorables à la reprise du chantier, ont également avancé l'argument des indemnités qu'il faudrait verser aux concessionnaires en cas d'arrêt définitif du chantier dans leur rapport, ainsi que celui du coût des travaux de remise en état des terrains. L'interruption du chantier étant "imprévisible et hors du contrôle des concessionnaires", la DGITM a indiqué qu'une demande d'indemnisation était possible à hauteur du coût des travaux déjà réalisés. A cette indemnisation s'ajouterait le prix, au moins équivalent, des travaux de destruction et de renaturation. "Selon Atosca, le coût des travaux déjà réalisés s'élève à 250 millions d'euros, ce qui laisse envisager un coût total d'au moins 500 millions d'euros" pour l'Etat, écrivent les sénateurs.
Un montant conséquent, mais encore une fois remis en cause par les opposants à l'A69. Le collectif La Voie est libre doute que plus de la moitié du budget des travaux de construction ait été dépensé au regard de l'avancée du chantier : 50% des terrassements n'ont pas été réalisés, 70 ouvrages sont manquants et l'ensemble de la chaussée doit encore être coulée.
Pour faire la lumière sur le montant de la construction de l'A69 et sur les coûts supplémentaires de l'arrêt du chantier, le collectif d'opposants a réclamé un audit de la Cour des comptes.