Des stades vides et beaucoup d'argent perdu - mais l'Arabie Saoudite a déjà réussi son pari dans le football

Des stades vides et beaucoup d'argent perdu - mais l'Arabie Saoudite a déjà réussi son pari dans le football L'Arabie Saoudite a recruté de nombreuses stars, dépensé des milliards d'euros, et son championnat stagne toujours. Mais, pour le pays, l'objectif est ailleurs.

En apparence, le pari de l'Arabie Saoudite dans le football ne semble pas fructueux. Malgré les stars recrutées et les milliards investis, les stades sont encore peu remplis et les revenus commerciaux et de droits TV sont loin de compenser les dépenses consenties.

Près de 20% des matches se jouent devant moins de 1000 spectateurs : l'équivalent des rencontres de quatrième division française ou de sixième division anglaise. L'affluence moyenne est à peine supérieure à 10 000 spectateurs, deux fois moins qu'en Ligue 1 et quatre fois moins qu'en Allemagne ou en Angleterre. De la même manière, peu de gens regardent régulièrement la Saudi Pro League. En témoignent les valeurs des contrats de retransmission du championnat, comme celui signé avec DAZN pour le Royaume-Uni : il est évalué à tout juste 500 000 euros, contre plus de 2 milliards pour la Premier League anglaise et 500 millions pour le championnat français. Incontestablement, l'Arabie Saoudite n'est pas parvenue à éveiller la curiosité du public international, et perd de l'argent dans le secteur sportif.

Mais, pour l'Arabie Saoudite, tous ces constats sont secondaires. L'idée n'est pas de rentabiliser les investissements sportifs par des revenus sportifs. Pour le Royaume, l'enjeu est bien plus vaste. D'abord, se positionner comme une grande puissance mondiale au niveau géopolitique : pour cela, le gouvernement saoudien avait l'argent, et il est désormais en passe d'acquérir le prestige, c'est-à-dire un soft power sportif et, dans une moindre mesure, culturel. Et cette stratégie dépasse largement le cadre du football.

Le principal enjeu, celui qui a motivé ces investissements, est bien économique : il s'agit, pour l'Arabie Saoudite comme pour le Qatar par exemple, de diversifier ses secteurs d'activités et donc de revenus. Comme son modeste voisin (par la taille), l'Arabie Saoudite prospère grâce au pétrole : il représente plus de 75% des revenus d'exportation et plus d'un tiers du Produit Intérieur Brut du pays. Et comme son voisin, l'Arabie Saoudite a notamment misé sur le tourisme pour être moins dépendant de l'or noir, dont le cours est très instable et qui est de moins en moins vu comme une ressource d'avenir. Le sport est l'un des leviers les plus efficaces pour faire la promotion du pays auprès des touristes étrangers potentiels.

L'Arabie Saoudite est en bonne voie pour accomplir ses objectifs. Après une chute inexorable pendant la pandémie de Covid-19, elle a vu le nombre de touristes augmenter exponentiellement en 2022 puis au début de l'année 2023. Le pays a reçu 16,6 millions de touristes en 2022, puis pas moins de 7,8 millions dans le premier quart de l'année 2023, ce qui représente une augmentation de 64% par rapport à la même période en 2019, avant le Covid. Il y a aussi eu 93,5 millions de visiteurs en 2022, soit plus du double de 2019. Néanmoins, de nombreux projets saoudiens semblent avoir du plomb dans l'aile, notamment dans d'autres secteurs où le Royaume a investi : la recherche, l'innovation, les nouvelles technologies. La transition économique du pays ne se fait pas aussi vite que l'annonçait le nom du grand plan de développement saoudien : "Vision 2030".