Tony Estanguet (Canoë) "Je veux m'inspirer d'Usain Bolt, qui est capable de s'éclater malgré l'enjeu"

Tony Estanguet va essayer de se qualifier pour ses quatrièmes JO. Le double champion olympique de canoë aimerait avoir une dernière occasion de briller dans cette compétition.

Quand et où vont se dérouler les qualifications pour vous ?

Les qualifications auront lieu à Pau, du 3 au 7 avril. Cela consiste en trois compétitions, et on additionne les 2 meilleurs résultats de chaque concurrent. Il n'y a qu'une seule place donc la règle est assez simple : il faut gagner deux courses pour espérer aller aux Jeux.

Et ça se présente comment ?

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Tony Estanguet, double champion olympique. © Alain Legrand - Galerie photo

Ça reste jouable pour moi, je fais partie des prétendants pour la qualification. Mais je ne suis pas le favori. Dans ma discipline, il y a Denis Gargaud-Chanut, qui est champion du monde en titre, premier au classement mondial en C1. Je suis donc de nouveau dans la peau de l'outsider. Mais je vais essayer de m'accrocher et d'affronter cette nouvelle situation.

L'expérience olympique peut jouer en votre faveur aussi dans cette qualification ?

Je vais essayer de jouer là-dessus, ainsi que sur l'envie. Je n'ai pas non plus tout à perdre puisque j'ai déjà participé aux Jeux, donc si je n'y vais pas une 4e fois ce n'est pas la fin du monde...

Mais est-ce qu'on peut vraiment se lasser des Jeux ?

Bah non, voilà bien le problème ! Si je peux y regoûter une dernière fois, je ne suis pas contre ! Et je vais vraiment tout faire pour essayer d'y retourner car j'ai une histoire forte avec les Jeux [Estanguet a été champion olympique en C1 en 2000 et 2004, et porte-drapeau de la délégation française en 2008, ndlr]. Je ne m'en lasse pas.

Surtout qu'il y a 4 ans, vous étiez porte-drapeau mais vous étiez un peu passé à côté sur le plan sportif.  Avez-vous un esprit de revanche ?

C'est vrai qu'il y a un peu de frustration concernant Pékin. L'impression d'avoir tout fait à l'envers. J'ai envie d'avoir une nouvelle chance pour essayer de refaire tout à l'endroit. Ça serait bien. Mais cette frustration est un peu passée malgré tout puisque j'ai fait une belle olympiade [période de 4 ans entre les JO, ndlr] avec deux titres de champion du monde et un titre de champion d'Europe. Donc je me suis vraiment régalé, et j'ai bien fait de continuer ma carrière (je m'étais vraiment posé la question d'arrêter après Pékin). Je ne suis pas revanchard dans ma tête mais j'aimerais bien avoir cette dernière occasion.

Les Jeux sont une vitrine assez importante pour le canoë-kayak. Est-ce que ça met une pression supplémentaire ?

C'est vrai que nous, on n'existe qu'à travers les Jeux. Et c'est vrai qu'on sait qu'il ne faut pas se rater ce jour-là. En tous les cas, c'est une opportunité incroyable pour changer un peu sa carrière et sa vie. C'est un moment couperet pour un kayakiste ou un céiste. On prend le départ aux Jeux différemment par rapport au championnat du monde.

Quels sont les événements olympiques qui vous ont le plus marqué ?

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Tony Estanguet fait partie du team BMW Performance. © Marie Rialland / L'Internaute Magazine

J'en retiens deux. La première fois que je rentre dans un stade olympique, en 2000, pour la cérémonie d'ouverture des Jeux de Sydney. C'est le souvenir qui m'a le plus marqué. J'ai eu des frissons, j'étais perdu, je me souviens très bien que Laurent Burtz (qui avait déjà fait les Jeux de 1996 en kayak) me portait presque tellement j'étais impressionné par l'ambiance et la magie qui régnait dans ce stade olympique.

Et puis il y a aussi la victoire d'Usain Bolt à Pékin qui m'a marquée. Je sortais de mon épreuve sportive qui ne s'était pas très bien passée et j'ai eu, en tant que porte-drapeau, la possibilité d'aller assister à beaucoup d'épreuves. J'ai été marqué par cette victoire là. Parce que je me suis dit à moi-même : "Tu as mis vraiment trop de sérieux dans ta préparation, tu t'es pris le chou pendant 4 ans pour gagner ce troisième titre et tu en as fait des tonnes... Alors que ce mec là [Usain Bolt], il s'éclate pendant cet événement majeur que toute la planète attend". C'était vraiment une belle leçon, ça m'a sauté aux yeux. Je suis resté scotché sur ma chaise, c'était un grand moment. Quand j'ai pris la décision de repartir, de ne pas prendre ma retraite, je me suis dit "Inspire-toi de cette jeunesse, de ces nouveaux champions qui sont capables de s'éclater malgré l'enjeu".

Dans le team BMW Performance, vous côtoyez Laura Flessel, qui va tenter de se qualifier pour ses 5e JO. Est-ce que ça vous motive ?

Je mesure la carrière de Laura Flessel et ce que cela représente de se qualifier 5 fois pour les Jeux. J'ai beaucoup de respect pour son parcours. Franchement, je n'ai pas décidé de l'issue de ma carrière. S'il y a non-sélection début avril, est-ce que j'arrête ou pas ? Je ne sais pas. Même s'il y a sélection, est-ce que j'arrête après les Jeux ? Ça dépendra vraiment de comment se passe cette saison, si j'arrive à prendre du plaisir sur les grands rendez-vous.

En tant qu'ancien porte-drapeau, avez-vous un favori pour le futur ambassadeur de l'équipe de France à Londres ?

Non, je n'aimerais pas être celui qui va choisir parce que c'est vraiment un choix délicat. Des profils complètement différents, tout aussi intéressants. Ils ont tous une belle histoire olympique à raconter. Ce sont de beaux exemples pour l'ensemble de la délégation. Ce n'est pas à moi d'assumer la stratégie du mouvement olympique et de dire "On va plutôt privilégier la légitimité olympique, ou la légitimité sportive et charismatique". Mais dans tous les cas, ce sera un beau porte-drapeau.

Le porte-drapeau ne doit-il pas représenter un sport amateur ?

Au début, c'est vrai que j'étais un peu surpris de voir la candidature de Tony Parker, je trouvais ça un peu déplacé. Et en y réfléchissant, je me suis vite rendu compte que son histoire olympique est attachante parce que c'est quelqu'un qui a vraiment le rêve d'aller gagner une médaille aux Jeux. Il s'est battu comme un lion pour cela. Il est sans doute le sportif français le plus connu dans le monde, celui qui nous représente le mieux à l'international. Donc c'est une belle vitrine. Avec ces éléments, je me dis... pourquoi pas ?