Jean-Baptiste Mérillot "Il n'y a pas de saison moins intéressante qu'une autre dans le Jura"

Jean-Baptiste Mérillot est né dans le Jura et a décidé de restituer l'âme de cette région préservée en lui dédiant un livre. Retour sur le succès de "Jura, terre d'audace" et sur les émotions qui ont déclenché ces fameux clichés.

Que trouvez-vous dans la nature du Jura que vous ne trouvez pas dans d'autres régions sauvages de France ?

Jean-Baptiste Mérillot : La diversité. Que ce soit des espèces, de la flore, ou des paysages tout simplement. Bien que d'autres régions de France aient leur propre personnalité et soient également intéressantes, je trouve le Jura plus varié. Peu de régions en France disposent d'une telle topographie de terrain. On passe de la Bresse jurassienne qui se situe aux alentours des 180 m d'altitude, aux monts du Haut-Jura, à plus de 1 500 m, en très peu de temps. Mais ce qui est différent d'autres régions disposant d'une topographie similaire, c'est que cette évolution d'altitude ne se traduit pas par une pente, mais par des plateaux, de plusieurs dizaines de kilomètres chacun, comme de longues marches d'escalier. Chaque plateau a sa propre typicité et offre des paysages différents, une faune différente... Et puis la diversité des forêts, des feuillus en plaine et des sapins en altitude, fait qu'il n'y a pas de saison moins intéressante que d'autre.  

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Le Jura dans la brume matinale © Jean-Baptiste Mérillot

Quel moment de la journée préférez-vous pour photographier la nature jurassienne ?

Les traditionnelles photos au petit matin et au coucher du soleil le soir restent bien évidemment les meilleures, comme partout. Mais il est tout à fait possible de photographier en pleine journée. Je trouve, à heure et jour égaux, la lumière différente suivant les plateaux... Alors qu'elle peut paraître dure dans la plaine, elle est souvent plus douce au fur et à mesure que l'on monte "dans le haut". En ce qui concerne la photographie animalière, suivant les espèces, il est préférable de se lever tôt le matin, ou d'attendre un peu. Je peux donc facilement trouver sujet à "mettre en boîte" toute la journée, à n'importe quelle saison. Reste aussi la nuit ! Je sors régulièrement pour photographier des paysages nocturnes, des poses de plusieurs minutes, voire plusieurs heures sont parfois nécessaires. Je suis également chasseur d'orage et d'étoiles, la nuit est donc pour moi, souvent toute aussi importante que le jour pour la photographie... 


Apprenez-vous à reconnaître les espèces des endroits que vous photographiez en amont ou avez-vous une démarche photographique spontanée, c'est-à-dire en photographiant d'abord puis en cherchant à déterminer les espèces que vous avez prises en photo, ensuite ?

Les deux cas sont possibles. En fait, la démarche est différente suivant le type... de démarche justement ! Bien que n'étant pas un spécialiste dans le domaine de l'ornithologie par exemple, si je décide d'affûter sur un plan d'eau, j'effectue déjà plusieurs repérages aux jumelles, afin de déterminer les espèces présentes. Ensuite, je me renseigne, soit dans des livres, soit auprès de spécialistes afin de mettre à la fois le plus de chances de mon côté de ramener de bons clichés, et déranger le moins possible le sujet. La démarche est la même sur un affût fixe terrestre. À ce moment-là, mes "indicateurs" sont plus souvent des habitants, des chasseurs, ou des gens travaillant à l'ONF. Régulièrement, je reçois des appels me signalant telle ou telle espèce qu'ils ont repérée. Il y a quelques jours, un maire d'une commune m'a téléphoné pour me signaler une buse variable albinos.

Autre démarche, l'approche. Dans ce cas, il s'agit plus de se déplacer en tenue de camouflage à la recherche de vie sauvage, que de l'étude d'un sujet particulier. C'est donc effectivement plus une démarche de photographie spontanée. Néanmoins, même si les espèces sont alors souvent connues, il m'arrive parfois d'en découvrir d'autres que je n'ai jamais vues. Rentré à la maison, les recherches commencent...

 

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L'eau figée de la rivière © Jean-Baptiste Mérillot

Votre livre, "Jura, terre d'audace", est-il une idée qui vous est venue comme cela ou est-ce le fruit de plusieurs années de travail ?

Ça a été très rapide, mais les photos qu'il contient sont issues de nombreuses années de travail. En fait, l'histoire et la naissance du projet ne m'appartiennent pas. Un jour de février, je reçois un appel d'un éditeur lyonnais qui avait vu mon site Internet et voulait faire un livre avec moi. Une semaine après, le rendez-vous était pris. J'avais préparé une sélection d'environ 6 000 photos. Nous avons, en quelques heures, sélectionné 500 photos intéressantes pour le projet, pas forcément les meilleures, mais il fallait garder à l'esprit que ce livre aurait plus une vocation touristique qu'artistique. Ce fut extrêmement difficile, il fallait passer de 500 à 130 photos. La sélection fût douloureuse. Ensuite, tout s'est enchaîné très vite, et le livre est sorti fin mai, à peine 3 mois après le contact. Cette première expérience d'édition à grande échelle fût très intéressante. Ce fut un vrai travail collaboratif. Au final, l'ouvrage est magnifique, la qualité d'impression est surprenante, le vernis sélectif sur chaque cliché donne l'impression de tenir à chaque page une vraie photo.
Et puis le succès est là, plus des 2 tiers des 3 000 livres vendus en 5 mois ! Il faut dire que sa qualité l'a fait remarquer. De nombreuses entreprises du Jura en ont commandé, pour leurs clients, avec une première page personnalisée à leur entête... Nous avons également passé un contrat avec La Poste, le livre étant depuis juillet distribué dans tous les guichets du département. Et les retombées ne s'arrêtent pas là ! Le Comité du Tourisme m'a approché, nous allons sortir en 2008, toujours avec La Poste, une série d'enveloppes "Prêt à Poster"...  

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Jean-Baptiste Mérillot © Olivier Blondeaux

Vous avez réalisé un affût flottant, afin d'aborder les animaux aquatiques au plus près, sans les déranger. Quels sont vos conseils pour ceux qui souhaiteraient en faire autant ?

Réfléchir longtemps, faire des plans, des calculs de flottaison, et puis se lancer. Il ne faut pas prendre cette "discipline" à la légère, ça peut-être dangereux. Il m'est arrivé de rester coincé dans la vase, vers la digue d'un étang. On ne fait pas le fier quand on à juste la tête qui sort de l'eau ! Autre point important, la combinaison : si la combinaison de plongée, flottante ou non, peut-être utilisée, rien ne vaut à mes yeux des waders en néoprène, pas en PVC ! Si l'eau s'engouffre dedans, le néoprène va flotter, alors que le PVC va vous faire couler ! J'en profite pour dire qu'il est nécessaire de demander au propriétaire, non seulement l'autorisation, mais également la dangerosité du site. Pour l'affût en lui-même, il doit être solide et étanche. Le mien est construit sur une base de tuyaux en PVC. Un jour un bouchon était mal fermé et l'eau est rentrée progressivement, sans que je m'en rende compte. Et puis en quelques secondes, je l'ai senti chavirer. Heureusement que j'avais pied, je suis revenu au bord en le soutenant. Une belle sueur froide, quand on à 15 000 euros de matériel photo dessus ! J'ai alors rempli les tuyaux de mousses en bombe. Dernier point important, le faire le moins haut possible et le plus difforme, c'est un plus pour certaines espèces plus méfiantes. Et si possible, le recouvrir d'un bon filet de camouflage, pas d'une toile, et pourquoi pas y ajouter des herbes, des feuilles de roseaux... Il faut que l'affût se fonde le plus possible dans le paysage... J'ai créé à ce sujet une page complète sur le développement du mien sur mon site. 

 Revoir ses plus belles photos du Jura

Et aussi : La nature sauvage de Jean-Baptiste Mérillot en images

En savoir plus sur le site de Jean-Baptiste Mérillot