LDH : ce que Borne et Darmanin lui reprochent

LDH : ce que Borne et Darmanin lui reprochent Interrogée au Sénat à la suite des propos de Gérald Darmanin, Elisabeth Borne déclare qu'elle "ne comprend plus certaines positions" de la Ligue des droits de l'homme. Mais savez-vous pourquoi l'exécutif affronte la LDH ?

La Première ministre assume les paroles de Gérald Darmanin. Interrogée lors des questions au gouvernement mercredi 12 avril 2023, Elisabeth Borne a défendu son ministre de l'Intérieur. Après l'interrogation de ce dernier sur les subventions accordées à la Ligue des droits de l'Homme, la Première ministre a déclaré qu'elle a "beaucoup de respect pour ce que la LDH a incarné, mais je ne comprends plus certaines de ses prises de position." Cette déclaration intervient alors que l'association est très critique envers la gestion du maintien de l'ordre en France. La Première ministre avance cependant qu'il n'est "pas question de baisser par principe la subvention d'un tel ou untel". Le président de la LDH, Patrick Baudouin, affirme que "jamais la Ligue des droits de l'homme n'a été remise en cause de cette manière".

Pour rappel, le 5 avril 2023 lors d'une audition devant la commission des lois de l'Assemblée, Gérald Darmanin avait reconnu qu'il "ne connais pas les subventions données par l'État " à la LDH " mais ça mérite d'être regardé dans le cadre des actions qu'elle a pu mener". Selon lui, l'association est un "drôle d'observateur". Pour Elisabeth Borne, "cette incompréhension n'est pas nouvelle, elle s'est fait jour dans ses ambiguïtés face à l'islamisme radical et elle s'est confortée depuis quelques mois". Elle déclare que son avis est "partagé par de nombreux acteurs du monde associatif" comme la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) qui a signalé à la commission nationale consultative des droits de l'homme "les dérives et les défaillances de la Ligue des droits de l'homme". Ces déclarations ont eu des effets positifs pour la LDH: hausse du nombre d'adhérents, vague de dons à la suite d'une tribune publiée en Une de l'Humanité signée par plus 1000 personnalités.

Qu'est-ce que c'est exactement la Ligue des droits de l'Homme ?

C'est une association créée en 1898 afin de défendre le capitaine Alfred Dreyfus. Ce gradé militaire est accusé d'espionnage pour l'Allemagne sur fond d'antisémitisme. Son fondateur est Ludovic Trarieux, à l'époque sénateur de la Gironde. Après la Première Guerre mondiale, la LDH s'associe avec des ligues voisines pour créer la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme. La Seconde Guerre mondiale lui porte un coup d'arrêt car plus d'un tiers de ses membres disparaît.  Elle s'engage alors dans la lutte anticoloniale puis à partir des années 1970 contre la peine de mort et pour l'avortement. En 2022, l'association recensait plus de 8 000 adhérents.

Elle souhaite "défendre les principes énoncés dans les Déclarations des droits de l'homme de 1789, 1793, la Déclaration universelle de 1948 et la Convention européenne des droits de l'homme" selon ses statuts fondateurs. Elle se déclare "non partisane" et "intervient dans tous les domaines concernant la citoyenneté, les libertés et les droits, collectifs ou individuels. Elle est Iaïque." 

Pourquoi la LDH est-elle critiquée ?

La Ligue des droits de l'Homme est de plus en plus ciblée pour son action politique. Gérald Darmanin a par exemple reproché à l'association d'avoir" attaqué l'arrêté qui empêchait les transports d'armes " publié par la préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée, à l'occasion de la manifestation contre la méga bassine de Sainte-Soline. Le gouvernement est opposé également à la LDH à la suite des accusations envers les forces de l'ordre qui auraient empêché les secours d'intervenir auprès de manifestants blessés selon l'association.

De nombreux politiques et observateurs lui reprochent son rapprochement avec le CCIF (Collectif contre l'islamophobie en France). La LDH avait défendu ce collectif lors de sa dissolution menée par Gérald Darmanin en 2020. L'avocat de Charlie Hebdo Richard Malka avait ainsi dénoncé l'absence de la LDH lors du procès après l'attentat commis dans les locaux du journal satirique. Selon lui, "il y avait toutes les grandes associations antiracistes et même le MRAP (Mouvement contre le racisme et l'amitié entre les peuples) pour qui ça n'a pas été facile, mais ils ont eu le courage d'être aux côtés des victimes […] la seule association qui n'était pas là, c'était la Ligue des Droits de l'Homme, créée au moment de l'Affaire Dreyfus, et qui n'était pas aux côtés des victimes de l'Hyper casher, pas aux côtés de Charlie hebdo, mais ils sont dans le même temps du côté du CCIF". 

Comment se défend la LDH ?

Son président Patrick Baudouin a fait part au Monde de sa consternation après les propos d'Elisabeth Borne : "on espérait qu'Elisabeth Borne recadrerait son ministre dans un sens plus républicain, et plus respectueux de la liberté associative. Aujourd'hui, j'ai quelque peu honte pour notre pays, qui glisse progressivement vers les régimes illibéraux". Questionné sur les "ambiguïtés face à l'islamisme radical" qu'entretiendrait la LDH selon la Première ministre,  l'avocat spécialiste de la justice pénale internationale explique que son association défend "tous les droits, même les droits des terroristes à être jugés équitablement, et non par des justices d'exception". Patrick Baudouin souligne son souhait "que les poursuites se fassent dans le respect du droit. Cela remonte à l'histoire de la Ligue, une lutte de cent vingt-cinq ans contre l'injustice et l'arbitraire."

Sur les propos de Darmanin concernant les subventions de l'État accordées à la LDH, son président s'indigne sur Franceinfo "Je ne voudrais pas qu'on soit ramené, dans notre pays, à ces pays qui viennent censurer les associations par ce mécanisme financier pour les empêcher de fonctionner". Face à ces accusations, la Ligue des droits de l'Homme tient une ligne de défense, à savoir que son combat était la défense de l'État de droit contre l'arbitraire.

Comment est financée est la LDH ?

Ses plus de 8 000 membres financent 38% du budget de leur association selon leurs chiffres de 2021. L'Etat et les collectivités représentent 29% (556 000 € en 2021, dont 276 000 € versés par l'État) et les dons atteignent les 20%. Des ventes lors de leurs actions apportent 11% des recettes et des fonds privés financent 3%.