Budget 2026 : taxer les riches les fait-il partir comme l'assure le gouvernement ? Ce que disent les faits

Budget 2026 : taxer les riches les fait-il partir comme l'assure le gouvernement ? Ce que disent les faits Le gouvernement Bayrou refuse de recourir à une taxe qui viserait les plus riches et permettrait de rapporter des milliards à l'Etat craignant un exil fiscal des grosses fortunes. Un argument qui ne tient pas la route selon des économistes.

C'est une taxe qui, à elle seule, aurait pu rapporter presque la moitié des 43,8 milliards d'euros que le gouvernement a prévu d'économiser grâce à son plan pour le budget 2026. La taxe Zucman - du nom de l'économiste et directeur de l'Observatoire européen de la fiscalité qui l'a proposée, Gabriel Zucman - prévoit un nouvel impôt plancher de 2% qui viserait ceux dont la fortune atteint au moins les 100 millions d'euros, soit environ 1 800 personnes en France. En clair, si le montant des impôts préexistants payés par ces riches contribuables ne dépassait pas les 2% de leur patrimoine, alors ils devraient payer la différence par le biais de la taxe Zucman. L'économiste estime que cet impôt pourrait rapporter au moins 20 milliards d'euros.

Le gouvernement Bayrou estime cependant que la taxe Zucman n'est pas une option pour faire les économies nécessaires pour le budget 2026. Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, a d'ailleurs redit sa vive opposition à cet impôt à la sortie du Conseil des ministres, le mercredi 16 juillet. "Il est possible que les 1 800 personnes qui sont concernées par cette proposition puissent prendre, le TGV, le train ou aller un peu plus loin et donc ne seraient plus des contribuables français", a-t-elle mis en garde prenant l'exemple de ce qui s'est passé au Royaume-Uni avec une taxe similaire : le pays a perdu "1 400 foyers" et "110 milliards de livres d'investissement" en "quelques mois" selon ses dires.

Les arguments du gouvernement "n'ont aucun fondement sérieux"

L'argument de la ministre présente cependant des failles selon l'économiste Gabriel Zucman qui fait remarquer sur X qu'il "n'y a pas de taxe similaire à celle [qu'il] propose au Royaume-Uni". Amélie de Montchalin parle en réalité de l'abolition du régime des non résidents fiscaux qui a fait "rentrer les oligarques russes et autres riches étrangers installés à Londres dans le régime de droit commun". Si la logique des deux mesures n'est pas la même, la conséquence est identique : les ultra-riches sont amenés à payer plus d'impôts.

C'est surtout sur le départ de ces ultra-riches que l'économiste corrige la ministre : "Il n'y a aucune étude scientifique pour la simple et bonne raison que les données n'existent pas encore. Les chiffres [cités] sont tirés d'anecdotes [...] de pseudo-enquêtes sans aucune méthodologie crédible. Ils n'ont aucun fondement sérieux", indique Gabriel Zucman.

Il y a bien eu des départs après la nouvelle législation fiscale britannique comme l'avait prévu l'étude d'impact menée par l'Office of Budget Responsibility (OBR). Cette étude démontrait cependant "qu'en dépit de ceux-ci la réforme rapporterait £34 milliards sur 5 ans". L'économise estime qu'un scénario similaire se déroulerait en France en cas d'application de la taxe Zucman. "La littérature scientifique est unanime sur le sujet", elle constate un "exil fiscal non nul, mais faible".

Un impôt applicable malgré l'exil fiscal

"L'exil fiscal n'est pas une loi de la nature : c'est un choix de politique publique. On ne peut plus aujourd'hui, au regard des savoirs existants et des propositions sur la table, s'abriter derrière ce risque pour justifier la préservation des privilèges fiscaux des milliardaires", ajoute l'économise dans un discours plus engagé. 

Par ailleurs, Gabriel Zucman rappelle que sa proposition d'imposer les plus riches prévoit une application de l'impôt "pendant cinq ans après le départ" d'un contribuable qui se serait exilé. Un détail qui n'a pas échappé à Amélie de Montchalin, mais qui ne suffit pas selon elle : "Au bout de cinq ans, moment où cette exit tax viendrait à échéance, nous n'aurions ni les entrepreneurs ni le rendement pour l'État". "Si cela ne vous rassure pas, portez donc ce délai à 10 ans ou plus", répond alors l'économiste à l'adresse du gouvernement, rappelant au passage que 7 prix Nobel ont soutenu la taxe Zucman.