A Lille, l'effondrement des immeubles dû à la vétusté des logements ?

A Lille, l'effondrement des immeubles dû à la vétusté des logements ? LILLE. Le ministre du Logement a annoncé ce lundi 14 novembre la tenue d'expertises, en plus d'une enquête, pour déterminer les causes de l'effondrement de deux immeubles à Lille. La piste de l'insalubrité est écartée mais celle de la vétusté est évoquée.

[Mis à jour le 14 novembre 2022 à 14h32] Pourquoi deux immeubles se sont-ils effondrés à Lille ? C'est la question que se posent les riverains de la rue Pierre Mauroy depuis l'écroulement du 42 et 44 survenu il y a deux jours. "Nous allons confier une mission d'études pour essayer d'approfondir les causes et surtout être sûrs que ce type d'accident ne peut pas se reproduire ici ou ailleurs", a déclaré le ministre du Logement, Olivier Klein, au nom du gouvernement, de la préfecture et de la mairie de Lille ce lundi 14 novembre 2022 devant les gravats. Le Centre scientifique et technique du bâtiment devrait être chargé de mener cette mission. De premières expertises ont eu lieu notamment dans les immeubles voisins de la rue Pierre Mauroy par précaution et l'évacuation de huit bâtiments en plus d'un hôtel a été décidée même si selon la maire de Lille Martine Aubry "aucun désordre sur les bâtiments environnants n'a été constaté pour l'instant", rapporte Le Monde. Pourtant, aucun signe avant-coureur ne laissait paraitre un risque d'effondrement : "On n'est pas dans une zone d'habitat insalubre connue et reconnue comme on peut le connaître ailleurs", a répété le ministre.

L'effondrement des immeubles à Lille fait aussi l'objet d'une enquête du parquet de Lille pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "homicide involontaire. Les recherches doivent déterminer les causes à l'origine de l'effondrement des immeubles mais aussi "les responsabilités sur l'état du bâtiment" et "la connaissance que pouvaient avoir les propriétaires", a fait savoir la procureure de la République de Lille, Carole Etienne. Si la piste de l'insalubrité est écartée par les autorités, les riverains se plaignent de la vétusté des immeubles mais vétusté n'est pas synonyme de danger selon Marc Dumont, enseignant en aménagement et urbanisme à l'Université de Lille, au micro d'Europe 1. Le chercheur estime que le bâtiment a été fragilisé et c'est cette fragilisation qui a entrainé l'effondrement des immeubles, l'objectif est donc de savoir où l'infrastructure a péché. Selon l'analyse d'un expert interrogé par La Voix du Nord, la forme en "V" des gravats tombés par la partie centrale pourrait signaler l'effondrement d'un mur porteur unique soutenant les deux bâtiments.

Quelle est la cause des effondrements à Lille ?

L'enquête du parquet de Lille doit à terme déterminer les causes qui sont à l'origine des effondrements des immeubles dans le centre de Lille. D'après les premières informations recueillies par La Voix du Nord, le mur qui a gondolé dans la nuit de vendredi à samedi, suscitant l'alerte d'un étudiant, pourrait être un mur porteur unique qui soutenait les deux immeubles. Le quotidien explique que le mur pourrait s'être effondré sur lui-même. Dans son effondrement, il aurait entraîné avec lui tous les étages situés au-dessus.

La vétusté des immeubles est mise en cause et pourrait avoir joué un rôle dans l'effondrement des bâtiments mais exclus des zones de "résorption d'insalubrité", les immeubles n'avaient pas été "repérés comme à risque" selon les déclarations du ministre du Logement invité de BFMTV Lille le 13 novembre. Après l'éboulement des deux bâtisses, des experts ont contrôlé les immeubles voisins "pour vérifier leur stabilité et leur sécurité" a assuré la maire de Lille (PS), Martine Aubry.

Qui sont les victimes des effondrements d'immeubles à Lille ?

"Le corps d'un homme a été découvert dans les décombres" des immeubles du 42 et 44 rue Pierre Mauroy, a expliqué Stéphane Beauventre, commandant des opérations de secours, selon des propos rapportés par La Voix du Nord. La victime a été retrouvée dans la nuit de samedi à dimanche vers 1h30, au lendemain des effondrements. D'après le quotidien nordiste la personne retrouvée est Alexandre Klein, un psychiatre chef de service âgé de 45 ans, qui était porté disparu ce samedi. Il travaillait au centre hospitalier de Calais. Selon Stéphane Beauventre, le médecin "aurait pu glisser pendant son sommeil". Une enquête officielle doit cependant déterminer les circonstances précises de son décès. Sur place, "la scène est désormais figée pour les besoins de l'enquête", a indiqué le commandant des opérations de secours. Le médecin n'a pas pu être évacué car "il logeait au 42 et non au 44, et cet immeuble, qui ne présentait pas de risques apparents" selon une source proche du dossier à La Voix du Nord. L'homme était hébergé par un collègue, et les secours n'étaient dans un premier temps pas au courant qu'il se trouvait dans l'immeuble. Une deuxième victime des effondrements d'immeuble à Lille a été sorties des gravats dans la journée de samedi. Elle n'est fort heureusement que légèrement blessée selon les secours.

Des étudiants ont donné l'alerte avant l'effondrement

Ils sont trois étudiants à avoir donné l'alerte seulement quelques heures avant l'effondrement des immeubles : Thibault Lemay, Constantin Honoré et Gaspard Torris. Le premier, alternant à l'école d'ingénieurs ICAM est rentré chez lui à 3 heures du matin dans la nuit du vendredi au samedi lorsqu'il a vu que le mur du hall de l'immeuble était entrouvert et gondolé selon ses déclarations à France Bleu Nord "Je vais voir mes deux colocataires, on se rend compte que l'immeuble a bougé, car on n'arrivait plus à ouvrir la porte tout en haut et on entendait des gravats tomber", a expliqué Thibault Lemay à nos confrères. Les trois colocataires ont ensuite pris la décision de prévenir les secours. L'étudiant de 22 ans que Les sapeurs-pompiers sont arrivés dix minutes plus tard selon l'étudiant, et ont évacué les personnes présentes dans l'un des deux immeubles "en moins de 30 minutes". 

Avant que l'on apprenne que le corps sans vie d'une victime avait été retrouvé dans les gravats, la maire de Lille Martine Aubry a salué la réactivité de Thibault Lemay : "J'en tremble encore car si cette nuit, ce monsieur n'était pas rentré à 3h du matin, et ne nous avait pas joints, et que nous n'avions pas eu ces réactions, il y aurait des morts ce (samedi) matin à l'évidence." Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a lui aussi remercié "l'étudiant qui a, cette nuit, donné l'alerte". Thibault Lemay a aussi été cité par le porte-parole du gouvernement qui sur l'antenne lilloise de BFMTV a estimé que le jeune homme méritait d'être salué par la République : "Il a évité une catastrophe plus importante encore sur le plan humain."

Les immeubles effondrés à Lille étaient-ils en mauvais état ?

Selon La Voix du Nord, le ministre délégué au Logement, Olivier Klein, a déclaré qu'il "n'y avait pas d'alerte particulière sur cet immeuble, ce n'était pas un immeuble frappé d'insalubrité". On sait en revanche qu'un ravalement de façade était en cours sur l'un des deux immeubles, selon les informations de France Bleu Nord. Jean-Yves Méreau, spécialiste du patrimoine et de l'urbanisme lillois, a été interrogé par La Voix du Nord sur cet effondrement : "Je ne sais pas dans ce cas précis quels travaux ont été effectués, mais il y a un vrai problème de déstructuration de parcelles dans le Vieux-Lille (quartier du bâtiment). On supprime trop souvent des murs porteurs pour agrandir des surfaces commerciales. Or, à Lille, les façades ne portent pas les immeubles." "Cela crée un problème de portance parce que les charges sont renvoyées vers des points trop faibles et, après, les murs craquent. Les services de la ville de Lille se battent contre cette manie de supprimer des murs porteurs depuis des années", a-t-il ajouté.

La Voix du Nord a également interrogé Marc Dumont, enseignant en urbanisme à l'université de Lille. "Il y a une bonne quantité d'immeubles vétustes dans la ville", a-t-il déclaré. Dans l'après-midi de samedi, le parquet de Lille a annoncé avoir ouvert une enquête pour "mise en danger de la vie d'autrui", ajoutant qu'une "expertise judiciaire a été diligentée pour faire la lumière sur cette affaire". Olivier Klein, ministre délégué au Logement, a annoncé sur BFMTV qu'il allait se rendre à Lille ce lundi. "On pourra faire des réunions de travail et voir si on a d'autres immeubles en péril, lancer les enquêtes nécessaires et essayer, avec la maire et le préfet, d'être utiles et de comprendre ce qu'il s'est passé pour éviter qu'un tel drame ne se reproduise", a-t-il indiqué. Dimanche, La Voix du Nord a indiqué que le mur qui a gondolé pourrait être un mur porteur commun aux deux immeubles qui se serait effondré sur lui-même, et qui aurait par conséquence causé l'effondrement de tous les étages situés au-dessus.