Attaque au CHU de Reims : le suspect mis en examen, sa responsabilité pénale reconnue ?
[Mis à jour le 24 mai 2023 à 19h09] Le procureur de la République de Reims a indiqué à BFM TV que l'homme suspecté d'être l'auteur de l'attaque au couteau du CHU de Reims, lundi 22 mai, a été mis en examen ce mardi soir pour "assassinat" et "tentative d'assassinat". Une annonce qui survient quelques heures après que le procureur a annoncé, à l'occasion de la conférence de presse qui s'est tenue ce même jour, son intention de demander une mise en examen. Si le suspect de 59 ans a donc été placé en détention provisoire, la question de sa responsabilité pénale reste sur la table, celui-ci souffrant de schizophrénie et de paranoïa.
Plus tôt dans la journée, le procureur de la République de Reims, Matthieu Bourrette, avait donc sollicité la mise en examen du suspect mais aussi son placement en détention provisoire dans une unité hospitalo-carcérale au regard de la "gravité des faits et des troubles particulièrement graves et persistants causés à l'ordre public". Si les réquisitions du parquet sont suivies, le suspect encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Le suspect a dit vouloir "se venger"
Lors de la conférence de presse de ce mercredi, le procureur de la République est revenu longuement sur le profil et les antécédents du suspect, un Rémois de 59 ans considéré comme adulte handicapé en raison de troubles psychiatriques, en conférence de presse ce mercredi. La garde à vue du suspect et ses interrogatoires ont été agités, mais malgré des propos incohérents le mis en cause a reconnu être l'auteur de l'agression des soignantes "en raison de leurs qualités et parce qu'il en voulait à la psychiatrie". Il a précisé "que chaque fois qu'il croiserait une blouse blanche, il la planterait pour pouvoir se venger" et a assuré être propriétaire du couteau utilisé lors de l'attaque.
L'auteur de l'attaque au couteau présente un profil "paranoïaque et schizophrène" et souffre de psychose chronique depuis l'enfance. Pris en charge par des psychiatres depuis 1985, l'homme a un parcours ponctué des séjours hospitaliers. Le procureur a indiqué que le psychiatre du mis en cause "ne s'attendait pas à un tel passage à l'acte, il était pour lui stabilisé, il venait tous les jours au rendez-vous pour prendre ses médicaments, dont la dernière fois le jour des faits". Mais la mandataire judiciaire qui suivait l'agresseur avait plusieurs fois mentionné des ruptures de traitement entre 2020 et 2023. Le suspect a lui-même reconnu un arrêt de son traitement et les premiers éléments de l'enquête semblent confirmer cette piste.
Que s'est-il passé au CHU de Reims ?
C'est en début d'après-midi le lundi 22 mai, vers 13h30, que les deux femmes ont été attaquées au couteau par un patient de 59 ans. L'homme s'était présenté un peu plus tôt au service de l'unité de "médecine et santé au travail" du CHU de Reims et s'en est pris à l'infirmière et à la secrétaire médicale dans un vestiaire à qui il a asséné plusieurs coups de couteau, cinq selon la secrétaire médicale entendue par les enquêteurs. L'agresseur a tenté de s'enfuir mais a été intercepté dans sa course par les agents de sécurité et immédiatement interpellé par la police. Le procureur de la République de Reims a fait savoir lundi soir que le quinquagénaire avait été placé en garde à vue plus tôt dans la journée, dès 13h40, "pour des faits de tentative d'assassinat" et pour "assassinat", depuis la mort d'une des victimes. Le commissariat central de Reims est chargé de l'enquête et les premiers aveux du suspect ont été obtenus.
Le chef d'"assassinat" retenu par le parquet de Reims traduit la possible préméditation du meurtre des soignants. Une hypothèse suggérée par "les propres déclarations de l'intéressé depuis plusieurs mois de tuer des personnels de santé [et] sa venue armée dans un service ù il n'avait aucune raison de se trouver" a indiqué le procureur de la République.
Troubles psychiatriques, vengeance... Qui est le suspect ?
L'auteur de l'attaque au couteau au CHU de Reims est un homme de 59 ans, originaire de Reims qui fait l'objet de soins psychiatrique depuis 1985 a indiqué le procureur de la République de Reims, le 24 mai. Souffrant de psychose chronique depuis l'enfance, le suspect est décrit comme "schizophrène et paranoïaque". Ces troubles ont conduit au placement sous "curatelle renforcée" du suspect à plusieurs reprises et si ces derniers mois l'homme souhaitait la levée de la curatelle, le juge des tutelles n'a jamais accédé à sa requête s'appuyant sur les rapports du mandataire judiciaire "sur la dangerosité et la difficulté à s'assurer du maintien effectif de soins" du suspect.
Dès son interpellation le suspect a évoqué son désir de vengeance à l'égard du corps médical et plus précisément du milieu psychiatrique qui l'aurait maltraité selon lui. "Il semble considérer que la psychiatrie a gâché sa vie et l'a contraint à un certain nombre de traitements médicamenteux et hospitaliers qui allaient à l'encontre de son bien être" a expliqué le procureur de Reims. Cette colère le pousserait à vouloir s'en prendre aux personnels soignants sans distinction.
Le suspect a-t-il arrêté son traitement ?
L'arrêt de la prise du traitement médicamenteux du suspect est une hypothèse qui gagne de l'épaisseur. Si le psychiatre qui suit l'individu depuis cinq ans assure que le mis en cause était assidu aux séances (cinq consultations ont eu lieu ces six derniers mois dont la dernière en mai 2023) et prenait ses cachets quotidiennement, le mandataire judiciaire atteste du contraire. Le représentant a signalé plusieurs arrêts de traitement depuis 2020 et le suspect a reconnu lui-même lors de la garde à vue avoir arrêté la prise de ses médicaments.
Lors de l'interpellation du suspect, l'homme était porteur "de plusieurs cachets pouvant correspondre à la prise médicamenteuse du jeudi" tandis qu'à son domicile les enquêteurs ont "retrouvé un sachet de médicaments semblant correspondre à la prescription remise le vendredi après-midi pour le week-end. "Le sachet n'était ni ouvert, ni entamé" a ajouté le procureur de Reims. A noter qu'en 2017, l'homme avait déjà interrompu son traitement et s'était rendu responsable d'une première agression.
Plusieurs séjours en psychiatrie et mises sous curatelles
Suivi depuis 1985 par des professionnels de psychiatrie, le suspect a été hospitalisé à plusieurs reprises que se soit sous contrainte ou non. Le procureur a listé trois séjours en services psychiatriques : de juin à août 2019, de septembre à octobre 2020 et de juillet à septembre 2021. Outre les hospitalisations, le suspect a longtemps était placé en curatelle renforcée notamment entre 1998 et 2007 avec sa mère en tant que curatrice. Depuis 2019, le mis en cause fait de nouveau l'objet de cette mesure de protection à sa propre demande et c'est le gérant de tutelle de l'établissement de santé mentale de Châlons-en-Champagne qui assure la curatelle, a précisé le magistrat.
Le suspect souhaitent depuis plusieurs mois levée la mesure de curatelle le concernant et son psychiatre qui le jugeait "stabilisé" n'estimait plus la mesure nécessaire non plus, mais le juge des tutelle a "toujours refusé le levée de la mesure de curatelle renforcé".
Premier passage à l'acte
L'auteur de l'attaque au couteau n'a jamais été condamné au pénal, mais il a déjà été mis en examen pour "violences aggravées" après une agression à l'arme blanche survenue en 2017 dans l'ESAT (établissement et service d'aide par le travail) de Meix-Tiercelin, dans la Marne, dans lequel il travaillait. Il avait poignardé quatre membres du corps soignant : une infirmière, une aide-soignante, un chef de service et un animateur. Une seule victime avait été hospitalisée. Ce passage à l'acte était survenu alors que le suspect avait arrêté de prendre son traitement.
Cinq ans après les faits et à l'issue d'une longue investigation, l'homme avait bénéficié en juin 2022 non pas d'un non-lieu, comme indiqué dans le premier communiqué du parquet, mais d'une ordonnance faisant état de l'abolition du discernement de l'individu conformément aux expertises de plusieurs psychiatres. Cette procédure "permet lorsqu'une personne est susceptible d'être déclarée irresponsable en raison d'une abolition du discernement tout en considérant que les fait commis lui sont imputables d'imposer au mis en cause des mesure de sureté pouvant aller jusqu'à l'hospitalisation d'office" a détaillé le magistrat. Dans ce cas une audience est nécessaire pour statuer et cette audience est prévue à la date du 26 mai 2023.
L'auteur de l'attaque au CHU de Reims peut-il être déclaré irresponsable ?
La responsabilité pénale de l'auteur de l'attaque au couteau à Reims est une des questions qui va se poser. Et pour cause, sa santé mentale pourrait avoir altéré son discernement. Les expertises psychiatriques vont permettre de rendre un avis et d'éclairer la justice sur ce point, mais cet avis sera déterminant pour les peines encourues par le suspect. S'il est déclaré responsable, il pourra purger une peine prononcée, mais si l'irresponsabilité est retenue seules des mesures préventives pourraient être prises compte tenu de sa santé.
Les experts doivent démontrer que le discernement du suspect était aboli ou altéré au moments des faits, c'est-à-dire de l'attaque au couteau perpétré lundi, pour que l'irresponsabilité pénale soit retenue. Rien ne permet encore de présager du verdict des psychiatres, car les propos incohérents tenus par le suspect ou encore l'incapacité à prendre conscience de ce qui a été fait, l'absence d'empathie ou de regret dont le mis en cause a fait preuve, ne suffisent pas à déclarer quelqu'un irresponsable.
Quant à la précédente affaire dans laquelle l'individu a été considéré irresponsable, elle n'a pas de conséquences sur cette nouvelle enquête comme l'a rappelé le procureur Matthieu Bourrette : "L'irresponsabilité pénale se mesure dossier par dossier, je veux dire que le dossier de 2017 n'a pas d'incidence sur l'analyse qui peut être faite de la responsabilité pénale dans le présent dossier"
Qui sont les victimes de l'attaque au CHU de Reims ?
Deux femmes ont été attaquées au couteau alors qu'elles travaillaient au CHU de Reims : une infirmière de 38 ans et une secrétaire médicale de 56 ans. La première a succombé à ses blessures et est décédée mardi matin, a indiqué le ministre de la Santé. Elle s'appelait Carène et était mariée ainsi que mère de deux enfants de 8 et 11 ans. L'émotion est vive pour les proches de l'infirmière poignardée et tous ont décrit auprès du Figaro et de France 3 une femme "très gentille, simple, drôle, travailleuse, impliquée et appréciée". "Elle laissera derrière elle un souvenir indélébile et un grand vide. [...] Elle était la joie de vivre... Qu'elle repose en paix", a ajouté le maire de Champlat-et-Boujacourt, village de la Marne où est née Carène et où sa famille vit encore.
La seconde victime, prénommé Christine d'après les informations du procureur de Reims, est toujours hospitalisée mais ses jours ne sont, a priori, plus en danger. Elle a été opérée en urgence après son agression et est actuellement "en surveillance" a fait savoir le ministre de la Santé sur BFMTV. Rien n'indique que les deux femmes étaient personnellement visées puisque le suspect n'avait pas de mobile. Il a simplement fait part de sa colère à l'égard de tous les membres du corps médical.