Incendie à Wintzenheim : la sécurité du gite pointée, des normes pas respectées

Incendie à Wintzenheim : la sécurité du gite pointée, des normes pas respectées

Après la mort de 11 personnes dans un incendie à Wintzenheim, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "homicides et blessures involontaires aggravées", ce vendredi 11 août.

[Mis à jour le 11 août 2023 à 14h50] Des zones d'ombres à éclaircir. Alors qu'un incendie a coûté la vie à 11 personnes mercredi 9 août au matin, dans un gîte situé à Wintzenheim, une enquête a été ouverte, ce vendredi 11 août par le parquet de Paris pour "homicides et blessures involontaires aggravés par la violation d'une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement ". Le dossier, initialement entre les mains du parquet de Colmar, a été transféré à celui de Paris "au regard du nombre de victimes réparties sur le territoire national et de l'ampleur des investigations à venir". L'objectif est de faire la lumière sur les causes de cet incident et de déterminer les responsabilités. 

La vice-procureure de la République de Colmar avait révélé, jeudi, que "le gîte n'avait pas subi le passage de la commission de sécurité qui est obligatoire" et "ne disposait pas [non plus] des caractéristiques pour accueillir du public". De son côté, le maire adjoint de Wintzenheim avait également indiqué jeudi auprès de BFM TV que le bâtiment n'avait jamais été déclaré et que, de fait, aucune commission de sécurité ne s'y était jamais intéressée puisqu'il n'était pas censé accueillir du public.

Mercredi, le drame s'est produit vers 6h30, lorsque tout le monde dormait encore. Alors que le parquet a ouvert une enquête pour recherche des causes de l'incendie, une première piste semble tenir la corde sur l'origine du drame : celle d'un feu couvant. Les éléments déjà recueillis font état d'un feu qui se serait déclaré plusieurs heures auparavant, avant de s'embraser au petit matin dans cette bâtisse à colombages. Reste à savoir ce qui a provoqué ce départ d'incendie. La brigade de recherches de Colmar et la section de recherches de Strasbourg ont été dépêchées sur les lieux. Selon les informations recueillies par France 3, l'incendie se serait déclaré à l'étage du gîte, où semblaient loger les victimes, les personnes situées au rez-de-chaussée ayant réussi à s'extraire à temps. On sait notamment que sur les 17 rescapés, 12 dormaient au rez-de-chaussée. En tout, 28 personnes étaient logées dans le gîte au moment du drame. Ce jeudi, l'identification des victimes se poursuit.

Le bâtiment incendié pas en règle

La vice-procureure de la République de Colmar, Nathalie Kielwasser, a déclaré jeudi 10 août auprès de l'AFP que "le gîte n'avait pas subi le passage de la commission de sécurité qui est obligatoire" et "ne disposait pas [non plus] des caractéristiques pour accueillir du public". En somme, le gîte n'était, semble-t-il, pas aux normes. Des propos qui viennent ainsi confirmer l'information de L'Alsace et de France Bleu. La commission impose en effet plusieurs aménagements pour ce type d'établissements, tels que la présence de portes coupe-feu, l'installation d'un système d'alarme incendie ou encore la mise en place d'un fléchage des issues de secours.

Dans l'après-midi de jeudi, le maire adjoint de Wintzenheim est à son tour revenu sur le sujet au micro de BFM TV. "Le bâtiment n'ayant pas été déclaré, il n'y a pas eu de demande de commission de sécurité puisqu'il n'était pas censé accueillir du public", a-t-il expliqué. Le bâtiment était encore déclaré comme bâtiment agricole. 

Qu'est-ce qu'un feu couvant, qui pourrait être à l'origine du drame ?

L'hypothèse désormais avancée pour expliquer le terrible drame qui a coûté la vie à 11 personnes est celle d'un "feu couvant". Mais de quoi s'agit-il concrètement ? "C'est un feu qui a vraisemblablement couvé pendant un certain temps avec un feu naissant et une accumulation de gaz chaud", a décrit mercredi auprès de BFM TV le lieutenant-colonel Bruno Ducarouge, représentant des services d'incendie et de secours du département du Haut-Rhin. Et de poursuivre : "Puis, à un moment donné, il y a une montée en température qui provoque un embrasement généralisé de toute la structure en bois."

Que sait-on de l'incendie à Wintzenheim ?

Le drame s'est produit aux premières lueurs du jour mercredi 9 août 2023. Dans cette commune de 8 000 habitants située dans le Haut-Rhin, à l'ouest de Colmar, un incendie s'est déclaré à 6h30 dans un gîte qui accueillait des adultes handicapés venus passer quelques jours de vacances. Si 17 personnes ont pu sortir vivantes des flammes, très vite, la préfecture, par la voix de son secrétaire général Christophe Marot, au micro de France 3, a fait savoir que la situation laissait peu de place au doute quant au sort des 11 personnes portées disparues. "On est quasiment sûr du décès des personnes manquantes", a-t-il déclaré en début de matinée alors que les recherches ne faisaient que commencer, précisant toutefois : "On est prudents tant qu'on n'a pas localisé tous les corps."

Sur les coups de 16 heures, peu de temps après l'arrivée sur les lieux du drame de la Première ministre Élisabeth Borne, accompagnée de la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, la vice-procureure de la République de Colmar a confirmé que les 11 personnes portées disparues étaient bien décédées dans l'incendie.

Qui sont les victimes de l'incendie de Wintzenheim ?

Les victimes étaient issues de différentes associations pour adultes handicapés mentaux légers, mais s'étaient toutes inscrites via la même agence de voyages spécialisée, Oxygène, qui organisait le séjour. "Ils sont capables de réaliser les gestes de la vie quotidienne, ils ont une certaine autonomie. [...] Mais ils ont besoin d'encadrement", a expliqué à France Bleu Denis Renaud, le président de l'association AEIM en Meurthe-et-Moselle.

L'association déplore aujourd'hui quatre victimes accompagnées par ses différentes structures. Parmi ses effectifs, il n'y a qu'une survivante, une jeune femme d'une vingtaine d'années qui n'aurait pas hésité à sauter par une fenêtre pour échapper aux flammes alors qu'elle se trouvait au premier étage. "Elle a été réveillée par le bruit du feu, elle a ouvert la porte et s'est rendu compte qu'il y avait du feu", a raconté à France Bleu Denis Renaud. Hésitant "à aller chercher son téléphone, son doudou, sa carte...", la jeune femme a finalement "sauté par la fenêtre". C'est un autre résident qui était déjà sorti qui l'a réceptionnée. Au micro de la radio locale, Denis Renaud a salué le "grand courage", "l'autonomie exceptionnelle" et la "présence d'esprit remarquable" de la jeune femme.

De son côté, l'APEI Vallée de l'Orne a indiqué à France Bleu que quatre Mosellans issus du foyer Robert-Gautier d'Amnéville font également partie des victimes. Seules deux personnes ont pu être secourues parmi les personnes rattachées à cette structure. L'établissement public médico-social du Saulnois, à Albestroff (Moselle), ainsi que le foyer Antoine-Moulier de Rombas (Moselle) déplorent chacun une victime aussi. Le média local ne révèle toutefois aucune information sur la onzième victime, qui devrait a priori être un encadrant. Car, sur l'ensemble des victimes, on compte  10 vacanciers et un encadrant. Tous sont âgés de 27 à 50 ans, selon l'adjoint au maire de Wintzenheim qui s'est exprimé au micro de BFMTV mercredi. 

À noter que mercredi matin, une personne en urgence relative a été évacuée vers l'hôpital et une personne, choquée, a été prise en charge. Il pourrait s'agir de la propriétaire des lieux, selon Les Dernières Nouvelles d'Alsace. C'est elle qui a donné l'alerte après avoir découvert son établissement en feu. Elle aurait également fait évacuer le plus de personnes possible. 

Tous logeaient au bord de la RD 417, près de l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (Itep) de La Forge. Dans le secteur, la circulation a été perturbée jusqu'à 18h20, selon L'Alsace. En début d'après-midi, mercredi, BFMTV indiquait en effet que la RD 417 était fermée à la circulation et qu'une déviation avait été mise en place.

Interrogée par France 3, une voisine des lieux a raconté l'horreur de cette matinée du 9 août. "J'ai été réveillée par mon conjoint qui sortait le chien, il est venu me chercher en me disant : 'J'ai entendu crier, ça brûle'", s'est-elle remémorée, évoquant "beaucoup de flammes" et un "gros nuage de fumée". Et celle qui a été frappée par la rapidité de la propagation de l'incendie de poursuivre : "Mon conjoint m'a dit qu'il avait vu des gens dehors. On pensait que les personnes étaient sorties." Selon elle, les pompiers seraient prestement arrivés sur les lieux du drame. 

De très nombreuses réactions politiques

Très tôt mercredi matin, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est exprimé sur le drame. "Un incendie s'est déroulé tôt ce matin dans une structure accueillant des personnes handicapées à Wintzenheim, dans le Haut-Rhin", expliquait-il sur X (ex-Twitter). Et de préciser : "En dépit de l'intervention rapide et courageuse des sapeurs-pompiers que je salue, plusieurs victimes seraient à déplorer."

Dans la foulée, la Première ministre Élisabeth Borne avait indiqué sur le réseau social se rendre sur place avec la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé. De son côté, le président Emmanuel Macron a déploré une "tragédie". "Mes pensées vont aux victimes, aux blessés, à leurs proches. Merci à nos forces de sécurité et nos services de secours mobilisés", a ajouté sur X le chef de l'État.

En fin de matinée, la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet a, elle, fait part de son "émotion". "Mes pensées aux victimes et à leurs familles. J'apporte tout mon soutien aux secours pour leur intervention dans un contexte difficile", a-t-elle indiqué sur X. "Face au drame de Wintzenheim, je veux dire mon émotion, ma tristesse et adresser mes pensées aux victimes, à leurs familles ainsi qu'au personnel du centre", a de son côté réagi Franck Leroy, président DVD de la région Grand Est sur X également. La Ville de Nancy, d'où sont originaires les victimes, a aussi eu un mot sur le réseau social pour leurs proches, ainsi que pour les secours.

Après la venue d'Élisabeth Borne et d'Aurore Bergé mercredi 9 août, TF1 Info croit savoir que Fadila Khattabi, la ministre déléguée aux Personnes handicapées, va également se déplacer sur les lieux de la tragédie, à Wintzenheim, dans la journée du jeudi 10 août.